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Banania ou le racisme ordinaire

Banania ou le racisme ordinaire

Publié le 3 févr. 2021 Mis à jour le 3 févr. 2021 Musique
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Banania ou le racisme ordinaire

 

 

Nabou, Bamboula (Nabou), Polydor, 1987.

Nabou, Bamboula

 

C’est une poupée...

 

Il y avait Patty Pravo et sa Bambola en 1968, vingt ans plus tard, Nabou dégaine sa Bamboula. Autres temps, autre style.

Seynabou Diop, pour citer son nom complet, est une chanteuse, choriste et danseuse d’origine ivoirienne. Elle a accompagné le groupe Touré Kunda, issu du Sénégal voisin, plus précisément de la région de Casamance, pendant plus de dix ans, de 1983 à 1991.

Durant ces années-là, elle s’est accordée une très brève parenthèse en solo, le temps de sortir cet unique 45 tours resté sans suite malgré des qualités certaines.

Patty Pravo, La Bambola

 

L’identité entre deux chaises

 

Dans Bamboula, au travers de sa propre histoire,

 

« Je suis partie de Grand-Bassam

Destination Paname »

 

Nabou raconte le destin de tous les déracinés, immigrés ou enfants d’immigrés, en errance, coincés entre deux pays, deux cultures, dont les contours de l’identité deviennent flous à force de trop d’incompréhension. Elle le fait tout en légèreté, sur une rythmique synth-pop-afro-zouk : cuivres, percus, chœurs, échos, en mélangeant au français quelques mots de dialecte d’Afrique de l’Ouest (Wolof, Malinké) :

 

« En Afrique je suis une toubab

En Europe une bamboula

Ouanaga, ouanaga, je suis une Africaine »

 

Rachid Taha chantait lui aussi « je suis africain » sur son dernier album (posthume mais de grande qualité).

Quand j’étais au lycée, mon pote Hassan me racontait exactement la même chose, avec les mêmes mots : trop blanc pour être noir, trop noir pour être blanc. Il était né en France, de parents marocains et arborait la double nationalité sur son passeport. Ce n’est pas toujours une chance, contrairement à ce que le bon sens voudrait.

 

« Je ne suis qu’une parisienne

À la mode des bamboulas

Je ne suis qu’une bamboula

À la mode des parisiennes »

 

Nabou essaye tant bien que mal de réaliser la fusion.

 

Stigma

 

Nabou revendique haut et fort et en musique ses racines dès le titre de sa chanson : bamboula, cette danse africaine devenue marque de biscuit au chocolat, que la sémantique a détournée pour en faire un synonyme de fête, comme nouba ou java. Le sous-texte est éminemment raciste : ces sauvages, quand même, ils savent s’amuser… et puis quel sens du rythme ! Notre langue est peut-être celle de Molière et de Voltaire, mais notre société, c’est encore autre chose…

Je ne peux pas m’empêcher de pense ici à la Lily de Pierre Perret :

 

« Elle pensait qu’on était égaux, Lily

Au pays de Voltaire et d’Hugo, Lily

Mais pour Debussy en revanche

Il faut deux noires pour une blanche

Ça fait un sacré distinguo »

 

Revendiquer avec fierté cette identité déclassée de bamboula est une démonstration de force et de courage. Vive Nabou, pour cela et pour tout le reste.

Pour Erving Goffman, le sociologue qui a développé le concept de stigmatisation, la capacité d’un individu à renverser une appellation péjorative pour la transformer en un élément d’identification positif est un recours inestimable dont disposent ceux qui subissent la ségrégation.

Le message était peut-être taillé trop grand pour le ton pop de la chanson, et l’essai est resté lettre morte. Ce n’est que partie remise : les lignes bougeront lentement, mais elle bougeront.

Le morceau est en écoute ici.

 

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