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Le fantôme de la liberté (1974) Luis Buñuel

Le fantôme de la liberté (1974) Luis Buñuel

Publié le 8 avr. 2021 Mis à jour le 8 avr. 2021 Culture
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Le fantôme de la liberté (1974) Luis Buñuel

Voyage en absurdie

Lorsque Luis Buñuel réalise Le fantôme de la liberté, il a plus de 70 ans et quelque 45 ans de carrière au cinéma. Depuis une dizaine d’années, il tourne ses films en France, avec la complicité du scénariste Jean-Claude Carrière, qui l’accompagne depuis son adaptation du Journal d’une femme de chambre. Inspiré par un conte d'un auteur espagnol du XIXe siècle, Gustavo Adolfo Bécquer, le film tire son nom, selon son réalisateur, de la première phrase du Manifeste du Parti communiste. Son film précédent, Le charme discret de la bourgeoisie, avait reçu l’Oscar du meilleur film étranger et il décidera, après son film suivant, Cet obscur objet du désir, d’arrêter sa carrière. Si Buñuel a souvent été interrogé sur les significations de son œuvre, toutes ses interprétations ne sont sans doute pas à prendre au pied de la lettre. Du reste, l’usage de l’absurde et l’empreinte du surréalisme  sont autant de clés pour le spectateur, laissant comprendre qu’il ne faut pas toujours chercher des explications rationnelles partout.

En 1808, à Tolède, des soldats napoléoniens occupent la ville et fusillent des combattants espagnols. On comprend que c’est la toile de Francisco de Goya, Tres de mayo, qui est ici mise en scène. Ce détail du tableau est issu d’un livre que commente une bonne, butant sur un mot tandis qu’elle est venue promener deux petites filles dans un jardin public. Celles-ci se dirigent vers une aire de jeux où elles rencontrent un homme d’un certain âge, qui leur donne des cartes postales en leur disant de ne surtout pas les montrer à des adultes. Rentrée chez elle, Véronique Foucauld s’empresse de donner les images à sa mère, alors en pleine discussion avec son mari. Elle n’y prête pas attention puis pousse des cris d’orfraie quand elle se rend compte de ce qu’elles représentent : il s’agit de divers monuments parisiens, dont l’Arc de Triomphe et le Sacré-Cœur. Outré que leur gouvernante ait pu laisser passer un tel outrage, les parents de Véronique s’empressent de la congédier.

Un des points saillants du Fantôme de la liberté réside dans la fluidité de sa mise en scène. Le spectateur traverse le récit via ses personnages, qui se succèdent les uns les autres en se rencontrant brièvement avant de disparaître. Les fils narratifs s’enchaînent ainsi de façon a priori incohérente, ce qui n’étonnera pas les habitués de la filmographie de Luis Buñuel. Ainsi chercher une trame d’ensemble paraît inutile, et ce n’est sans doute justement pas la première nécessité du réalisateur. La continuité se trouve plutôt dans les motifs récurrents parsemés dans le long-métrage : des animaux, qui souvent fixent la caméra, un corps nu de jeune femme, jamais la même et pourtant jamais une autre, une image pieuse, et on en passe. Sans compter le début et la fin du film, qui se répondent l’un l’autre, et qui esquissent un sens à l’ensemble du film, tout du moins à son titre où la liberté tient une place importante et peut-être illusoire.

Une autre caractéristique frappe le spectateur devant Le fantôme de la liberté, à savoir la tonalité absurde qui infuse tout le long-métrage. On peut y voir des moines carmes, que l’on penserait plutôt contemplatifs, s’adonner à une partie de poker avec une femme dont la probité nous semblait jusqu’alors insoupçonnable, tous fumant et buvant tout du long. L’une des scènes les plus célèbres du film met en scène un dîner bourgeois des plus traditionnels, et qui pourtant donne tout son sens à l’expression « bon appétit ». Car Luis Buñuel est un homme de culture, et l’on ne peu s’empêcher de penser, à tort ou à raison, que tous les éléments de son œuvre portent une signification, qu’elle soit consciente ou non. Ainsi les images pornographiques détournées au début du film sont assez claires pour qui connaît l’histoire de France. Quant à la séquence magnifique où une petite fille disparaît alors qu’elle est toujours présente, elle semble plus absconse, et emplie d'une belle poésie surréaliste.

Car Le fantôme de la liberté ne renie pas le mouvement surréaliste cher à Luis Buñuel, bien au contraire. Le fil narratif, qui déroule les automatismes psychiques de son auteur, en est un indice éclatant. L’inversement des valeurs mis en valeur par les scènes absurdes qui émaillent le récit en est une autre caractéristique. C’est ainsi une esthétique insidieusement révolutionnaire qui se dessine au fil des scènes, avec sa défiance systématique envers les valeurs de la société, qu’elle soit celle de la bourgeoisie, une fois de plus ridiculisée, de l’armée, de la police et de l’ensemble des figures de l’ordre. La subversion reste le maître-mot, la religion y est joyeusement brocardée. Car tout est léger dans le film, l’humour infuse quasiment toutes les scènes, même celles où le danger affleure, comme la séquence initiale avec le pédophile. Côté casting, le réalisateur se fait, et nous fait plaisir, avec ses habitués comme Julien Bertheau ou Michel Piccoli, comme avec des invités de luxe tels Michael Lonsdale ou  bien Monica Vitti.

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