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Effacer l’historique (2020) Benoît Delépine et Gustave Kervern

Effacer l’historique (2020) Benoît Delépine et Gustave Kervern

Publié le 28 août 2020 Mis à jour le 28 août 2020 Culture
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Effacer l’historique (2020) Benoît Delépine et Gustave Kervern

Vous n'aurez pas ma liberté de penser

 

Depuis maintenant plus de quinze ans, les grolandais Benoît Delépine et Gustave Kervern nous proposent des films de cinéma. Leur univers visuel et leurs thématiques étant peu habituels, ils ont souvent été considérés comme marginaux avant de petit à petit s’imposer dans le paysage. Déjà Aaltra donnait le ton, avec ses références assumées à Aki Kaurismäki, qui y interprétait un rôle. Puis de film en film ils ont utilisé des actrices et des acteurs avec de fortes identités, comme Yolande Moreau ou bien Bouli Lanners. Le décalage est de mise dans l’interprétation comme dans les thématiques abordées et les personnages mis en scène, qui peuvent aller des retraités aux punks à chien, en passant par un célèbre écrivain. Les thématiques développées dans Effacer l’historique rentrent pleinement dans leurs habituelles marottes, en tête desquels l’attention portée à celles et ceux que d’aucuns ont pu surnommer les « sans dents ». L’actualité autour du mouvement des Gilets jaunes n’a pu que les inspirer, tout autant que la présence de plus en plus prégnante des géants du numérique dans notre quotidien.

Après avoir fait ses courses, Marie rejoint son lotissement et passe chez ses voisins, Bertrand et Christine, avant de rentrer chez elle. Elle leur dit qu’elle va fêter les quinze ans de son fils Sylvain mais quand elle arrive chez elle, personne ne l’attend. Elle fait alors semblant de souffler des bougies d’anniversaire et prend en photo son canapé pour le vendre sur un site Internet. De son côté, Bertrand s’inquiète pour sa fille, qui n’ose pas retourner à l’école à cause d’une vidéo humiliante qu’une de ses camarades de classe a publié sur un réseau social. Il lui promet qu’il va tout faire pour régler la situation, et qu’il attend une réponse du siège social de la société, basé en Californie. Christine, quant à elle, sous-loue une partie de son appartement à un groupe de musulmans et tente de gagner sa vie en étant chauffeur VTC. Malgré tous ses efforts, elle ne parvient pas à récolter plus d’une étoile, ce qui diminue son attractivité. En pleine nuit, Marie et Bertrand se retrouvent : ils n’arrivent pas à dormir. Ils discutent alors de leurs mutuelles respectives, comparant les remboursements qu’ils peuvent percevoir.

À peu près tous les travers du numérique sont recensés dans Effacer l’historique, et pourtant le film ne s’assimile pas à un catalogue à la Prévert. Benoît Delépine et Gustave Kervern trouvent le moyen de construire un scénario simple mais efficace où les scènes s’enchaînent de façon fluide et où l’ensemble des tracas modernes que l’on a tous expérimenté s’assemblent harmonieusement. Des réseaux sociaux aux livraisons, en passant par les vidéos amateurs ou bien les applications diverses et variées, tout y passe et sonne vrai. Bien entendu le traitement apporté par les deux réalisateurs est avant tout humoristique, et l’on se retrouve à rire de situations parfois incommodantes, le second degré aidant beaucoup. Que l’on pense à cette scène où Denis Podalydès s’astique devant son miroir en parlant au téléphone ou à la prestation mémorable de Benoît Poelvoorde en employé de chez Alibazone, les moments de pure comédie sont savamment réussis. Mais, comme à leur habitude, le duo nous offre aussi de très belles scènes poétiques basées sur la solidarité et l’humanité des personnages.

Il faut dire qu’une fois de plus avec Effacer l’historique Benoît Delépine et Gustave Kervern filment à hauteur de femmes et d’hommes. À l’image de leur façon de travailler, choisissant de filmer à Saint-Laurent-Blangy, avec une partie des habitants de cette banlieue d’Arras, on sent qu’ils s’intéressent foncièrement à ceux qu’ils mettent en scène. Depuis leurs premiers films, leur propos s’articule autour de cette « France périphérique » qu’ils dépeignent ici parfaitement, et avec un regard plein d’empathie. Pourtant leur mise en scène pourrait suggérer un certain décalage par rapport à ce qu’ils racontent. Une grande partie des plans sont décadrés, ne laissant apercevoir qu’une partie des protagonistes de l’intrigue qui nous est racontée. Mais en fait ce procédé sert plutôt à souligner les contradictions qui nous entourent. Ainsi dans une file d’attente pour un service publique un plan fixe laisse le spectateur devant une phrase d’accueil chaleureuse tandis que l’usager se fait balader, et qu’aucun contact ne pourra s’opérer entre deux personnes aux profils socioéconomiques pourtant similaires.

C’est d’ailleurs une belle idée que de choisir, pour les trois protagonistes d’Effacer l’historique, des voisins qui ne se connaissaient pas avant de se parler sur un rond-point lors d’une manifestation. Le casting est d’ailleurs tout à fait pertinent, et les trois actrices et acteur sont complètement crédibles dans leurs rôles respectifs. L’alchimie marche d’autant mieux que Benoît Delépine et Gustave Kervern parviennent à tirer le meilleur de chacune et chacun. De Blanche Gardin, ils exploitent la malice et le potentiel à la fois comique et tragique, et même si l’on a du mal à croire en son voyage à la Don Quichotte, on est emporté par l’énergie qu’elle dégage. Denis Podalydès retrouve le personnage lunaire qui a fait sa marque de fabrique, et les désarrois de ce père célibataire nous touchent alors même que sa naïveté, beaucoup trop appuyée, pourrait facilement friser le ridicule. Quant à Corinne Masiero, elle est plus que légitime dans son rôle, elle qui soutient notoirement les mouvements sociaux, et qui est originaire du même patelin où a été tourné ce film, que l’on peut recommander chaudement et sans modération.

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