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Croix de fer (1977) Sam Peckinpah

Croix de fer (1977) Sam Peckinpah

Published Jun 24, 2021 Updated Jun 24, 2021 Culture
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Croix de fer (1977) Sam Peckinpah

La guerre comme si vous y étiez

C’est dans la difficulté qu’après Tueur d’élite, film de commande aux genres composites, Sam Peckinpah s’attèle à une de ses œuvres les plus denses, à savoir Croix de fer. La frilosité des producteurs ainsi que la fameuse exigence artistique (qui confine parfois à l’obsession) du réalisateur de Chiens de paille vont faire que le tournage du film, qui se déroulera en Yougoslavie, sera loin d’une sinécure. D’un état de santé instable, Peckinpah insiste sur le réalisme des scènes, n’hésitant pas à utiliser de véritables chars soviétiques ou d’authentiques armes portatives. Il reprend ici un de ses acteurs fétiches, James Coburn ,dans cette adaptation d’une nouvelle de Willi Hinrich. Cet auteur s'est inspiré de son expérience sur les champs de bataille pour écrire ses ouvrages, mais aussi de soldats comme Johann Schwerdfeger, récipiendaire de la croix de chevalier de la croix de fer avec feuilles de chêne, et dont le personnage principal du film est relativement proche.

Durant la Seconde guerre mondiale, sur le front russe, en pleine retraite allemande dans la péninsule de Kouban, le capitaine Stransky, aristocrate allemand d'origine prussienne, est nommé pour prendre la tête d’une unité qui manque de motivations. Venant de débarquer, et peu enclin aux exercices sur le terrain, il admet volontiers qu’il n’est là que pour une chose et une seule : obtenir la croix de fer, récompense suprême des armées qui lui permettra de rentrer parmi les siens avec les honneurs. C’est sans compter ses supérieurs, qui ne lui témoignent que du mépris, et sur le sergent Steiner, un homme singulier qui n’apprécie guère les ronds de jambes et autres mystifications qui accompagnent la hiérarchie militaire. Manquant uniquement du témoignage de celui-ci pour obtenir sa croix de fer, Stransky saura lui rendre coup pour coup. Il ne se montrera pas plus clément envers le lieutenant Triebig, dont il découvre la liaison homosexuelle, sujet sur lequel il compte bien le faire chanter.

On le sait, l’univers de Sam Peckinpah est loin d’être celui de Candy au pays des Bisounours. N’empêche qu’avec Croix de fer le réalisateur américain nous livre une de ses œuvres les plus violentes et les plus dures. Les scènes de combat sont d’un réalisme incroyable et renverraient la scène d’ouverture de Il faut sauver le soldat Ryan à une gentille mise en bouche. La mise en scène nerveuse, souvent caméra à l’épaule, met le spectateur en plein cœur de l’action et apporte un style quasi-documentaire dont Stanley Kubrick s’inspirera sans aucun doute pour son Full Metal Jacket. Le spectateur n’est d’ailleurs pas épargné par des scènes de torture, tant physiques que morales. La crudité s'exprime dans la mise en scène en particulier par des ralentis, chers au réalisateur, et qui ici approche au plus près des instruments militaires et de leurs effets. Le style quasi documentaire se retrouve, caméra à l'épaule, dans le maniement de ses armes à la précision remarquable.

Sur le fond, Sam Peckinpah a la sublime idée de placer d’emblée Croix de fer sur un territoire assez inconnu, d’autant plus pour un auteur anglo-saxon: celui de l’ennemi. Nous sommes en présence de soldats allemands, de surcroît sur le front russe et en pleine déroute, ce qui augmente l’intensité qui existe entre les protagonistes. La rivalité est donc au plus fort entre Stransky et Steiner, nous sommes une fois de plus chez Peckinpah en présence de deux personnages que tout oppose, avec en particulier le « héros » classique cher au réalisateur, ici incarné par James Coburn, finalement un anti-héros, fatigué, en décalage avec son environnement. La confrontation est habile tant elle permet une dénonciation du système militaire de l’intérieur, par le biais de ses petites intrigues. Les soldats sont tous à bout et les esprits s'échauffent vite dans cette garnison démotivée qui pratiquent toutes sortes de tortures et d'exactions sur la population, des exécutions aux viols.

Car Sam Peckinpah ne se contente pas de dire que la guerre c’est pas bien et que la violence non plus d’ailleurs. Au contraire même il utilise celle-ci comme une arme qui, telle une grenade trop vite dégoupillé, explose  la figure de son utilisateur. Le discours est glaçant mais percutant, en particulier les images et le son qui accompagnent les génériques de début et de fin de film sont impressionnant (il convient de bien rester jusqu’à la fin pour voir la citation finale, énorme). Croix de fer est donc un film riche, dense (trop dense ?) qui marque les esprits comme nombre des films de son réalisateur. Son propos à la fois mélancolique et désabusé marquent les esprits, et ses personnages traumatisés et individualistes renforce le propos du film. Son nihilisme dépasse le cadre de la guerre et s'étend à l'ensemble d'une société en perte de repères. Si le film est un échec au box-office américain, il génère de nombreuses entrées sur le sol européen et occasionnera une suite plus ou moins officielle, mais sans Peckinpah ni aucun de ses protagonistes.

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