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Cent ans de solitude

Cent ans de solitude

Publié le 1 mars 2021 Mis à jour le 11 janv. 2022 Culture
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Cent ans de solitude

Quel merveilleux et formidable titre que ce Cent ans de solitude, vous ne trouvez pas ? Personnellement c’est la première chose qui a éveillé mon intérêt pour ce livre de Gabriel García Márquez. Bien entendu il y a son aura de livre culte qui a joué également. Ça et le nom de son auteur, écrivain colombien lauréat du prix Nobel de littérature en 1982, évidemment. Cela faisait largement assez de (très bonnes) raisons pour que je me lance dans la lecture de ce que d’aucuns qualifient d’un des plus grands romans du XX ème siècle.

Dans ce roman imposant, Gabriel García Márquez nous conte l’histoire d’un village imaginaire, Macondo, perdu quelque part en Amérique latine. Ce village est lié inextricablement à l’une de ses familles fondatrices, les Buendia. José Arcadio Buendia et son épouse Ursula y auront une longue, très longue descendance. Tous cependant seront soumis à une malédiction initialement héritée du patriarche José Arcadio, cent ans de solitude. L’auteur colombien nous fera découvrir un temps où la magie et l’alchimie font partie de la vie, revêtant un caractère tout à fait normal pour tout un chacun. Macondo va au fur et à mesure des années grandir et prospérer, jusqu’à un essor prodigieux avec la culture de la banane, avant de connaître la décadence, les catastrophes naturelles, la désolation. Le récit est extrêmement dense et mêle avec une grande finesse histoire et fantastique. En cent ans Macondo verra passer des gitans aux objets magiques, des arabes en tapis volants, des militaires portés par la révolution communiste, une épidémie d’insomnie et d’amnésie, un déluge de plusieurs années, les industriels américains de l’agriculture de masse, un élevage miraculeux de bétail, des fourmis rouges affamées, une chasse au trésor, des inventions aussi folles qu’ingénieuses, des fantômes têtus, un curé qui lévite, une jeune fille qui mange de la terre, et bien d’autres péripéties et personnages bizarres encore…

L’histoire de Macondo et le très compliqué arbre généalogique des Buendia seront pendant tout un siècle intimement liés.

Le premier mot qui me vient à l’esprit pour qualifier ce roman, c’est l’adjectif dense. Dense, l’œuvre de Gabriel García Márquez l’est assurément… il s’y passe une quantité de choses assez incroyables dans ce petit village qui deviendra au fil du temps une ville prospère avant de retomber lentement mais sûrement dans l’oubli. Pourtant, et j’ai presque honte de le dire tant la réputation de ce livre a un aspect intimidant pour un petit lecteur comme moi, pourtant disais-je, aucun de ces hauts-faits, si impressionnant soit-il, ne m’a franchement passionné. Par moment, et malgré les péripéties qui s’enchaînent, il m’est même arrivé de m’ennuyer et de trouver le temps bien long. J’ai cherché les raisons de ce manque d’intérêt pour ce roman fleuve, et j’en ai identifié au moins deux, à mon sens incontournables.

Première raison, la construction du roman et ce qui y est relaté tient pour moi de la fable, du conte. Or, s’il y a bien un genre avec lequel j’ai beaucoup de mal à accrocher, c’est bien le conte à destination des adultes (encore que, je peux, histoire de mettre un coup de pied dans ce qui me sert de crédibilité, citer deux contre-exemples parfaits à ce que je viens d’énoncer comme règle : le comic-book Fables de Bill Willingham et le film L’Odyssée de Pi de Ang Lee qui m’ont complètement séduit). Dans Cent ans de solitude, on présente certains faits pour le moins surnaturels comme normaux, usuels, banals. Bien entendu, j’ai conscience qu’il s’agit d’un effet de style voulu, puisqu’à côté de cela d’autres choses, liées cette fois au progrès technique et scientifique, telle que la fabrication de glace dans un pays suffocant de chaleur, sont quant à elles décrites et considérées comme relevant de la magie la plus folle et débridée, à peine croyable. Pour faire court, la lévitation par tapis volant ne pose de problème existentiel à personne, mais un réfrigérateur tient lieu d’hérésie. Et si je comprends bien le sens métaphorique et la pointe de poésie que l’auteur insuffle dans cette inversion de ce qui tient lieu de normalité, pour ma part je n’y adhère pas un seul instant.

Ça ne me touche pas comme ça le devrait, au contraire, ça a l’effet inverse, celui de m’irriter, voire de m’agacer quand c’est trop exagéré. Certainement est-ce dû à mon esprit trop étriqué je ne sais pas exactement, mais ça m’a posé bien des problèmes tout du long de ma lecture. Et pourtant, je ne suis pas du genre à refuser le fantastique et l’imaginaire, loin de là. Je suis le premier à croire aux pouvoirs extraordinaires des super-héros en collants, aux aventures rocambolesques des héros mythologiques, aux théories du complot dénoncées par Fox Mulder et aux invasions extraterrestres sur grand écran. Dès lors que le récit intègre une certaine dose de cohérence, de logique, d’explications même pseudo-scientifiques vaguement plausibles, j’achète. Je suis même plutôt bon client et pas trop regardant en règle générale. Je n’ai jamais fait mon chieur quand Bruce Banner se transforme en Hulk, gagne dans la métamorphose 1m50 et 300 kg, sans jamais qu’une seule fois son futal ne laisse s’échapper son titanesque membre verdâtre, fut-il slim size (je parle du futal). Dans ces moments, je me dis que décidément, les jeans Levi’s c’est de la bonne came et que leur pouvoir élastique est sans commune mesure, voilà tout. Et peut-être aussi qu’inconsciemment ça me va bien comme ça, préférant plutôt voir la paire de battoirs impressionnants du colosse de jade que son abominable paire de couilles gonflées aux radiations gamma. Je suis comme ça moi, arrangeant.

Mais avec Cent ans de solitude, désolé, je n’y suis pas arrivé, il me manquait le minimum vital de cohérence et de logique. Un exemple pour bien me faire comprendre. Parmi la multitude de personnages du roman, il y a une jeune femme nommée Remedios la Belle, qui fait partie de ceux que j’ai trouvés les plus attachants et intéressants. Cette jeune femme est un des personnages principaux de sa génération. Et un jour, alors qu’elle prenait banalement l’air dans le jardin, une bourrasque de vent l’a enlevée, élevée dans les airs, et emportée. Sans plus jamais qu’on ait la moindre nouvelle d’elle. Sans même que cela n’éveille quoi que ce soit d’autre qu’un « pas de bol » aux membres de sa famille. Personne ne la cherche, elle s’est juste envolée, et ça paraît normal à tout le monde. Merci, aurevoir. C’est de ça que je parle, c’est ce genre de truc qui m’a profondément agacé. Naïvement d’ailleurs, j’ai cru sur le moment qu’on allait en entendre à nouveau parler de ce personnage, qu’il ne pouvait pas finir aussi connement sottement, que cela appelait à une suite, aussi tirée par les cheveux qu’elle soit, mais une suite quoi. Eh bien non, c’en était terminé de Remedios la Belle, on passe à d’autres personnages. Ben j’accepte pas et ça me gâche ma lecture ce genre de choses.

Désolé, ce n’est même pas que je ne veux pas, je ne peux pas.

Des personnages du reste, l’auteur nous en présentera à foison, et j’aborde là la seconde raison de mon désamour pour ce roman. Un grand nombre de personnages, c’est somme toute normal, le roman s’étalant sur une centaine d’années, et plusieurs générations de Buendia. Comme le propos de Gabriel García Márquez, c’est le lien inextricable de la famille Buendia avec Macondo, la quasi-totalité des personnages principaux seront donc liés à et/ou issus de cette famille. Jusque là, d’accord. Mais faire s’empiler les générations successives et les descendances nombreuses n’a pas suffit à l’auteur, histoire d’épicer un peu la chose, il a décidé de ne retenir qu’un très petit nombre de prénoms pour ses personnages. Ainsi, chez les garçons on a deux prénoms principaux de génération en génération : José Arcadio et Auréliano. Tous les Buendia mâles s’appellent comme ça. Quand on sait par exemple qu’à lui seul le Colonel Auréliano aura dix-huit fils, tous identiquement prénommés Auréliano à leur tour, ça donne une petite idée du foutoir de l’imbroglio lié à la dénomination des personnages. Les filles pour leur part, auront un chouïa plus de choix. En effet, ça variera entre Ursula, Amaranta, et Remedios pour la plupart. Quelques autres (des originales à mon avis), pièces rapportées de la famille Buendia, oseront du Sophie, Pilar, Petra. Ainsi, pour différencier les personnages qui portent les mêmes prénoms, on a deux possibilités : se référer à leur génération ou à leur qualificatif, car comme dans l’exemple de Remedios la Belle ou du Colonel Auréliano, l’auteur aura pris soin de joindre un adjectif au prénom, histoire d’identifier plus « clairement » les protagonistes. Mouais.

Vous trouvez que c’est compliqué ? ça n’est pourtant pas tout. Histoire d’embrouiller encore plus les choses, les Buendia ne sont pas seulement très prolifiques dans leur descendance, ils jouissent également pour la plupart d’une longévité exceptionnellement longue (pour ceux qui ne périront pas accidentellement du moins, remember Remedios-la-fille-du-vent). Si bien que les générations se succèdent et cohabitent. D’après mes calculs, la doyenne Ursula, qui traverse presque la totalité du roman, meurt (enfin !) à un âge qui doit se situer approximativement entre 110 et 140 ans. Encore un truc top-crédible comme j’aime, mais je ne vais pas revenir là-dessus. Et ce n’est qu’un exemple. D’autres comme son fils Auréliano ou sa (double*) belle-fille Pilar finiront aussi à des âges canoniques.

Donc je disais, les générations se succèdent, cohabitent. Et se mélangent, à l’occasion. Car oui, il est aussi question d’inceste dans Cent ans de solitude. Et même d’inceste un peu limite gérontophile (mais je ne juge pas hein, promis). Voilà, cette fois je pense que le portrait de la famille Buendia est assez complet. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Dallas à côté, c’est de la roupie de sansonnet question généalogie. Même Santa Barbara c’est un truc d’amateurs. Et croyez moi, je m’y connais dans le domaine.

Ce qui a sauvé ma lecture et permis de ne pas trop perdre le fil, c’est que j’ai une bonne mémoire, mais même ainsi, sans prendre un bout de papier et noter scrupuleusement les noms et liens parentaux pour chaque personnage, bien malin qui pourra dire à coup sûr qui est qui exactement.

Bon, à ce stade de mon article, je me rends compte que ce que j’ai dit du roman de Gabriel García Márquez, semble pour l’instant assez négatif. Et pourtant je m’en voudrais de ne donner que cette image restrictive du roman. Car il est bien plus qu’une succession de personnages qui ont tous les mêmes noms et de péripéties abracadabrantesques. Qualifier ce livre de mauvais serait vraiment exagéré et ne pas lui rendre justice. Malgré ses défauts (rédhibitoires à mes yeux), je ne peux pas réduire Cent ans de solitude à cela. Tout d’abord, s’il y a bien une chose qu’on ne peut reprocher à son auteur, c’est de ne pas manquer d’imagination. Que le monde dans lequel il entraîne le lecteur ne m’ait pas touché est une chose, mais je ne peux pas objectivement nier sa grande richesse. Et la mise en mots également est pour le moins superbe. On n’a pas besoin d’aimer un livre pour apprécier les talents d’écrivain de son auteur. Gabriel García Márquez est indéniablement un grand auteur. Tout en le lisant, j’ai bien compris à quoi tenait le statut de roman culte de ce livre. Il y a une élégance dans le verbe, une articulation des idées et des concepts rares. Et puis la poésie et la métaphore ont élu domicile dans ce texte, cela aussi est indiscutable. Que je n’en sois pas friand n’engage que moi, mais je dois toutefois reconnaître que ce sont des qualités qui sautent aux yeux. Je n’y ai pas été sensible, et c’est malheureux, car j’ai eu l’impression très nette, déjà en pleine lecture, de passer à côté du livre et de rater consciemment le chef-d’œuvre tant vanté ici et là. Que voulez-vous, je ne suis tout simplement pas compatible avec ce livre, il faut se rendre à l’évidence.

Alors ce ne sera certainement pas moi qui vous déconseillerai la lecture de Cent ans de solitude. Je vous ai dit honnêtement ce que j’ai ressenti à sa lecture, mais je crois que c’est à chacun de se faire sa propre opinion à son sujet. Que ceux qui en auront la curiosité le lisent, et je pense pouvoir affirmer que vous saurez assez rapidement si vous êtes ou non, sensibles au texte. Ou si vous faites partie de ceux qui, visiblement comme moi, n’ont pas un « palais » littéraire assez développé pour savourer pleinement les milles facettes et subtilités de ce roman.

 

* Comment peut-on être la double-belle-fille de quelqu’un ? Ben en se tapant successivement ses deux fils pardi.

Cet article a été initialement publié sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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