POV Logan

Elle était là. Assise juste devant moi. J'aurais aimé avoir plus de temps. Plus de temps pour l'apprivoiser. Plus de temps pour la découvrir. Mais à croire que le destin avait d'autres plans pour moi. Pour nous.

Lili Menphis était nouvelle au lycée. Arrivée en ville depuis quelques semaines seulement, elle avait déjà charmé bon nombre de nos camarades de classe. Anny, ma cousine et meilleure amie, la première. Chose surprenante. Anny ne supporte pas les autres filles... mais, avec Lili, elle se comportait différemment. Un peu comme une maman ours protégeant son petit. Elle l'avait adoptée dès leur rencontre, durant l'été, et l'avait introduite dans notre cercle d'amis. Tous les mecs bavaient sur elle. Toutes les filles semblaient la haïr. Mais comment leur en vouloir ? Elle était tout simplement parfaite.

— T'es avec nous, Logan ? chuchota Morgan d'une voix qu'elle souhaitait suave mais qui n'était rien d'autre qu'un grincement insupportable à mes oreilles.

La cheffe des pom-pom girls s'installa sur la chaise à ma droite, si proche que ses jambes drapaient presque les miennes. Elle posa ses mains horriblement manucurées sur mon torse, comme pour marquer son territoire, et embrassa ma joue avec ses lèvres gluantes de gloss. J'avais horreur de ça. Tout comme je détestais l'odeur entêtante de son parfum.

Malheureusement, je n'étais pas innocent. J'étais responsable de son attitude un peu trop collante d'aujourd'hui, je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Pour avoir succombé. Pour avoir été faible et avoir couché avec elle pas plus tard que samedi dernier. Malgré mes promesses de ne jamais la toucher. De ne jamais l'approcher. Quel con ! J'avais trop bu et j'étais aussi excité qu'un jeune puceau. Tout ça parce que j'étais incapable de m'empêcher de regarder Lili danser. Elle était si belle, une véritable déesse dans son jean taille haute ultra moulant et son crop-top noir. Rien d'aguicheur et pourtant tellement sexy. Ou était-ce peut-être son attitude ? Au milieu de cette piste improvisée, entourée de dizaines de mecs éméchés, elle bougeait son corps les yeux fermés, comme si elle était seule. La tête relevée vers le ciel comme si elle observait les étoiles, ses cheveux attachés en une queue-de-cheval haute ondulant au rythme de ses hanches. Elle semblait libre. Presque sereine. Rien que d'y repenser, je me sentais à l'étroit dans mon pantalon. Et merde !

— Je vois que monsieur est heureux de me voir... sussura Morgan en passant la main sur ma cuisse.

Putain ! Quelle horreur cette fille. Je ne l'ai jamais supporté, mais à présent, sa présence m'était encore plus insupportable. Elle me harcelait depuis des années déjà. Dans son esprit, je lui appartenais. Nous formions le couple idéal... mais rien chez cette poupée en plastique ne m'attirait. Morgan était une vipère, aussi artificielle que perverse. Un être diabolique déguisé en ange — pour les adeptes des corps en silicone sans aucun défaut — qu'il ne fallait surtout pas contrarier.

Jusqu'ici, j'étais toujours parvenu à l'éviter et à repousser ses avances, malgré son insistance déplacée. Les sportives vedettes du lycée ensemble, c'était tellement surfait et risible. Je refusais de rentrer dans son jeu. Je tenais impérativement à m'éloigner de cette image de l'athlète décérébré et superficiel qui ne jure que par le football, l'alcool et les filles. Chaque jour, je m'efforçais d'avoir les meilleures notes. Je travaillais dur en dehors du terrain afin de m'assurer un avenir plus glorieux que celui d'entraîneur sur un campus minable après une vilaine blessure ou une carrière médiocre. Cependant, mon père avait d'autres ambitions pour moi : j'avais des responsabilités envers notre famille et l'entreprise. Mes rêves n'avaient aucune importance à ses yeux et mes efforts n'y trouvaient aucune grâce. Bien sûr, ma mère ne partageait pas toujours son point de vue. Malheureusement, son avis comptait peu et elle en venait inlassablement à se ranger à son jugement d'homme alpha.

— Tu veux qu'on aille dans les WC ? Je pourrai t'aider à te détendre...

Sous la table, Morgan saisit mon membre viril et gonflé, et frotta sa volumineuse poitrine contre mon bras. Je ne pus retenir un grognement d'agacement, qu'elle prit pour un signe d'encouragement. Affichant un sourire satisfait, elle se leva en attrapant ma main pour m'attirer à elle. Elle ronronnait presque, se tortillant comme si elle visait à se soulager en frottant ses cuisses l'une contre l'autre. En la regardant, j'eus soudain la vision d'elle devant le miroir la robe remontée autour de la taille, le visage déformé par le plaisir. Une vision d'horreur qui me provoqua un haut-le-cœur.

— Fiche-moi la paix, sifflai-je comme une menace.

D'un geste brusque, je me libérai de son emprise et l'écartai de moi, mais mon attitude ne sembla ni l'effrayer ni la dissuader. Elle ne parut pas même offensée. Seulement enragée. La colère brillait dans ses yeux et elle pinça ses lèvres dans une expression machiavélique. Elle lissa sa jupe et se rassit à mes côtés, non sans faire profiter de son décolleté à toute l'assemblée, puis prit une moue boudeuse, presque soucieuse.

— Qu'est-ce qui ne va pas, mon chéri ? J'ai fait quelque chose de mal ? Tu étais plutôt content que je m'occupe de toi l'autre soir, répliqua Morgan un peu plus fort.

Personne n'était encore au courant de mes frasques du week-end dernier. Et tous connaissaient mon aversion pour cette fille. Alors leur réaction ne me choqua pas. Ryan s'étouffa avec son hamburger et secoua la tête d'un air désapprobateur. Je savais pertinemment ce qu'il pensait : elle n'allait plus me lâcher et j'allais vivre un véritable enfer. Loïc a carrément recraché son verre d'eau, arrosant l'une des copines de Morgan, avant de me lancer un regard accusateur. Il avait toujours eu un faible pour cette garce et tentait en vain depuis des mois de la mettre dans son lit. Quant à Ethant et Jared, ils se sont tous deux tapés dans la main et ont réclamé leur mise à Steve. Ma vie sexuelle était clairement un sujet de paris et de divertissement pour mes amis. Mais ça ne me dérangeait plus. J'avais la réputation d'être un tombeur et c'était indéniable : j'accumulais les coups d'un soir et ne couchais jamais deux fois avec la même fille.

Ce que je n'avais pas prévu, c'était celle de Lili. Ni ce que cela me ferait ressentir... Livide, elle se raidit avant de se lever précipitamment. Elle attrapa son plateau et fila sans un mot, Anny sur ses talons.

— Où vas-tu, Lili ? s'inquiéta ma cousine.

Elle retourna et nos regards se croisèrent. La déception sur son visage me coupa le souffle et quelque chose se brisa dans ma poitrine.

— À la bibliothèque. Je dois encore bosser sur un devoir avant de le rendre ce soir, lui confia-t-elle sans même rompre notre contact visuel.

Sa voix était rauque, presque tremblante, comme si elle retenait des larmes. Mais pour quelle raison ? Pourquoi serait-elle blessée par cette situation ? Nous nous connaissions depuis quelques semaines et nous n'avions encore jamais vraiment l'opportunité de discuter. De nous rapprocher. Pourtant, j'avais la certitude que si les rôles étaient inversés, je serais dans un état de colère sans précédent. Imaginer un autre la toucher. L'embrasser. Rien que d'y penser... Je serrai les poings et tapai la table, faisant sursauter tout le monde.

Je me levai, désirant la rejoindre pour lui parler. La rassurer. Mais l'attitude furieuse d'Anny m'en dissuada. J'avais fait une erreur. J'avais vraiment merdé, gâchant probablement toutes mes chances avec Lili.

Texte de L.S.Martins (30 minutes chrono sans relecture).

Image par Aberrant Realities de Pixabay