Épisode 16 - La vérité
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Épisode 16 - La vérité
Pov Logan
Lili se tenait là, juste devant moi, la respiration haletante, recroquevillée sur elle-même et tremblante. Elle refusait de lever les yeux vers moi, murmurant des mots inaudibles tout en enserrant ses bras autour de ses jambes repliées contre sa poitrine, comme si elle cherchait désespérément à se protéger de quelque chose… de moi.
― Merde, Lili… Regarde-moi, s’il te plaît. C’est moi, Logan.
Aucune réaction. Stoïque, elle ignorait ma présence, tout en se balançant doucement d’avant en arrière. Je me sentis totalement impuissant et désemparé. La toucher serait une erreur, une pure folie. Je ne tenais pas à raviver en elle les souvenirs des horreurs qu’elle avait endurées avec cet enfoiré d’Éric.
Je restais figé, perdant toute notion du temps. Rongé par la culpabilité d’être à l’origine de sa détresse, je ne savais pas comment agir. Elle ne méritait pas une telle douleur. Ni aujourd’hui ni demain. Je devais l’arracher à cette torpeur, à cette crise d’angoisse qui la consumait peu à peu.
― Lili, tu es en sécurité ici, avec moi, chuchotai-je. Je vais allumer le plafonnier. Tu te sentiras mieux.
Je me suis relevé avec une lenteur désespérée pour ne pas l’effrayer, sans jamais détourner mon regard d’elle. Lorsque j’ai enfin actionné l’interrupteur, la pièce fut soudain inondée d’une clarté crue et glaciale, faisant sursauter Lili. Elle s’est immédiatement redressée, prenant conscience de ce qui se passait autour d’elle.
― Logan… souffla-t-elle la voix chargée de sanglots.
Elle leva timidement les yeux, brillants de larmes non versées, vers les miens. La peur y avait disparu, remplacée par une douceur fragile, un semblant de soulagement. L’idée qu’elle se sente en sécurité avec moi me remplit d’une euphorie déconcertante. Malgré ce bonheur amer, une colère sourde montait en moi, me rappelant qu’elle n’aurait jamais dû être ici, seule avec moi. Elle devrait être avec Anny, à danser. À sourire.
Mes doigts s’accrochèrent à mes cheveux, infligeant une douleur lancinante à mon cuir chevelu. Je commençai à arpenter la pièce, sous le regard perplexe de Lili, laissant échapper mes pensées chaotiques à voix haute, comme si ça pouvait m’aider à y voir plus clair.
― Merde… Je savais que tout ça était une connerie sans nom. Je n’aurais jamais dû écouter Ryan. Mais je suis un putain d’égoïste, incapable de rester loin de toi. Malgré la promesse que j’ai faite à ma cousine. Malgré les avertissements des gars. Malgré les menaces de cette garce. Tu t’insinues chaque jour un peu plus sous ma peau, putain ! Un regard et j’étais foutu. Je devrais te laisser tranquille. Me concentrer sur mon jeu. Cette dernière année est cruciale pour mon avenir, surtout avec les manigances de mon père. Mais non…
Un rire amer m’échappa avant que le silence ne s’impose entre nous. Un silence à la fois paisible et lourd de menaces, le calme avant une tempête inéluctable. Finalement, je le brisai, incapable de retenir le tumulte de mes émotions.
― Je t’ai observé pendant des heures. Je t’ai suivi et ai attendu en bas de chez toi comme un putain de stalker, mais ça ne suffit pas. Jamais. Ton parfum et ton rire sont de véritables drogues et je suis le plus malade des junkies. Ces dernières semaines, je ne vivais que pour le temps que l’on passait ensemble sur ce foutu projet. Mais même ça, on me l’a enlevé. Cette garce m’a tout pris et elle me tient par les couilles. Je dois jouer à son petit jeu. J’y suis obligé. Pour te protéger. Je refuse de te voir souffrir, même si pour ça, tu dois me détester…
La tête baissée, j’avais presque oublié que je n’étais pas seul jusqu’à ce qu’une main légère se pose sur mon épaule. En me retournant, je croisai le regard compatissant de Lili. Elle était magnifique, même avec ses joues marquées de larmes et de mascara. Mes yeux s’attardèrent sur sa lèvre inférieure coincée entre ses dents, et le désir irrépressible de l’arracher de cet étau me frappa de plein fouet. Je n’avais pas la force ni la volonté de lui résister.
Sans réfléchir, je pris son visage en coupe et caressai sa peau soyeuse du bout des doigts. Mon cœur battait à tout rompre. J’étais irrémédiablement envoûté par cette brune au regard d’ambre. Ma précieuse Lili.
― Je vais tout arranger, promettais-je dans un murmure. Je refuse que tu souffres à cause de moi. De mes démons.
― Logan…
Un frisson de plaisir secoua ma colonne vertébrale. L’entendre articuler mon nom avec une telle douceur ne devrait pas susciter une telle exaltation. Et pourtant.
Elle aplatit une de ses paumes sur ma poitrine et ce simple contact fit bouillir mon sang. Je mourrais d’envie de l’embrasser, de sentir son corps se fondre contre le mien. Mais je ne pouvais céder à cette tentation. Je n’en avais pas la permission. C’était à elle de venir vers moi.
― Dis-moi ce qu’il se passe, me supplia-t-elle.
Je reculai d’un pas et allai m’asseoir sur le bord du lit avant de me laisser tomber en arrière. Les yeux rivés sur le plafond, je l’invitai à me rejoindre d’un simple geste de la main. Je sentis le matelas s’affaisser sur ma gauche et fus étonné lorsqu’elle se blottit contre moi. Elle posa sa tête sur mon torse et me permit de l’envelopper de mes bras. Sa présence m’apaisa instantanément.
― Morgan me fait chanter pour que je joue au petit ami parfait. Je la déteste. Sa voix me colle de violents maux de crâne et son parfum me donne la nausée… avouai-je. Mais j’ai pas le choix. Elle a des vidéos et elle menace de les diffuser si je ne me comporte pas comme un chiot en mal d’amour !
L’amertume me brûlait la gorge, se frayant un chemin depuis mon estomac. Je nourrissais une haine profonde envers cette garce et j’étais déterminé à lui faire payer la souffrance qu’elle semait autour d’elle, en particulier celle qu’elle infligeait à Lili.
Après un moment de silence, je me décidai à partager ce qui me pesait le plus : il ne s’agissait pas de n’importe quelles images et elle devait le savoir. Elle tressaillit sous l’impact de cette confession, sans pourtant prononcer un seul son.
― Je n’ai vu que quelques secondes, mais cela m’a suffi pour comprendre ce qu’ils t’ont fait subir. Si je pouvais, je les tuerais tous pour avoir osé poser la main sur toi. Pour avoir osé te salir…
La colère me faisait trembler de l’intérieur. Mes veines palpitaient, mais je parvins à garder mon calme. Pour elle.
― C’est pour ça que tu m’as ignorée cette semaine ? À cause de ce que tu as vu ? demanda-t-elle la voix sifflante de douleur.
― Lili, regarde-moi, ordonnai-je dans un grondement épais.
Elle tressaillit comme si je l’avais électrocutée, mais elle ne m’obéit pas. Je saisis fermement son menton, forçant ses yeux à se tourner vers les miens.
― Lili, je t’ai évitée cette semaine parce que je pensais que tu étais avec Ryan. J’étais en bas de chez toi samedi soir. J’y suis resté toute la nuit. J’ai cru…
Je pris une profonde inspiration, tentant de me calmer, avant de continuer.
― Bref. J’ai besoin que tu sois heureuse et en sécurité, et pour ça je dois faire croire à Morgan que tu n’es rien pour moi. Que tu n’es pas importante. Ne va surtout pas imaginer que ce que j’ai vu ait pu me dégoûter de toi. Tu es exquise. Forte et intelligente. Tu es gentille et merveilleuse. Et tous ces connards ne méritent même pas de vivre après ce qu’ils t’ont fait.
― Tu ne le penses pas… murmura-t-elle en détournant le regard.
― Quoi ?
Mes narines se dilatèrent. Mes jointures blanchirent alors que je serrais le poing sur ma cuisse.
― Lili, il me faut toute ma volonté pour ne pas t’embrasser, là, maintenant. J’en rêve depuis vendredi dernier. Depuis que tu m’as fui. Maintenant que j’ai goûté à tes lèvres, je ne veux qu’une chose : recommencer. Je n’ai jamais ressenti ça avant. Je ne me le suis jamais permis. Je deviens fou quand je vois les gars te tourner autour. Et le seul moyen de supporter Morgan, c’est d’imaginer que c’est toi dans mes bras.
Elle se redressa et posa sa bouche sur la mienne avant de grimper sur moi. Nos langues s’entremêlèrent et nos dents s’entrechoquèrent. C’était sauvage. Primitif. Nous nous dévorions l’un l’autre avec une passion que je n’avais encore jamais connue. Elle ne se retira que pour reprendre son souffle, son front contre le mien. Elle était d’une beauté incroyable, les lèvres gonflées par mes baisers, les joues teintées de rouge par l’étonnement et les yeux assombris par le désir.
― Lili, j’ai besoin que tu me fasses confiance, la suppliai-je.
Elle m’observa à travers ses longs cils, puis déclara d’une voix rauque qui me fit frissonner :
― Je te fais confiance, Logan. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est le cas depuis le début.
Un sourire fleurit sur mon visage. Une douce chaleur se répandit dans ma poitrine et, pour la première fois de ma vie, ce n’était pas à cause du football. Toujours à cheval sur moi, elle reposa sa tête sur mon torse et se lova contre moi. Le nez dans ses cheveux, je respirai son odeur de vanille, comme un drogué ignorant quand il obtiendrait sa prochaine dose.
― Que vas-tu faire ? demanda-t-elle brisant soudainement ma plénitude.
― J’ai signé un accord avec mon père. Je vais faire mon stage dans son entreprise, dans le service de cybersécurité. L’idée, c’est d’utiliser le matos et l’équipe de Cohnrad Industries pour supprimer toutes les images que Morgan et sa cousine ont en leur possession.
― Et ton stage dans cette start-up ?
Je fus surpris qu’elle s’en soit souvenue. Nous avions brièvement évoqué le sujet alors que l’on cherchait une idée à développer pour le projet de M. Ferguson, pourtant elle n’avait pas oublié.
― Ce n’est pas important. Et puis ça reste une bonne expérience que je pourrais valoriser plus tard.
Un silence s’installa à nouveau entre nous, confortable et apaisant. Nous profitions simplement de la présence de l’autre.
― Je pourrais peut-être obtenir un stage là-bas, moi aussi, proposa-t-elle soudain. Je pourrais aider…
Je réfléchis rapidement avant de refuser.
― Si jamais Morgan l’apprend, elle balancera tout sur les réseaux.
― Je… Tu as probablement raison, soupira-t-elle. Je vais plutôt demander à mon père si je peux le faire dans sa société. Il ne dispose pas des mêmes moyens que Conhrad Industries, mais son équipe est douée. C’est grâce à elle si je ne suis pas partout sur Internet. Ils connaissent le dossier…
― Pas si bien que ça, maugréai-je. Sinon tu serais tranquille aujourd’hui.
Elle se raidit contre moi, sur le point de contester mes paroles. Mais je ne lui en donnai pas le temps et lui conseillai de rejoindre les autres en bas avant que l’un d’eux ne se décide à monter la chercher.
Elle sembla hésiter un instant, puis s’éloigna sans un mot ni un regard. Son départ laissa un vide pesant. L’absence de sa chaleur me frappa et mon cœur se serra, mais je refoulai la douleur au plus profond de moi et me levai à mon tour.
Je savais que Ryan attendait dans une chambre voisine pour ne pas éveiller les soupçons. N’importe quel invité était susceptible de rapporter à Morgan ce qui se passait ce soir. Il était impératif qu’ils croient tous que Lili était avec mon meilleur ami tout ce temps.
Après avoir récupéré mon téléphone sur la table de chevet, j’envoyai un message à Ryan. Quelques minutes plus tard, le verrou s’ouvrit.
Main sur la poignée, Lili se tourna vers moi et posa cette ultime question, celle que j’aurais préféré éviter.
― Tu as dit que tu avais passé un accord avec ton père. Il t’a accordé le stage, mais toi, qu’as-tu promis en échange ?
Je détournai le regard, prêt à lui mentir, mais me ravisai au dernier moment. Il n’y avait aucun avenir pour nous deux. Je devais l’oublier, pour mon bien et surtout pour le sien. Entretenir l’espoir que nous pourrions un jour être ensemble était insensé. Même après avoir réglé le problème Morgan. Je n’étais pas en mesure de lui offrir la fin heureuse qu’elle méritait. Peut-être quelques mois, quelques années, si la chance était de notre côté, après quoi je serais contraint d’épouser une autre. Je m’y étais engagé.
Alors je pris une profonde inspiration puis je lui dévoilai la vérité, avec un sentiment de résignation. Ne pas avoir à la regarder dans les yeux quand je parlais, de simplement sentir sa présence tout en fixant le vide, rendait les choses un peu plus faciles.
― J’ai accepté les fiançailles avec la fille du nouveau partenaire d’affaires de mon père.
Elle se contenta d’un hochement de tête, l’expression hébétée, et quitta la chambre sans prêter attention à Ryan, qui se tenait devant la porte.
Texte de L.S.Martins (120 minutes chrono, sans relecture).
Image par StockSnap de Pixabay : Mec Homme Gens - Photo gratuite sur Pixabay
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