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Fin de Mission

Fin de Mission

Publié le 3 août 2020 Mis à jour le 3 août 2020 Voyage
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Fin de Mission

02 Dec 15

Publié par roadtrip-in-peru.over-blog.com  - Catégories :  #Tchad

 

avec les jumeaux N. et M.

 

Fin de mission.

Partir en mission avec MSF, c'est d'abord un engagement. C'est une démarche humaniste et militante, pleine d'idéaux, le désir d'aller apporter son aide à autrui, apporter ses soins à ceux qui en ont le plus besoin, mais qui n'y ont pas accès faute de moyens économiques, de volonté politique ou de situation de crise. C'est se dire que la santé est un bien précieux pour chacun sur Terre, et que nos connaissances de comment la préserver ne doivent pas rester la propriété de quelques-uns mais être partagés comme un bien de l'Humanité.

 

C'est ensuite un don de soi et de son temps. C'est se mettre à la disposition d'une cause et d'un projet, quitter sa vie, son entourage familial et affectif, son confort, et s'expatrier pour une durée donnée dans un endroit totalement différent de son environnement habituel, et pas toujours très glamour. Il y a là le goût de l'aventure, l'acceptation du déracinement, l'envie de s'extraire de son quotidien, renoncer à son confort, vouloir donner de la cohérence en actes à ses idées. Chacun arrive sur le terrain avec son histoire, ses compétences et son expérience, ses frustrations et ses combats, sa vision du monde et de sa mission. On ne vient pas tous ici exactement pour les mêmes raisons ni avec les mêmes ambitions, mais on se retrouve néanmoins tous réunis autour d'un même objectif.

 

C'est participer sur place à un projet de santé ambitieux, parfois d'ampleur considérable, (à l'UP, 1600 enfants traités en 6 mois, et environ 100.000 enfants ayant reçu les médicaments de prévention (CPS) chaque mois pendant 4 mois) avec des moyens conséquents pour obtenir des résultats de qualité. Ce sont des objectifs clairement identifiables et mesurables (ici, réduire la mortalité infantile liée au paludisme) dont les effets de nos actions sont rapides et très gratifiants (pour nous, ce sont des enfants qui entrent en train de convulser et qui ressortent quelques jours plus tard sur leurs deux pieds). C'est aussi accepter de voir un certain nombre de bénéficiaires mourir (3-5% de décès, soit env 100 DC), de travailler dans des conditions de travail parfois difficiles, dans un contexte de pénurie médicale obligeant selon l'affluence à parer au plus urgent et à enchaîner rapidement les admissions et les consultations, accepter d'être corvéable à merci (pour nous, le rythme d'une garde tous les 3 jours lors des breaks a été somme toute très rude).

 

C'est sentir derrière soi une entreprise bien rodée dans son organisation administrative, logistique et médicale, qui permet de se sentir correctement épaulé dans la mise en œuvre de sa mission, mais qui par son organisation hiérarchique décentralisée et son habitude à gérer tout dans l'urgence tend parfois plus du bricolage de dernière minute que des principes de bonne gestion d'une grande entreprise.

 

C'est découvrir toute la complexité d'une situation, qui au delà du bien fondé apparent d'un projet se confronte à toute les réalités politiques, économiques, sociales, et culturelles d'un pays. C'est composer avec les intérêts particuliers et les divergences de certains, négocier avec les détenteurs de pouvoirs à tous les niveaux, s'adapter pour chercher à améliorer l'existant sans le déstabiliser, défendre, argumenter, convaincre, poser les ambitions et les limites de son action, en tentant de se prémunir des tentatives de détournement ou de manipulation. C'est savoir faire une autocritique permanente, savoir faire valoir les bienfaits de notre action mais aussi identifier ses effets pervers et néfastes, accepter de se faire critiquer pour ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas par des responsables qui ne font pas un dixième de ce qu'ils nous demandent, et au final être à même d'évaluer la pertinence (ou non) de nos actions.

 

C'est accepter d'intervenir dans un cadre où l'humanitaire est devenu un immense business, financé à grands coups de millions par les agences onusiennes et les pays développés, où de grandes ONG se partagent les actions et les enveloppes, avec des pays comme la RDC, la RCA, le Tchad où "il faut être", politiquement et stratégiquement, pour nos bailleurs comme pour les ONG. Et constater que ce flux de moyens et de devises fait désormais partie intégrante du jeu politique et économique, vu comme une vache à lait dont il faut tirer au maximum profit, s'en réapproprier les bénéfices, détourner ou jouer de cette aide à d'autres fins, conduisant parfois à la faible implication des premiers responsables sur le terrain (pour nous le Ministère de la Santé) et la pérennisation des situations, parce que bien-sûr, qui veut voir partir cette vache à lait qui nous nourrit ?

 

C'est au final s'accrocher à son travail et ses résultats auprès des bénéficiaires pour continuer à percevoir les bienfaits du projet, continuer à vouloir y croire et à en améliorer sa qualité, négocier avec les interlocuteurs que l'on a, tout en étant conscient des limites qu'il faut s'imposer et des contraintes qui de partout vont s'exercer.


C'est participer à une véritable aventure multiculturelle, avec un staff local et des expatriés de multiples nationalités ; et se rendre compte qu'au delà de nos différences sociétales et culturelles, nous partageons quand même beaucoup de choses en commun. C'est néanmoins accepter de rester des étrangers, des expatriés regroupés et parfois cloîtrés dans un lieu de travail et une base vie, une cible potentielle qui doit s'accommoder de règles de sécurité très strictes, ne permettant pas de se déplacer ou de vivre comme bon nous semble. C'est vivre dans un espace limité, se restreindre à des lieux de sortie validés, ne pas pouvoir accéder à tout ce qui nous entoure pour ces raisons de sécurité préventive (parfois poussées à l'excès), et avoir parfois l'impression de revenir à l'âge de 10 ans quand il fallait rentrer à 7h pour le dîner.

 

C'est faire face à la routine, à la fatigue et l'épuisement, au ras le bol parfois, aux reproches ou aux regrets de ne pas pouvoir être présent à certains évènements chez soi, et rester quand même motivé, ne pas perdre le sens du pourquoi on est là, garder la tête haute, être satisfait et fier de ce qu'on fait. C'est savoir s'aménager des sas de décompression et des divertissements, savoir rester positif et créatif, s'adapter à cet environnement si particulier pour ne pas se perdre et rester fidèle à soi-même.

 

C'est revenir, content de ce qu'on a fait, retrouver chez soi ses repères dans un endroit qui n'a pas changé alors que soi-même on a beaucoup évolué, savoir faire la part des choses et tirer un bilan avec le recul suffisant, et qui sait, peut-être se remettre à rêver d'une prochaine mission à intégrer ?

Fin de Mission

Pour information, je termine mon travail ce dimanche, je rentre le 14 décembre en France, le 18 à Toulouse, avant d'aller passer les fêtes à Chambery. Pour ceux qui sont dispos et intéressés, merci de me faire signe par message privé ! Ma ligne téléphonique et mon email n'auront pas changé.

Au plaisir de vous retrouver, et sinon Joyeuses Fêtes à tous !!!

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Crédits photographiques Jean-Marc Sire

Jean-Marc Sire
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