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Jean-Paul Dubois – Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon

Jean-Paul Dubois – Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon

Publié le 13 mars 2020 Mis à jour le 1 oct. 2020 Culture
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Jean-Paul Dubois – Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon

« Le hockey, pour le comprendre vraiment Polo, il faut être né dedans, t’être gelé les roues à cinq ans sur la patinoire de ton coin, ne plus sentir tes doigts quand tu rentres chez toi, en manger une quand tu laisses ta crosse dans l’entrée, et quand tu joues, savoir en prendre et aussi en donner, et surtout vouloir briser la glace chaque fois que tu appuies sur tes patins. »
Voilà un Goncourt qui fleure bon la littérature. Existe-t-il autant de monde que d’âmes ? Ou juste autant de différentes façons d’habiter, de voir, de percevoir le même espace ?
Cette écriture élégante, ces phrases puissantes et imagées, le présent se mêle au passé, le lecteur est conquis par ces personnages qui vivent ensemble sans habiter le même monde intérieur.

Il y a le personnage principal, Paul Hansen, enfermé pour deux ans au pénitencier de Montréal, dit de Bordeaux. La prison, ce gros animal. La prison nous avale, nous digère et, recroquevillés dans son ventre, tapis dans les plis numérotés de ses boyaux, entre deux spasmes gastriques, nous dormons et vivons comme nous le pouvons. Paul partage ses 6 mètres carrés avec un homme et demi, un Hells Angel fou de Harley Davidson, Patrick Horton, un monde à lui seul. Et Paul pense à ses morts, au chemin qui l’a amené ici enfermé alors que Paul aime agir. « J’aime la géographie des voyages, celle que l’on traverse à pied, à hauteur d’homme, instruit par les déclivités, la fatigue des jambes et le caprice des cieux. »

Il y a les parents. Le père, Johanes Hansen, un danois, pasteur occupé à faire vibrer les cœurs des hommes et des roues phoniques d’un orgue B3 Hammond dans sa paroisse protestante noyée sous des averses d’amiante bénite. Ce père et ses doutes, ses échecs, son mariage brisé par le cours irréconciliable de deux façons d’habiter le monde si différentes. Mai 68, « sa mère était entrée tête première dans cette essoreuse de l’Histoire tandis que de l’autre côté de la vitre, son père, mains croisées derrière le dos, n’avaient eu d’autres choix que de la regarder tourner. »

Il y a Skagen. Là-bas dans le nord, le village des Hansen avec l’église ensablée, le clocher seul dépasse du haut de ses 18 mètres. La désensabler est un travail de Sisyphe tant le vent apporte depuis 1770 plus de sable que les paroissiens n’ont de foi. Une métaphore réelle de la vie.

Il y a Winona, sa compagne, condensé de deux mondes anciens. Irlandaise et algonquine, les mains sur le palonnier de son Beaver et la tête avec l’esprit des ancêtres discernant 80 sortes de neige, là où l’homme blanc voit une accumulation. Cette culture amérindienne qui pense que l’homme est un ours qui a mal tourné (Serge Bouchard). Dans la droite suite du chef Huron Kondiaronk, le loup dit à l’homme blanc : « Tu chantes une liberté que tu as échangé pour le confort de tes aliénations ».

Il y a Nouk, sa chienne, semblant considérer son maître comme le commencement et la fin de toutes choses.

Il y a Kieran Read, le Casualties adjuster, « à l’épicentre des malheurs, confronté à des assureurs prêts à tout pour minorer leurs pertes, à des familles avides de majorer leurs gains, à des juges imprévisibles et à des avocats férocement accrochés à leur pourcentage de conseil, trempait dans ce ragoût d’humanité délétère ».

Il y a son métier pendant 26 ans, surintendant de l’Exelsior, une sorte de concierge magicien, de factotum de première main capable de remettre en ordre et de réparer tout un petit monde précis, un univers complexe fait de câbles, de tubes, de tuyaux, de jonctions, de dérivations, de colonnes, d’évacuations, d’horodateurs, un petit monde joueur qui ne demandait qu’à partir en vrille, poser des problèmes, créer des panne à résoudre d’urgence à grand renfort de mémoire, de connaissance, de de technique, d’observation et parfois d’un peu de chance.

 Il y a l’infâme Edouard Sedgwick, l’administrateur, cost killer et adepte compulsif des notes de service. Tout l’attirail du gommeux. L’archétype du fourbe cauteleux, du chacal sournois. Avec ce savoir-faire des temps moderne, mélange de familiarité et d’arrogance, de technicité et de mépris.

« La prison sommeille, les gardiens et les détenus dorment, il n’y a que moi qui veille avec à mes côtés Winona, Nouk et le pasteur. Je les ai attendus le temps qu’il a fallu. Maintenant ils sont là. Mes yeux sont grands ouverts. J’ai tant de choses à dire. Leur compagnie est, et sera, tout ce qui me reste. »

Merci à ma fille Audrey d’avoir choisi le Goncourt 2019 pour cadeau de Nöel.

Éditions de l’Olivier, 2019, 245 pages pour un léger 19€

Lectori salutem, Patrick

Lien sur le blog de l'auteur : Quid Hodie Agisti: http://www.quidhodieagisti.com/2020/03/jean-paul-dubois-tous-les-hommes-n-habitent-pas-le-monde-de-la-meme-facon.html

 

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