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Épisode 23 - Fini de fuir

Épisode 23 - Fini de fuir

Published Nov 27, 2025 Updated Nov 27, 2025 New Romance
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Épisode 23 - Fini de fuir

POV Lili


― Outch… gémis-je en ouvrant les yeux. Je ne boirai plus jamais d’alcool…

― C’est une promesse, princesse ?


Je découvris le visage souriant de Ryan sur l’oreiller à ma droite. Il était allongé au-dessus de la couverture, à mes côtés, ses vêtements froissés et ses cheveux ébouriffés, comme s’il avait veillé sur moi toute la nuit.


Comment peut-il être aussi beau le matin au réveil, alors que je dois avoir l’air d’une morte ?


― Qu’est-ce que tu fais là ? râlai-je en essayant lamentablement de me redresser.

― Tiens, prends ça.


Il me tendit une bouteille d’eau et deux antidouleurs, éludant ma question en m’adressant un rictus narquois.


― Tu te souviens de quoi ?


J’avalai les médicaments tout en réfléchissant à la soirée de la veille. Le bar était étrangement calme, à notre arrivée. Nous nous étions installées dans un box libre près de la piste de danse et avions commencé à boire, enchaînant les cocktails. Puis l’ambiance se mua en quelque chose d’électrique. L’équipe locale de hockey était venue célébrer sa victoire. Une marée humaine a envahi l’espace, et l’air devint rapidement saturé de parfums coûteux, d’alcool et de sueur.


― Humm… grognai-je alors que le visage d’un beau brun me revenait en mémoire.


Un sourire tentateur, un torse solide et chaud, et une voix sexy comme l’enfer.


― Rien. Avec les gars, on est arrivé juste à temps. Si Anny ne m’avait pas appelé, tu serais probablement dans le lit d’un hockeyeur… et lui en prison pour avoir couché avec une mineure !


Ryan se détourna, l’air tendu. Laissant entrevoir sa déception vis-à-vis de mon comportement de la veille.


Je retombai sur mon oreiller, un soupir lourd s’échappant de ma poitrine. J’avais été imprudente et stupide, pourtant je n’éprouvais pas le moindre regret. Me perdre dans les bras d’un inconnu m’avait donné l’illusion d’être vivante. L’espace de quelques heures, j’avais oublié tous mes soucis et cette fièvre dévastatrice qui me consumait semblait n’être qu’un lointain souvenir.


― Merde. Merci… soufflai-je. Attends. Les gars ?

― Steve et Ethan. Logan ne sait rien… Enfin, rien concernant ton penchant pour les patineurs sur glace, ricana Ryan.


Honteuse, je me réfugiai sous les couvertures, gémissant de douleur. Je n’aurais jamais dû boire autant…


― Bon, il paraît que tu as un problème avec ton projet d’info. Et comme je suis vraiment nul, j’ai appelé du renfort. Ne m’en veux pas… supplia-t-il en quittant le lit.

― Quoi ? Qui…


Je fus coupée par la sonnette de la porte d’entrée. Ryan sortit précipitamment, avec une étincelle de malice dans les yeux. Avant de s’éclipser, il me suggéra de me rafraîchir et de me changer pour ne pas effrayer Logan.


Traître !


Je me levai doucement, redoutant tout mouvement brusque qui pourrait me donner la nausée. Je me déplaçais jusqu’à la douche, le corps traînant, comme si ce simple effort était une épreuve insurmontable.


La lumière crue de la salle de bain me frappa, m’obligeant à fermer les yeux face à mon reflet désespérant. Le constat était accablant. Pire que ce que je m’étais imaginé : cernes ; cheveux en nid d’oiseau ; maquillage étalé sur le visage… une véritable vision d’horreur.


― Plus jamais… gémis-je en me déshabillant.


Les minutes défilèrent avant que je ne me sentisse à nouveau humaine. L’eau chaude et l’odeur de jasmin de mon shampoing avaient toujours eu cet effet calmant sur moi.


Quand je descendis enfin, Ryan était seul, affalé sur le divan.


― Il était temps, princesse. Je commençai à me faire du souci, dit-il en coupant le son du match qu’il regardait.

― Où est Logan ?

― Il a reçu un appel et a dû filer. Mais il a trouvé le problème de ton appli. Y’a un mot sur la table pour toi de sa part.


Je poussai un long souffle dramatique, déçue qu’il ne m’ait pas attendue, avant de m’écrouler sur la chaise devant mon ordinateur encore ouvert.


― Laisse-moi deviner. Miss pom-pom ?


Ryan émit un bruit confirmant mes soupçons, sans même daigner quitter l’écran des yeux.


― OK… et toi ? Pourquoi t’es encore là ?

― J’ai promis à Anny de ne pas te laisser sans surveillance, des fois qu’il te prenne encore l’envie de sauter sur un inconnu…


Je hochai distraitement la tête, sans vraiment l’écouter. Sur mon clavier reposait un papier plié en deux, portant l’odeur de Logan. Et son écriture indéchiffrable.


― Euh… c’est quoi ce bordel ? Comment je suis censée lire ça ?


Ryan éclata de rire. Il éteignit la télévision et vint s’installer à côté de moi en souriant.


― OK. Ça, je peux faire ! J’ai des années de pratique…


Au cours de l’heure qui suivit, nous passâmes en revue le code qui posait souci, et je réussis à corriger le bug. Une fois terminé, je poussai un petit cri de victoire avant d’envoyer le projet à Lucas.


― Merci, Ryan, bâillai-je. Je suis épuisée et je meurs de faim. Tu veux quelque chose ?


Avant qu’il ne puisse répondre, son téléphone vibra.


Timing parfait ! s’exclama-t-il en se levant. Le repas arrive. Reste là. Je reviens, Princesse.


Il se dirigea vers la porte d’entrée et j’entendis plusieurs murmures avant que des pas ne se rapprochent ainsi qu’une douce odeur de plats chinois.


Steve apparut, les bras chargés de sacs de nourriture.


― Salut ! Il paraît que quelqu’un meurt de faim, ici.

― Oh, oui ! Merci. Ryan est parti ?

― Non, il est aux WC. Je pose ça où ?


Je me levai précipitamment pour dégager la table basse.


― Je savais pas trop ce que tu voulais, alors j’ai acheté un peu de tout. J’espère que ça ira…

― C’est parfait, lui répondis-je en fouillant dans les sacs. Merci, Steve.


Je l’embrassai sur la joue sans trop réfléchir, le prenant au dépourvu. Visiblement mal à l’aise, il frotta nerveusement sa nuque et rougit.


― Ce n’est rien, vraiment. Et puis, je sais par expérience que c’est le meilleur remède contre la gueule de bois… [bruit de gorge] Tu veux en parler ?


Je fis non de la tête tout en soupirant.


― Pas vraiment… Je n’ai pas envie de pleurer aujourd’hui…


Il prit ma main et la serra, avant de passer son index sous mon menton pour me forcer à croiser son regard.


― Je suis là si tu as besoin de te confier. Ou de repousser n’importe quel mec baraqué un peu trop collant.

― Désolée pour ça…


Je fis un pas en arrière et cachai mon visage derrière mes doigts, les joues brûlantes d’embarras.


― Hé, m’interpella-t-il tout en attrapant doucement mes poignets. Tu n’as pas à t’excuser. Une belle fille a le droit de danser sans se faire draguer et emmerder par des abrutis. OK ?

― OK, murmurai-je. Merci…


J’étais figée. Prisonnière de son regard qui rayonnait d’une tendresse déconcertante. Ses doigts effleurèrent ma joue avant de remettre une mèche rebelle derrière mon oreille.


― Lili, commença-t-il d’une voix rauque.


Mais mon ventre protesta, un grondement sourd, brisant instantanément ce moment étrange. Steve recula, affichant un sourire espiègle.


― On devrait te nourrir avant que tu tournes de l’œil !


Je lui tirai la langue en frappant son bras, tout en prenant un air faussement vexé, avant d’éclater de rire. La gêne entre nous se dissipa aussitôt et tout parut de nouveau normal. Léger et simple.


― Installe-toi, je vais chercher des assiettes et des couverts, lançai-je par-dessus mon épaule alors que je me dirigeais vers la cuisine.


Sur un plateau, je déposai rapidement la vaisselle et trois bouteilles d’eau fraîche avant de le suivre au salon.


Ryan avait retrouvé sa place dans le sofa et Steve semblait se complaire dans le nouveau fauteuil en cuir de mon père. La télévision était allumée sur un match de football, mis en sourdine pour mon plus grand plaisir, et tous deux discutaient stratégie en analysant le jeu des deux équipes.


Je m’affalai sur le divan, à côté de Ryan, et me jetai sur les nems de poulet, mon péché mignon. Je ne pris même pas le temps de l’envelopper de salade ni de le tremper dans ce délicieux mélange sucré-salé. Je mordis dedans avec une gloutonnerie presque sauvage. Sans aucune grâce ni retenue.


― Je crois que je n’ai jamais une fille manger comme ça, ricana Ryan.


Je n’ai pas jugé nécessaire de lui répondre, haussant les épaules pour lui signifier qu’il pouvait penser ce qu’il voulait, ça ne m’atteignait pas le moins du monde. J’aimais manger. Surtout quand la nourriture était aussi agréable.


Lorsque je pris une deuxième bouchée, noyée sous une généreuse couche de sauce, je fermai les yeux pour apprécier les saveurs riches et complexes qui explosaient sur ma langue. Perdue dans mon bonheur fugace, je ne pus contenir un faible gémissement.


Quand je rouvris les paupières, prête à choisir ma prochaine victime, je fus surprise de découvrir Ryan et Steve, bouche bée, me dévisageant comme si j’étais au menu.


― Quoi ?


Steve gigotait dans son fauteuil, vraisemblablement mal à l’aise, alors que Ryan s’enfonça un peu plus dans les coussins, impassible, sans me lâcher du regard.


― Tu n’as pas le droit de faire ce genre de bruit, princesse, m’avertit ce dernier d’une voix étonnamment rauque.


Puis ses lèvres tressaillirent, comme s’il voulait sourire, mais qu’il se l’interdisait. Il secoua la tête avec amusement, et se pencha sur la table basse pour attraper une boîte.


― C’est bon de te voir ainsi. Détendue, annonça-t-il avant d’engloutir une énorme bouchée de bœuf mongol.


Steve avait l’air lui aussi étrangement satisfait. Sans un mot, il choisit un plat et se mit à manger. Leur attention retournant au match qui se jouait silencieusement devant nous.


Je pris soudainement conscience de ma chance. Avant de m’installer à Lake City, je n’avais jamais eu de véritables amis. J’étais une âme esseulée, préférant la froide solitude des livres à la chaleur d’une vraie complicité, à l’exception de ma mère. Et ces deux garçons, que je ne connaissais que depuis quelques mois, ne se trouvaient pas ici avec moi parce que je leur avais demandé, mais simplement parce qu’ils avaient compris mon besoin douloureux de compagnie. Ils étaient là pour moi. Sans jugement. Sans questionnement.


― Merci, soufflai-je la gorge serrée. Merci d’être là.


Un merveilleux sourire illumina le visage de Steve. Son regard sincère et chaleureux me retint captive le temps d’un battement de cœur. Puis, il m’adressa un signe de tête avant de se plonger à nouveau dans son repas.


Ryan se pencha vers moi et m’enlaça avec tendresse, une étreinte qui atténua quelque peu le poids écrasant de mes pensées. Il posa un léger baiser sur mes cheveux et me murmura à l’oreille :


― Toujours, Lili. Tu pourras toujours compter sur moi.


L’après-midi passa entre fous rires, cris de colère contre les joueurs de l’équipe adverse et silences confortables.


À 18 h, mon père n’était pas rentré et j’étais sans nouvelles de lui, ce qui était inhabituel. Mon dernier message était resté sans réponse et une inquiétude sourde commençait à s’installer en moi. J’essayai de me rassurer, mais au fond, je sentais que quelque chose n’allait pas.


Vers 20 h, épuisée et encore nauséeuse de la soirée de la veille, je mis gentiment les garçons dehors. Après quelques protestations, ils finirent par me laisser seule, à mon grand soulagement. Mes joues étaient crispées dans un sourire forcé, tentant désespérément de dissimuler mon état de détresse. Mes yeux gonflés de larmes que je peinais à contenir. Et ma gorge serrée de lutter contre les sanglots qui menaçaient de me briser.


Après les avoir salués depuis le porche, je fermai la porte et glissai le long, telle une poupée de chiffon. Assise sur le carrelage, les genoux remontés contre ma poitrine, je me laissai submerger par un tourbillon dévastateur d’émotions : colère, frustration, douleur, déception. Je hurlais, tirais sur mes cheveux, pleurais, riais, reniflais… jusqu’à ne plus rien ressentir. Jusqu’à ce que mon cœur fût aussi engourdi, aussi insensible, que mon corps.


Alors seulement, je me relevai et me dirigeai vers ma chambre, engloutie par la pénombre de cette triste soirée d’automne. Je ne pris pas même la peine de me changer et m’enfonçai dans le moelleux réconfortant de mon lit.


Fixant le plafond, je pensais à tout ce qui s’était passé dans ma vie. De la perte de ma mère à cette nuit fatidique. Jamais je ne m’étais perçue comme une mauvaise personne. J’étais douce et gentille, la plupart du temps discrète et invisible. Pourtant le sort semblait s’acharner contre moi. Je pouvais continuer à subir sans réagir, me contentant de n’être qu’une victime, ou essayer de me battre. De lutter et de reprendre le contrôle de mon existence. Ne rien faire ne m’avait pas vraiment réussi. Un changement de tactique s’imposait. Rapidement.


Lorsque la porte d’entrée claqua, je savais ce que j’avais à faire.


― Lili ?


La voix de mon père résonna à travers la maison silencieuse. Son pas lourd montait les marches avec une détermination implacable. Il ne prit pas la peine de poser sa veste ni de dénouer sa cravate, comme il le faisait après une longue journée de travail. Sans frapper, il fit irruption dans ma chambre, le visage empreint d’une inquiétude sourde, et vint aussitôt me serrer contre lui.


― Je suis désolé, ma chérie, murmura-t-il alors que les larmes menaçaient de couler à nouveau sur mes joues.


Je voulus le repousser. Exiger des réponses. Lui reprocher tous ses mensonges. Mais à cet instant, je n’en avais pas la force. Comme si toute ma combativité avait disparu face à cet homme qui était mon pilier. Mon roc.


Ainsi, plutôt que de crier ma rage et de le haïr de tout mon être, je le laissai me consoler. Comme lorsque je n’étais qu’une enfant. Perdue et fragile. Minuscule et recroquevillée contre son torse. Enveloppée dans ses bras réconfortants.


Après ce qui me parut une éternité, il se recula et m’aida à m’installer sous les couvertures. Il ôta rapidement ses chaussures, puis s’allongea à mes côtés, me pressant de me blottir contre sa poitrine.


― Je suis désolé, répéta-t-il. J’aurais dû te parler de la famille de ta mère bien avant. De tout le mal qu’ils lui avaient fait. Mais je veux que tu saches que nous ne sommes pas venus ici à cause de ce contrat ou de ton héritage. Tu comprends ?


J’acquiesçai sans un mot. Il soupira et resserra son étreinte, semblant satisfait, puis ajouta :


― Je ne vais pas te mentir. J’avais une arrière-pensée en déménageant ici. Je savais que ton grand-père était décédé, mais le nom de William a toujours de l’influence. J’espérais qu’il suffirait à te protéger. Mais j’ai lamentablement échoué. Pardonne-moi.


Il marqua un temps d’arrêt, comme si le poids de la vérité l’écrasait. Quelques secondes nécessaires à tous les deux : lui, pour trouver la force de se libérer de ses secrets ; et moi, pour me préparer à une autre révélation qui risquait de tout bouleverser.


― Je savais que ton grand-père avait signé une alliance, mais j’ignorai avec qui. Ta mère n’a jamais voulu parler de sa famille et de son passé. Je n’ai après que bien plus tard la vérité. Après son départ. Elle avait confié une lettre à son notaire qu’il m’a remise quelques mois après sa mort, dans laquelle elle me raconte son enfance avec les frères Conhrad. Son amour qu’elle croyait non réciproque pour Philip. Les menaces d’Yvan Conhrad et les rumeurs abjectes et infondées qu’il avait lancées quand elle avait résisté. Et ses parents qui n’ont jamais rien fait pour la défendre, la protéger. Pour qui elle n’était qu’un simple pion…


Il expira brusquement, sa voix se brisant sous l’émotion.


― Nous nous sommes rencontrés à l’université en Californie peu de temps après la rentrée. Je suis tombé amoureux d’elle au premier regard, mais elle gardait ses distances. Ce que j’ai toujours respecté. Si je devais n’être qu’un ami, ça me convenait tant qu’elle était heureuse. Les mois ont défilé entre les cours, les examens et les soirées étudiantes. Je n’étais pas du genre sérieux et enchaînai les conquêtes sans lendemain, attendant désespérément qu’elle m’ouvre enfin son cœur. Ce qu’elle fit après les vacances de printemps. J’étais l’homme le plus heureux quand elle a débarqué dans ma chambre, les cheveux en pagailles et les joues rouges, et qu’elle m’a sauté au cou pour m’embrasser. Je n’ai pas cherché à savoir ce qui avait bien pu la pousser à changer d’avis. Ça n’avait aucune importance. Elle m’avait choisi.


Un sanglot fit trembler sa poitrine et son rythme cardiaque accéléra légèrement.


― Mais si ce jour-là, elle s’était précipitée dans mes bras, c’est parce que Philip lui avait brisé le cœur. Après lui avoir avoué ses sentiments, il l’a simplement abandonnée pour une autre. Il était en couple depuis des mois et allait être père. Toute la ville parlait déjà de leur mariage. Alors, ta mère est partie, rayant un trait sur son passé, et nous a offert une chance…


Ses mots planèrent quelques instants entre nous.


― Tu ne lui en veux pas ?

― Non, admit-il précipitamment. Non… parce que nous avons vécu des années merveilleuses ensemble. Elle m’a réellement aimé et c’est tout ce qui compte.


Un silence calme et agréable nous enveloppa.


― Comment monsieur William a su pour moi ? osai-je enfin demander après quelques minutes d’hésitation.


Il prit une profonde inspiration avant de me répondre.


― Cela faisait quelques années que nous étions ensemble et je rêvais que d’une chose : l’épouser. Mais je voulais le faire dans les règles… alors, j’ai cherché à rencontrer tes grands-parents pour avoir leur bénédiction. C’était ma première erreur. Sans le savoir, je venais d’exposer ta mère. Personne ne savait où elle était partie. Pas même ses parents. Ma deuxième erreur a été d’accepter leur invitation pour les vacances de Noël. Nous avions prévu de nous installer dans le Maine, alors c’était l’occasion idéale.


Il prit une courte pause, le temps de réprimer la douleur qui l’assaillait à travers ses souvenirs.


― Bien évidemment, la seule chose que cherchait ton grand-père c’était nous séparer. Il avait besoin de consolider un accord et voulait marier ta mère à un riche héritier. Mais ses plans sont tombés à l’eau quand il a découvert qu’elle était enceinte de toi. Aucun homme n’aurait accepté d’épouser une femme avec un bâtard, selon ses propres mots. Ce jour-là, il nous a mis à la porte en menaçant ta mère de la désavouer et de la déshériter. Et ta grand-mère n’a rien dit. Elle a simplement regardé sa fille se briser sous la violence des paroles de son père.


― Comment peut-on faire ça à son enfant ? murmurai-je plus pour moi.

― Je l’ignore… Mais ta mère pensait qu’il n’était pas sérieux, juste en colère, et qu’il reviendrait sur ses paroles si on lui laissait le temps de se calmer.


Un rire amer lui échappa.


― Nous avions repéré une petite maison dans un quartier tranquille et cosy et, malgré la situation avec tes grands-parents, nous avons quand même décidé de l’acheter. Ta mère l’adorait. Elle avait déjà tellement d’idées pour décorer ta future chambre…


Un sourire illumina son visage, bien qu’il soit teinté d’une profonde nostalgie et d’une tristesse qui me serraient le cœur.


― C’était notre dernière erreur… Le jour de notre emménagement, une femme est venue nous voir pour insulter Mary. Elle lui a dit des horreurs, lui reprochant de chercher à lui voler son mari. Je crois que je n’ai jamais vu ta mère autant en colère. Une main sur son ventre arrondi, elle se tenait fière et droite, et lui a calmement répondu qu’elle ne me quitterait jamais, même pas pour tout l’or du monde. Qui que soit son mari. L’autre femme est partie comme une furie, hurlant que ce n’était pas terminé…


Mon père souffla, laissant échapper tout sa lassitude en passant ses doigts dans ses cheveux. Il paraissait plus vieux. Complètement épuisé, mais soulagé. Soulagé de ne plus rien me cacher. De ne plus me mentir.


― Un an après, ce fut au tour de ton grand-père. Il nous a harcelés pendant des semaines, faisant de notre vie un enfer. Il m’a blacklisté dans toute la région. Personne ne voulait plus travailler avec moi. Toutes nos économies se sont évaporées en quelques mois. J’acceptais tous les petits boulots, mais ce n’était pas suffisant. Nous avons donc décidé de quitter le Maine et de vendre notre maison, mais Roberts William avait des contacts partout. Sans l’aide de madame Cohnrad, je ne sais pas ce que nous aurions pu faire.

― Comment ça ?

― Quand elle a appris ce que nous faisait vivre Roberts William, elle est devenue folle de rage. Elle aimait profondément ta mère et voulait à tout prix nous aider. Alors, elle a racheté notre maison nous offrant ainsi une chance de recommencer notre vie ailleurs, loin de l’influence du nom William. Tu avais tout juste deux ans.


J’étais étourdie par tout ce que mon père venait de m’avouer. Les pièces du puzzle s’assemblaient une à une, révélant une histoire folle digne des romances contemporaines que j’affectionnais tant. La vraie vie ne ressemblait jamais à ça…


― Et pour le contrat ?


Il resta silencieux pendant presque une minute entière. Lorsqu’il prit enfin la parole, sa voix était chargée de colère à la fois glaçante et résignée.


― Même si Roberts William avait renié sa fille unique, il avait besoin d’un héritier. Et il n’avait personne d’autre que toi. Il voulait punir Mary pour m’avoir choisi, mais jamais il n’aurait permis que sa fortune et son héritage ne disparaissent après sa mort. J’avais seulement espéré que le fils d'Yvan Cohnrad serait plus humain. Qui accepterait de vendre son enfant pour un accord commercial ?


Il secoua la tête, réfléchissant à ses prochains mots. L’inquiétude et la culpabilité transparaissant dans ses yeux.


― Tu n’as qu’un mot à dire et nous quittons la ville dès demain. Je travaille avec mon équipe d’avocats pour faire annuler ton mariage, mais…


Je me redressais d’un bond.


― Attends. Mon quoi ? hoquetai-je.


Il expira bruyamment avant de me répondre.


― J’ai découvert, il y a deux semaines, que ton grand-père ne s’est pas contenté de signer un contrat avec Yvan Cohnrad. Il a fait en sorte que votre mariage soit prononcé le jour de tes 18 ans. Je ne sais même pas comment ça peut être légal, bordel !


Il frappa le matelas, assailli par un sentiment d’impuissance et de colère, avant de s’excuser. De me supplier de lui pardonner.


― Hé, tu n’y es pour rien… le rassurai-je.


Après un moment de silence, j’avouai doucement :


― Et puis j’aurais pu tomber sur pire que Logan…


Je sentis mes joues s’empourprer sous le regard curieux de mon père. Ses lèvres tressaillirent en un petit sourire.


― Lili Menphis, que me caches-tu ?


Je rougis de plus belle et dissimulai mon visage dans sa chemise.


― Je crois bien que je suis amoureuse de mon futur mari, murmurai-je timide.


Prononcer ces mots à voix haute était une expérience déroutante. J’avais l’impression d’être un véritable cliché. Une parfaite idiote, mais je ne pouvais nier l’évidence plus longtemps. J’étais tombée amoureuse de Logan. D’une manière inexpliquée, mais indéniablement réelle.


― Que veux-tu faire alors, ma chérie ? me demanda mon père d’un air soudainement très sérieux.

― Je ne veux plus fuir… soufflai-je.


J’avais pris ma décision depuis quelques heures déjà. Et, pour la première fois depuis des mois, j’étais sûre de moi. Convaincue que c’était la bonne chose à faire.


― Très bien, soupira-t-il. Je suis fier de toi, ma chérie. Mais… mais tu dois savoir qu’une fille de ton lycée menace de diffuser des photos de toi.


Tout mon corps se raidit à ses mots.


― Je sais… admis-je. Mais…

― Philip Cohnrad m’a appelé hier soir. J’ai d’abord cru que c’était une nouvelle tentative de manipulation pour me faire accepter le mariage. Mais j’ai passé l’après-midi avec lui et son équipe juridique, et il s’avère qu’il était sincère. Il est déterminé à mettre fin à ce cauchemar et, crois-moi, il dispose de toutes les ressources pour. Je suis heureux qu’il soit de notre côté… et quelque part, je comprends mieux pourquoi ta mère l’aimait autant…


Il déposa un doux baiser sur mes cheveux et resserra son étreinte avant de me lâcher. Puis il se leva et me borda.


― Il se fait tard. Tu devrais dormir un peu. Je t’aime, ma chérie.


Je me lovai dans les couvertures, dans la chaleur de son empreinte. Son parfum m’enveloppa et la fatigue me rattrapa.


― Je t’aime aussi, papa…


Texte de L. S. Martins (3heures sans relecture).

Image par Photostock Editor de Pixabay : Fille Visage Pleurer - Photo gratuite sur Pixabay


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