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Marco Polo, Philippe de Dieuleveult, Mike Horn et les autres (1) : l'image et la réalité

Marco Polo, Philippe de Dieuleveult, Mike Horn et les autres (1) : l'image et la réalité

Publié le 11 juil. 2023 Mis à jour le 11 juil. 2023 Voyage
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Marco Polo, Philippe de Dieuleveult, Mike Horn et les autres (1) : l'image et la réalité

L'image que la plupart d'entre nous ont de l'aventurier est celle de quelqu'un qui s'en va droit devant lui au hasard le nez au vent et les mains dans les poches sans avoir rien préparé et sans avoir une idée de sa destination, même si le voyage est dangereux...

... mais cette image correspond-elle bien à la réalité ? 

Certes, l'aventure, la vraie, ce n'est pas l'aventure assistée façon téléréalité comme dans Les Aventuriers de Koh-Lanta ou encore The Island - Seuls au monde (même si celui qui produit cette dernière émission est un aventurier reconnu et aguerri, à savoir Mike Horn) ou encore façon Paris-Dakar (qui n'a plus de Paris ni de Dakar que son nom, et qui suscite aussi beaucoup moins la controverse qu'elle ne l'a fait lors de ses premières éditions dans les années quatre-vingt). Les puristes de l'aventure ne manqueront pas de faire remarquer que dans la véritable aventure, quand on est censé être perdu au beau milieu de nulle part, on n'a pas toute une équipe de tournage dépêchée sur place par la production (Koh-Lanta), ni des hélicoptères ni des voitures suiveuses pour dépanner ou rapatrier les candidats en difficulté (Paris-Dakar) ni même un téléphone satellite qui permet de demander de l'aide à toute une équipe médicale quand on se retrouve en difficulté (The Island). Les puristes appelleront tout cela de l'"aventure au rabais" et insisteront sur le fait que les aventuriers, les vrais, ceux qui font le tour du monde à la voile en solitaire par exemple, que ce soit dans la Golden Globe Race ou dans le Vendée Globe, ou même ceux qui se "contentent" plus "simplement" de la Route du Rhum (une course transatlantique qui se fait elle aussi en solitaire), sont limités aussi bien dans leur équipement (un simple sextant) que dans leurs communications avec la terre ferme (tout au plus une radio), que les risques qu'ils courent sont bien réels - on n'a jamais retrouvé ni Alain Colas ni son voilier Manureva, et si le Royale II de Loïc Caradec a bien été retrouvé par Florence Arthaud qui s'est déportée de sa route à l'époque pour lui porter secours, Loïc Caradec, lui, a bel et bien disparu en mer (pour ne citer que ces deux cas-là) - et que c'est justement pour cette raison-là que tous les skippers qui se lancent dans ces défis-là, d'Olivier de Kersauzon et d'Éric Tabarly à Florence Arthaud et Ellen McArthur en passant par Mike Birch, Bruno et Loïck Peyron, François Joyon, Michel Desjoyeaux, Charles Caudelier et tant d'autres encore, nous font tous rêver. D'ailleurs, Mike Horn lui-même, en dehors de The Island, a monté et monte encore ses propres projets d'exploration pour son propre compte et a failli plus d'une fois y laisser la vie (et je me suis laissé dire que lors de sa dernière expédition en Arctique, il n'a dû la vie qu'à l'intervention de sa fille Annika qui a alerté le monde à son sujet et fait envoyer des secours le plus près possible de l'endroit où elle estimait qu'il devait se trouver). 

Il n'en reste pas moins que même participer à une télé-réalité d'aventure assistée façon Koh-Lanta ou The Island requiert tout de même certaines qualités indispensables au départ : la disponibilité (ceci devrait parler à tous ceux et toutes celles qui ont un boulot, une famille et des responsabilités et qui ne peuvent pas s'en dégager sans autre forme de procès du jour au lendemain sur un claquement de doigts pour une durée qui, même si elle n'est pas vraiment indéterminée, excède tout de même largement le nombre de jours de congés annuels prévu par la loi), quelques moyens financiers tout de même derrière soi (j'ignore si les participants reçoivent une petite rétribution financière pour leur participation, mais même si c'est le cas, l'argument financier devrait parler à tous ceux et toutes celles qui n'ont pas les moyens matériels de prendre un congé sabbatique sans toucher aucun salaire), une forme physique exceptionnelle (être un(e) habitué(e) des salles de fitness ne suffit pas, et de très loin), une santé de fer (pour ne pas tomber malade à la moindre piqûre de moustique ni au moindre aliment un peu inhabituel), un mental à toute épreuve (pour ne pas être désarçonné(e) par des difficultés inhabituelles et souvent importantes, pour savoir garder la tête froide et ne pas paniquer) et une débrouillardise et un esprit d'initiative supérieurs à la moyenne (pour savoir trouver des solutions aux problèmes et ne pas se retrouver bloqué(e) et perdu(e) en cas de difficulté). Et j'ajouterai même qu'un minimum de connaissance des techniques de survie, incontestablement, ça aide (ce qui devrait parler à tous ceux et toutes celles qui se demandent déjà ce qu'ils ou elles feraient si jamais ils ou elles se retrouvaient un jour perdu(e)s au beau milieu des bois, ou pire encore, qui n'ont même pas de connaissances en techniques de secourisme en cas de besoin même en ville ou même tout simplement à la maison, et qui sont bien content(e)s que la civilisation soit là pour mettre à leur disposition un numéro d'urgence à contacter - et les techniques de survie, ça va bien au-delà du secourisme). D'ailleurs, les organisateurs de ce genre d'épreuves commencent par dispenser à leurs participant(e)s, souvent citadin(e)s à la base, toute une formation ad hoc avant de les laisser compter principalement sur eux-mêmes dans une nature hostile (même s'ils restent quand même prêts à intervenir derrière les coulisses). Il y a toute une préparation avant l'épreuve : il y va d'ailleurs de la responsabilité des organisateurs et de la production. Même aventurier(e)s occasionnel(le)s, les participant(e)s ne sont pas pour autant des gens qui ont décidé de "tout plaquer" pour vivre une autre vie mais restent des gens ordinaires qui ont une vie tout ce qu'il y a de plus "normal" en dehors de ce genre d'émissions et qui ont la ferme intention de la reprendre une fois que leur participation aura pris fin. Pour eux, il s'agit juste d'une parenthèse, d'une expérience, pas d'un changement définitif d'existence. Même s'ils ont les qualités qu'il faut pour être capables d'accomplir des exploits inhabituels.

 

Autrement dit : même assistée, même encadrée, même édulcorée, l'aventure, ce n'est pas pour tout le monde. C'est un fait. 

Mais pour les puristes de l'aventure, tout cela n'est tout de même pas comparable aux risques bien plus vitaux qu'ont pris de vrais explorateurs et aventuriers qui y ont parfois laissé la vie, comme Robert Scott (qui est mort gelé avec toute son équipe avant d'avoir atteint le pôle Sud), Roald Amundsen (qui, lui, a réussi son expédition), Ernest Shackleton (qui n'est pas arrivé au pôle Sud mais qui a eu la sagesse de s'arrêter à temps avant de finir comme Robert Scott), les pionniers de l'aviation comme les frères Wright, Louis Blériot ou Charles Lindbergh (dont l'image d'aventuriers désintéressés sauf par l'exploit et par la science ou la technique s'écorne un peu quand on sait qu'ils se sont servis de leurs exploits pour devenir des hommes d'affaires) ou encore Antoine de Saint-Exupéry (pour l'aviation postale), dont l'avion a été retrouvé au fond de la Méditerranée en 2000. Plus près de nous, si Nicolas Hulot est devenu le militant environnementaliste que l'on connaît dans le monde francophone, c'est pour avoir commencé par sillonner la planète en tous sens à la recherche des beautés de la Nature et d'autres modes de vie, et pour nous avoir enchantés de ses découvertes dans son émission Ushuaïa. Philippe de Dieuleveult, lui, a eu moins de chance dans sa descente des rapides du fleuve Congo : son corps n'a jamais été retrouvé. On pourrait aussi citer les explorateurs de l'espace, Neil Armstrong, Youri Gagarine, Thomas Pesquet et les autres, y compris l'équipage du vol Apollo 13 (qui a préféré mettre prématurément fin à sa mission plutôt que de prendre des risques avec un bouclier thermique défectueux) et bien sûr, puisqu'il est aussi question de risque vital, les victimes de l'explosion en plein vol des navettes Challenger et Columbia.

Je suis loin de les avoir cités tous. Pour le faire, il faudrait toute une encyclopédie. Et encore, je me suis volontairement limitée aux cent dernières années : je ne suis pas remontée au XIXème siècle pour évoquer Stanley et Livingstone, et je ne suis pas non plus remontée plus loin pour rappeler la mémoire de Cristobal Colombo (Christophe Colomb), Fernando de Magalhães (Fernand de Magellan), de Kemal Reis (Camali), Piri Reis, de Marco Polo et des marchands de la Route de la Soie, et des navigateurs arabes, vikings et phéniciens. Les puristes de l'aventure les évoqueront volontiers tous comme des héros pour l'immense part d'inconnu qui faisait partie de leurs entreprises et qui n'a plus guère de commune mesure avec ce qu'il en est aujourd'hui à ce niveau-là, si ce n'est avec l'exploration spatiale (dont les missions les plus lointaines sont tout de même exécutées par des machines et des robots téléguidés depuis la Terre et non par des humains que les agences spatiales auraient envoyés là-haut). Pour ma part, mon but est plutôt de montrer que contrairement à ce que certains affirmaient pendant les Trente Glorieuses, il y a encore une place pour l'aventure même dans nos pays dits "civilisés", même si la technologie moderne lui assure un tout autre niveau de sécurité inimaginable dans les siècles passés. Même au XXIème siècle, même avec toute la technologie, tous les moyens de communication, d'aide et d'assistance dont on y dispose, et même avec une Terre désormais complètement cartographiée, quand on part à l'aventure, on n'est pas encore assuré d'en revenir vivant. L'aventure reste synonyme de défi, de danger et de risque. Mike Horn lui-même - qui est pourtant mieux armé que beaucoup pour y faire face - ne dira pas le contraire.

 

Crédit image : ©️ Getty - pixdeluxe

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