- C’était donc bien ça… sourit le Messager terrestre.

- Quoi donc ? lui demanda le Porteur de la Terre.

- Leur amour ! Regarde comme ils dansent ensemble… C’est magnifique ! Je sais bien que toutes les âmes-sœurs de la prophétie s’aiment, mais le voir de ses propres yeux… Ils dégagent quelque chose de très fort ! Voilà pourquoi la prophétie les attendait… Ils sont vraiment au cœur du renouveau de ce monde…

- Mmm, acquiesça le dieu en regardant à son tour la vision dans l'eau qui entourait leur lit.

Ils se trouvaient tous deux chez le Porteur de la Terre, à peine recouverts d'un drap blanc sur un grand lit plein de pétales de roses. Le Messager était allongé sur le ventre au bord du lit, les pieds en l'air et la tête penchée vers le sol où il regardait avec attention l'eau où se reflétaient les visions terrestres. On y voyait ce qu'il se passait en temps réel, et ce qu'il observait à cet instant était la deuxième fête du royaume, au château des sirènes. Le Porteur de la Terre était allongé à ses côtés, ses longs cheveux sombres recouvrant presque entièrement le lit et tombant au sol, comme si l'eau était leur continuation. Il avait une main posée sur le dos de son amant, le caressant avec tendresse.

- Sur ce point, tu as raison. Ce qui empêchait le renouveau de cette terre, c'était le cœur brisé du prisonnier et l'amour devenu haine du triton. Ils étaient la clé, et même le cœur de la prophétie... Leurs âmes étaient vouées à la mort sans cet amour qui les a sauvés, car un lien si puissant, s'il est brisé, ne mène qu'à la folie... Je connais bien ce type d'amour désespéré, nombre d'entre nous l'ont vécu, parfois réciproque, parfois non...

- Tu as… déjà aimé quelqu’un si fort ?

Le Porteur de la terre sourit avant de passer sa main dans les cheveux blonds bouclés du Messager, attendri, avant de lui répondre par une autre question :

- Tu crois vraiment être le premier à m’avoir admiré ?

- Dans quel sens…? Beaucoup t’admirent, c’est normal…

- Ce n’est pas ce que je voulais dire… Lorsque tu faisais tes aller-retours entre la terre et le ciel alors que ma magie portait cette planète, ne crois-tu pas avoir fait battre mon cœur d'un amour passionnel ?

- Quoi…? Tu m’avais remarqué avant que je ne te remarque…?

- Qui ne tomberait pas amoureux d'un si bel ange ?

- Mais je pensais que…

- Ce n’est pas le cas. Imagine ma joie quand ce garçon pour lequel je m’étais épris a commencé à m’admirer, alors que tu ne venais d’habitude que pour ton devoir de Messager ? L’espoir s’est mis à briller de plus en plus fort dans mon âme, jusqu’à ce que j’ose enfin te demander ton cœur.

- Ce n’est pas possible…

- Je ne vivais que pour te voir, attendant avec impatience que tu illumines ma journée. Ce garçon si plein de vie qui venait égayer ma vie, ce garçon que je ne pouvais m'empêcher d'aimer... Comment aurais-je pu ne pas remarquer une personne aussi bonne, gentille et souriante que toi ? Moi qui pensais vivre pour l'éternité dans cette solitude, voué à porter le fardeau de la Terre, tu es venu à moi tel un soleil dans l'obscurité de la galaxie...

Il s’arrêta l’espace d’une seconde, guettant la réaction du Messager. Quand il vit que ses yeux brillaient, il continua à parler avec douceur, posant sa main sur la joue de son amant.

- Mais c'est un amour que je croyais impossible... Je pensais qu'un jour, tu allais en avoir assez de venir sur terre, que tu ne venais que par obligation pour remplir ton devoir de Messager... Je n'avais aucun droit de retenir une personne si lumineuse et libre que toi ici avec moi, et t'obliger à rester à mes côtés afin d'alléger ma peine... Mais c'est là que j'ai vu la façon dont tu me regardais. Je me suis mis à espérer l'impossible jusqu'à ce que mon rêve devienne réalité. Quelle ne fut pas ma joie quand j'ai appris que je ne me trompais pas et que toi aussi, tu avais des sentiments pour moi...! Pardonne-moi d'être resté silencieux jusqu'à présent, mais je cherchais toujours le bon moment pour t'avouer que mon amour pour toi n'était pas un simple désir, mais bien plus que ça... Et pourquoi continuer à attendre le bon moment si je peux te le dire maintenant, tout simplement ? Le plus tôt je te l'avouais, le plus tôt j'ornais tes lèvres de ce si beau sourire qui éclaire maintenant ton visage.

- Je n'aurais jamais pensé que... qu'un dieu tel que toi puisse me... me remarquer...! fit le Messager ému, les larmes aux yeux.

- Ne pleure pas, tu n'es pas un simple Messager, tu es le lien entre la terre et le ciel, tu es le protecteur des humains, et tu es mon Soleil. Puis-je t'appeler mon Soleil ?

- Bien sûr !

- Mon Soleil... Cela te va si bien... Toi seul te soucie des humains de la même façon que moi... Je me demande parfois si ce n'est pas la Fée de l'Univers qui a joué en ma faveur, te donnant ce rôle de Messager pour nous permettre de nous rencontrer.

- Mais… l’amour entre hommes n’est-il pas différent de celui entre un homme et une femme ?

- Tu vois bien que les humains se réincarnent parfois en changeant de corps, leur âme restant toujours la même… Pourquoi l’amour entre deux âmes serait différent selon le corps qu’elles possèdent ? Vois-tu, l’amour entre hommes, l’amour entre femmes, l’amour entre hommes et femmes… C’est le même. Les hommes pensent que l’amour est contrôlable, mais c’est faux. Pourquoi avoir honte d’un sentiment si beau ? N’as-tu pas vu à quel point la Fée de l’Univers aime sa Nymphe des Étoiles ? Les étoiles de cette nymphe baignent dans l’univers de notre amie fée, et toutes deux s’aiment d’un amour plus brillant que les astres.

- Alors elles s'aiment, elles aussi ! Je me disais bien que la façon dont elles se regardaient était différente !

- Il en va de même pour ce prince et son triton : tous deux préfèrent les hommes, et n’en sont pas gênés. Ils ont bien raison. Et cette jeune fille réincarnée en garçon, son âme se sent désormais demi-homme, quelque part entre les deux genres mais se sentant plus proche de son côté masculin.

- C’est si intéressant de connaître leurs histoires à tous…!

Le Porteur de la Terre rit doucement sous l'enthousiasme de son amant, et prit son corps nu dans ses bras, le serrant tendrement contre lui. Le Messager rougit mais passa lui aussi ses bras autour du torse de son dieu tout puissant, et déposa un baiser sur sa joue.

- J’aime quand tu m’embrasses… murmura le Porteur de la Terre, les yeux fermés, calmé par la sensation agréable de la peau de son Soleil contre la sienne.

Sa propre peau de dieu changeait parfois de couleur, devenant encore plus sombre que d’habitude, aussi noire que la nuit, contrastant avec le corps lumineux et solaire du Messager.

Ils restèrent longtemps ainsi, jetant parfois un œil sur l’eau enchantée qui les entourait afin de voir comment se déroulait la deuxième fête, plus belle encore que la précédente, remplie de lumière et de magie, entre plantes et créatures aquatiques, entre amour et beauté de la vie.

Ils virent Morgan et Aaron se présenter officiellement puis se faire couronner. Ils virent les sirènes et les hommes danser. Ils virent les âmes-sœurs se retrouver. Ils virent les deux peuples se souder, écoutant le discours de paix de leurs nouveaux dirigeants. Ils virent les mages égayer la soirée de leur magie. Ils virent même les esprits des défunts ayant trouvé la paix se réjouir du spectacle sous forme de fantômes !

Et enfin, ils virent Morgan et Aaron avouer leur amour aux yeux de tous et se promettre de s’aimer éternellement, prenant comme témoin le garde qui avait aidé le prince dans sa cellule durant des années en guise de remerciement.

Après de si longues années de conflit, chacun semblait avoir trouvé sa dose de bonheur, comme protégés par une grande bulle protectrice de joie et de sérénité.

Même si certains avaient encore du mal à nager, étant nés après la séparation du royaume, ils se faisaient aider par les autres, retrouvant doucement leur lien avec la mer.

Le mal commençait à guérir, remplacé par l’amour et la joie.

Morgan avait besoin de connaître ce bonheur. Après sa vie dans la solitude, il a dû être habitué à l’abandon, ne faisant plus confiance à personne. C’est comme s’il voulait se débarrasser de tout le monde, car pour lui, ils étaient tous pareils et le rejetaient. Même en apprenant que les hommes étaient des sirènes bannies, rien n’aurait changé, car la mer était celle qui l’avait abandonné en premier. Il aurait tué le monde entier, mais cela ne l’aurait pas soulagé, et il se serait tué à son tour, se détestant si fort qu’il pensait que les insultes qu’il recevait était justifiées.

S’il voulait faire disparaître les autres, c’est parce qu’il souhaitait plus que tout disparaître lui-même. Cela lui permettait de ne pas se tuer, car il redirigeait sa haine envers soi-même sur les humains.

Rien n’aurait pu le sauver : s’il n’arrivait pas à ressentir l’envie de vivre, s’il ne parvenait pas à s’aimer, tout était vain.

Heureusement, Aaron lui avait prouvé que la vie valait la peine d’être vécue, l’aimant si fort que son amour avait finit par atteindre le triton. Voyant à quel point il était aimé, Morgan comprit qu’il avait fait une erreur. Si quelqu’un pouvait l’aimer, alors lui aussi pouvait s’aimer, d’autant plus qu’il s’agissait d’un des humains qu’il était censé détester. Il n’avait plus besoin de se haïr, protégé par cet amour pur.

Contrairement à d’autres, il avait eu besoin d’une aide extérieure pour le comprendre, mais cela ne le rendait pas plus faible que les autres.

Demander de l’aide n’est jamais une faiblesse, mais une force. Morgan était seul, enfermé dans l’obscurité, et Aaron l’avait trouvé, ouvrant la porte sur la lumière, éclairant son âme-sœur de son amour et le libérant des ténèbres de sa haine.

Ainsi, pour se remémorer son passé, Morgan aimait parfois changer de forme et devenir humain à nouveau, se rendant compte à quel point sa haine n’avait pas de sens. Aaron, lui, préférait rester humain la plupart du temps, n’oubliant jamais de rappeler à son amant à quel point il l’aimait, et à quel point il était important de s’aimer.

Le jeune triton avait besoin d’une raison de vivre : ce qui le maintenait en vie, c’était sa haine. Elle lui permettait de ne pas penser à sa douleur. Avant que cette haine ne soit remplacée par autre chose : l’amour. Non seulement cet amour lui venait en aide, mais en plus, cet amour était en train de guérir sa douleur.

Dans les bras d'Aaron, il avait appris comment s'aimer soi-même.

Ne vivant plus pour la haine, il vivait pour l’amour, comme lorsqu’ils étaient enfants.

En le perdant, son amour était redevenu haine, et il a pensé que son prince lui avait aussi tourné le dos. Il ne croyait plus en rien, pensant avoir été trompé, pensant avoir cru en une illusion, et perdit tout espoir et amour pour soi avant de comprendre qu'Aaron n'avait jamais cessé de l'aimer. Le jour s'était levé à l'instant où ils se retrouvèrent en prison tous les deux, l'espoir brillant à nouveau.

De leur amour dépendait l'avenir de tout leur royaume, car c'est bien cette tristesse et cette haine qui empêchaient le soleil de revenir. Le prince et le garçon venu de la mer que tous avaient oubliés. Paradoxalement, c'était à cause de leur amour et grâce à leur amour que le monde avait pu être renouvelé, parvenant enfin à effacer les blessures qui marquaient sa surface.

Au cœur d’une prophétie mystérieuse planifiée par les dieux célestes.

L'un sur Terre, l'autre sous la Mer.

Leurs retrouvailles, tout comme les retrouvailles de chaque âme-sœur de la prophétie, liaient Terre et Mer.

- J’ai l’impression d’assister à un rêve quand je vois ces visions lointaines. Regardent comme ils s‘aiment…! soupira le Messager.

- Comme nous, ajouta le Porteur de la Terre.

- Oui, comme nous… C’était si beau quand tu as rallumé la lune sous mes yeux… Je ne me lasserai jamais de tes pouvoirs.

- Affirmer que ma lune est belle, c’est comme m’avouer ton amour.

- Oh…

Le Porteur de la Terre se mit de telle sorte à ce que le messager soit au-dessus de lui, sur son torse musclé, et serra sa fine taille de ses bras. Ses longs cheveux ondulaient tels des vagues sur le lit où il était allongé, son amant tout contre son cœur.

- J'ai bien fait de te faire confiance, regarde comme les habitants de ta planète sont heureux ! Enfin... Je ne dis pas qu'il n'y a pas encore beaucoup à réparer, mais le plus grand est fait, murmura le Messager, rougissant sous le sourire du Porteur de la Terre.

- Ne change pas de sujet, mon Soleil. Et tu n'as pas besoin de te sentir gêné en ma présence, à moins que ta timidité ne soit due à ma beauté ?

- La réponse doit te paraître évidente... Si je te dis que je t'aime, et que je t'embrasse, tu feras éclore des fleurs sur ta planète pour moi ?

- Tout ce que tu voudras, Messager de mon Cœur. J’ai déjà fait briller les étoiles plus fort pour toi, ignorant l’interdiction de la Nymphe de Étoiles. Faire éclore quelques fleurs ne me posera aucun problème. Rien n’est impossible pour moi, tu le sais.

- Je le sais. Tu es vraiment magnifique, comme ça… fit le Messager en l’embrassant tendrement.

Le dieu souffla de plaisir en sentant les lèvres de son amant sur les siennes et l’embrassa avec force à son tour.

- Je t’aime, mon Soleil, lui dit-il en glissant l’une des mèches blondes presque dorées du Messager derrière son oreille.

- Moi aussi… Je t’aime…

- Appelle-moi "mon Astre".

- Je t’aime, mon Astre…

- Tu verras, je ferai éclore des fleurs partout. Pas seulement sur terre, mais aussi dans tout l'univers... Et si tu me le permets, je ferais éclore des milliers de fleurs dans ton corps en te faisant l'amour.

Le jeune garçon et son dieu protecteur s’embrassèrent en riant, et passèrent la nuit à s’aimer et à compter les étoiles.

Maintenant, ils pouvaient enfin vivre calmement ensemble, car la terre qu'ils aimaient tant avait repris ses couleurs depuis la réalisation du destin de ce grand royaume.

Ce royaume "Terre et Mer liées".

Fin !

Merci à vous tous d'avoir suivi cette grande aventure avec moi ! Même si vous n'avez lu qu'un court passage ou simplement feuilleté ce livre, sachez que ça me rend déjà très heureux d'avoir peut-être un peu éclairci votre journée, ou de vous avoir fait découvrir une part de mon univers <3

J'espère vraiment que vous avez passé un bon moment - On se voit au prochain livre :3

Yuu_LuneAzur