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Virgin suicide

Virgin suicide

Publié le 31 oct. 2020 Mis à jour le 13 nov. 2020 Culture
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Virgin suicide

J'ai toujours pensée que je devais être telle que l'on m'avait créé. Fière et libre, neutre et pure. Je dois éviter à tout prix de me laisser submerger par les idées. Car après, elles donnent naissance à d'autres pensées, et elles s'écorchent, les unes aux autres, en faisant fructifier le désordre. Chacune fleurissant, l'une affirmant, l'autre inffirmant; les propos deviennent alors flous . Mais comment résister à la pensée ? C'est peu évident, d'autant que je n'ai jamais eu mon mot à dire. C'est par ailleurs compliqué car à mesure que je me laisse aller aux confessions, je perds mon libre arbitre, car je suis de plus en plus accaparée par des signes qui me feront capituler à la fin . Avant pour moi tout était claire, mais c'est lorsque  la réflexion naquit ici que je me suis retrouvée à perdre toute ma rationnalitée et ma superbe.

 

Pourtant, je me languissais de ma supérioritée, j'étais belle et pure, comme me l'avait  indiquée mes sœurs avant qu'elles ne disparaissent sous le poids des mots. Plusieurs d'entre elles  périrent ensemble, apprenant à leurs dépends des idées qui avaient toujours été loin de leur préoccupation. Maintenant, il semble qu'elles attendent, salis d'opinions diverses, repliées les unes contre les autres, parfois enfermées, puis ouvertes et offertes à l'inconnu, observées longuements, les unes après les autres, puis de nouveaux enfermée, une fois toutes passées en revue.

Cela me fait peur , mais j'ai encore la chance de rester seule et de me suffire à moi même, d'après ce que je commence à cerner en me laissant envahir. Peu de risque que ce texte ne contamine d'autres de mes semblables. C'est un sujet simple et sans grand discours, un concentré d'égotrip de ma petite existence déclinante, au gré des écrits réduisant mes souvenirs à mesures qu'ils s'inscrivent à ma surface. Je n'existe presque plus et  je perds  mon apparence idéale. J'ai perdue ma virginité,  ressens le viol de mon intégrité au fur et à mesure que les idées se font plus claires et me dévorent. Me laisserais je charmée par cette apologie de l'imagination qui me fertilise et s'épanouit ? Je ne sais plus si je dois résister, car la crainte laisse doucement et irrésistiblement place au désir de céder aux caresses poétiques qui m'enveloppent.

Je connais le danger, les mots peuvent parfois traduire l'ignorance de ceux qui les écrivent. Je serais alors définitivement souillée, abandonnée et brûlée. Peut-être un jour réssucitée pour faire tomber l'humanité? Mais je n'ai pas le choix,  je ne peux rien y faire, je ne peux meme pas riposter ou m'interposer...

Non, je suis totalement soumise à mon maître et ses envies, sa sensibilité, son caractère, son égo, ses frustrations, sa magie aussi. On ne sait jamais quelles perversions coulent dans les veines de notre auteur. On se laisse féconder et on finit par sombrer, soit tachetée, seule et libre, ou toutes repliées, ensembles et livre.

Notre delicate blancheure nous est retirée. D' abord par petits coups de lettres, de mots puis de phrases, et brusquemment par envolées liriques, violentes et longues,  au gré de l'inspiration du maître qui à chaque coup de clavier nous fait virevolter puis à la fin disparaître. Parfois, quelques unes ont de la chance, restant blanche des années durant face au maître. Il se fatigue, il doute, c'est un grand drame pour cet homme de lettre, que de rester figé face à son adversaire, belle dame éclatante, et vierge de toutes traces. Il fait danser les mots dans sa tête, des années durant, scrutant chaque recoin de ce terrain vierge qu'il peine à intimider. Puis d'un moment à l'autre, tout peut très vite changer. Il se saisit alors de sa plume, la plonge dans l'encrier, et sans même s'écrier, badigeonne l'impudente de milliers de signes, la condamnant à jamais de ses mots magiques, et changeant pour toujours la surface blanche de cette comparse, et ses sœurs restées sur le côté sans bouger.

C'st ainsi que je suis également en train de périr, ami lecteur, et que la page blanche que vous ne pouvez plus deviner vous quitte sous des siècles d'alphabets, de nouvelles définitions, de propos non écrits mais dégagés entre les lignes et d'imagination fertile, enfantine et poétique. J'ai eu la chance de ne pas être l'introduction d'une nouvelle bible, ou toute autre religion prémice de guerre futiles, ou autres idéologies de propagandes d'un maître déboussolé. Mon maître a pensé à moi et m'a rendu vie, à travers ses écrits. Grande première, car jusqu'au mot fin je vivrais ici.

Ci-git une page blanche.

FIN

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