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Le fauteuil rouge extrait numéro 5  scènes 15 à 17

Le fauteuil rouge extrait numéro 5  scènes 15 à 17

Publié le 31 mars 2024 Mis à jour le 31 mars 2024 Aventure
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Le fauteuil rouge extrait numéro 5  scènes 15 à 17

Scène 15

Debbie haussa les épaules. Malgré une solide réputation de cavaleur, Stef n’avait jamais dépassé avec elle le stade de l’allusion lourdingue et du bisou dans le cou. La seule fois où elle l’avait invité chez elle avec quelques collègues pour fêter son arrivée au journal, il avait eu des velléités de s’attarder pour prendre le dernier verre. Ils n’en avaient jamais reparlé. Elle repensa avec agacement aux grands discours sur l’image du père dont l’abreuvaient ses copines. Dans ce domaine, elle avait donné lors d’une aventure foireuse avec un quinquagénaire en pleine crise du divorce et fasciné par la perspective de coucher avec une journaliste. C’était une affaire réglée ! Oui, réglée ! 

Il lui restait maintenant à occuper sa soirée. Elle traînait la jambe vers la bouche de métro lorsque la sonnerie du portable l’arracha à un début de cafard. Le nom de Mariana s’afficha.

— Ravie de t’entendre, ma bibiche ! J’ai envie de m’affaler devant une tasse fumante aux arômes exotiques. Tu viendrais me tenir compagnie au Régina ?

Debbie s’arrêta devant un panneau publicitaire et interrogea du regard le top-model qui vantait les mérites d’un fournisseur d’accès Internet. 

— C’est une excellente idée. Justement je n’étais pas pressée de rentrer chez moi. — Ça ne te fait pas trop loin j’espère ?

« Douze stations et deux correspondances et après, il faudra revenir ! »

— Pas du tout, c’est sur ma route !

— Tant mieux, à tout de suite !

             Elle avait fait sa connaissance l’année précédente au vernissage d’un peintre minimaliste injustement méconnu. Mariana soldait à l’époque un deuxième mariage et l’avait élue pour confidente avant même de savoir son prénom. Elle trouvait chez Debbie une écoute discrète et toujours disponible, et cette dernière appréciait son exceptionnel talent pour détruire la morosité. Elle ne mangeait jamais le soir, ce qui convenait parfaitement à Debbie, adepte de la soupe tisane et du plateau télé. Elle profita du trajet pour regarder les photos de Mezz Wasp, mal cadrées, trop contrastées ou trop bien léchées dans les lumières parfaites des studios.

Elle ne parvint pas à se faire une opinion claire sur ce visage blafard perché en haut d’un corps désarticulé.                                                                                                                Scène 16

Lorsqu’elle entra dans le café, Mariana était déjà installée. Elle arrivait toujours la première à leurs rendez-vous malgré un agenda surchargé qu’elle feuilletait sans cesse.  Debbie ne la rencontrait que dans des cafés branchés ou des soirées cocktails. Elle ne savait même pas où elle habitait. 

             « Le soir quand je me couche, je me demande toujours comment j’ai pu caser trois journées en une. Attachée parlementaire, c’est pas une vie ! Si je n’arrivais pas à libérer des moments pour les copines, ce serait trop triste ! »

 

Elle se leva et tomba dans ses bras en lâchant sa phrase favorite.

— Je ne sais plus où j’en suis, ma Bibiche !  Debbie reconnut son parfum d’orchidées sauvages. Mariana embraya aussitôt sur ses amours compliquées, une réception au quai d’Orsay où elle s’était fait ch… et le critique littéraire d’un hebdomadaire à grand tirage qui avait eu le malheur de ne pas apprécier son dernier livre. 

— Ce petit connard n’a rien compris. Heureusement, je n’ai pas besoin de lui pour assurer de bons tirages. Tu as commencé à le lire ? Parfait ! Tu me donneras ton avis quand tu l’auras fini ? Parle-moi un peu de toi, comment vas-tu ? Tu as l’air contrariée.

Grossièreté assumée, mondanités, quelques éclairs d’altruisme. C’était le charme de Mariana. Elle adorait les plaisanteries grasses, les histoires de camionneurs et les allusions ambigües qu’elle débitait dans les soirées de filles.

— Rien de bien important. J’ai dîné hier soir avec Josie et elle m’a pris la tête.

— Qu’est-ce qui s’est encore passé ? Tu sais que tu peux tout me dire. Josie est une très brave fille qui n’a pas un poil de méchanceté, ce n’est pas comme cette garce de … enfin, tu m’as compris. 

Debbie la regarda tandis qu’on disposait devant elles les théières et les petits gâteaux.

Après y avoir longuement réfléchi et consacré au problème quelques séances de morphing sur son ordinateur, elle était arrivée à une conclusion. Son amie, au physique et au mental, avait réussi une parfaite synthèse entre Annie Cordy et Fanny Ardant.

— Tu ne manges rien ? Cesse donc de faire des complexes sur ton physique ! Je sais ce que tu vas encore me dire. Pour la centième fois : Si tu voulais vraiment te mettre en valeur, les mecs te suivraient à la trace… Ne me dis pas que dans ton boulot, il n’y en a pas un seul qui te plaise… Tu es loin d’être moche, et franchement, bordel, si j’avais des tendances…

Elle s’interrompit et fit tourner sa cuillère dans sa tasse. Elle ne prenait jamais de sucre.

— Regarde-toi ! On dirait que tu fais des piges pour  Rustica. Je t’assure que si tu me laissais faire … 

             Debbie ferma les yeux, respira profondément et apprécia le confort du fauteuil. Un piano distillait en bruit de fond des standards sirupeux. Elle avala à petites gorgées son thé à la bergamote. C’était la boisson idéale pour rester calme quand on lui parlait de relooking. 

Elle en buvait chaque fois qu’elle retrouvait Mariana. Elle l’écoutait parler à travers son rideau mental. Debbie possédait cette faculté inestimable de s’abstraire des conversations emmerdantes tout en gardant en alerte un coin de cerveau, ce qui lui permettait de renouer instantanément le fil de la discussion. 

— … Moi, par contre, le nez, ce n’est pas terrible, terrible. On pourrait envisager une opération avec juste une anesthésie locale. Le professeur Lauzier dit que ce serait l’affaire d’un jour ou deux. Qu’en penses-tu ?

Elle se cambra pour présenter son meilleur profil, ce qui mit sa poitrine en évidence sous le regard à peine discret des autres consommateurs. Debbie écoutait en regardant l’agitation du boulevard Montparnasse. C’était le moment de revenir dans la conversation. 

— Je ne sais pas trop, peut-être que le problème n’est pas là ? Si tu te faisais une couleur tu ressemblerais moins à…

— Tu me l’as déjà dit cent fois ! Je ne l’aime pas beaucoup mais c’est une très bonne actrice … Nom de Dieu ! J’allais oublier ! Elle regarda son portable d’un air affolé.

— Je prends le TGV dans une heure avec mon député ! Retour dans deux jours ! On se téléphone et on déjeune ensemble ?

—  Deux jours ? Pas de problèmes !

Une bise rapide plus tard, Debbie se retrouva seule pour payer les consommations. 

 

Scène 17

Il faisait chaud. C’était une soirée à marcher sur la plage lorsque les vagues effacent les pas des promeneurs. La rue n’était plus qu’un décor vide et les pubs de l’agence de voyage lui parurent encore plus agressives. Au café du coin, les habitués s’incrustaient autour d’un match retransmis à la télé.   Dans les immeubles, les fenêtres ouvertes laissaient échapper des bribes de vie familiale. Mezz « Finger » Wasp, un des hommes les plus mystérieux de la planète jazz, avait fait irruption dans sa vie. Faute de mieux, elle passerait la soirée avec lui.

 Elle abandonna ses bottes dans l’entrée et arrosa la plante verte qui lui servait parfois de confidente. Les moments de déprime avaient sur elle un effet positif. Elle savait qu’elle allait dormir comme une brute. Le recueil de contes soufis abandonné par Josie attendait sur le canapé. Elle le prit et se laissa tomber sur son lit. 

             « … La Mort s’approcha de l’homme assis.

—  Tu n’as pas peur de moi ? 

— Pourquoi aurais-je peur ? Si tu es venue pour moi, aucune puissance au monde ne peut m’accorder un jour supplémentaire. Et si tu n’es pas venue pour moi, je n’ai aucune raison de te craindre.

La mort répondit d’une voix grave.

— Tu es un homme sage, Hassan… Ton ami Souleyman avait l’air bien pressé ?

— En te voyant arriver, il a préféré quitter la ville. Je ne sais pas où il est parti…

— Il va se réfugier Bagdad où j’irai le chercher dans deux jours ! » 

Elle soupira et se laissa tomber sur l’oreiller… L’image du vieux musicien la hantait.

La lettre était partie. Avait-elle trouvé le bon argument pour qu'il accepte de la recevoir ? Pour avoir une chance de le comprendre, il fallait qu’elle s’imprègne de sa musique, qu’elle trouve des enregistrements peu connus, même piratés… Il fallait…

Demain, elle irait voir Josie

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