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La machine qui pense - 2/3

La machine qui pense - 2/3

Published Jul 17, 2025 Updated Jul 17, 2025 Science fiction
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La machine qui pense - 2/3



Lorsqu’il ouvrit les yeux à nouveau, la porte

était déjà derrière lui et, loin devant, s’étendait un

désert aride à perte de vue.

La lumière chaleureuse et étincelante

l’éblouissait. « C’est quoi, ça ? » se demanda

l’EMEPEM en regardant l’Astre, haut et fier dans

le ciel, qui rayonnait de mille feux. Après huit

années d’existence, c’était la découverte du Soleil,

puis du sable chaud sous ses pieds. Il marchait de

plus en plus vite dans le désert, fasciné par ses

nouvelles sensations. Cependant, si son bras droit

le démangeait auparavant, il lui provoquait

désormais une douleur atroce depuis qu’il avait

passé la porte.

L’Usine n’avait pas l’intention de laisser

s’échapper ses EMEPEM, on leur avait donc

implanté une puce sous-cutanée, quelques

millimètres sous l’épiderme du bras droit. Cet

appareil provoquait une douleur lancinante si son

porteur quittait l’Usine. Produites en énorme

quantité, ces puces étaient toutefois simples à

briser. Sur la peau, on leur avait tatoué leur

matricule.




Depuis quelques minutes, l’EMEPEM

s’écartait des bâtiments de production. Son bras le

faisait souffrir mais la découverte de ce nouveau

décor était plus forte que tout ! Soudain, un bruit de

moteur le fit se retourner : un énorme camion de

livraison passait à proximité de lui, sans même le

remarquer. L’EMEPEM se mit à courir vers le

véhicule géant, qui se trouvait ralenti en traversant

une dune. En se glissant entre deux caisses, il put

s’asseoir et se reposer enfin. Dans son sommeil,

pour la première fois de sa vie, il fit un rêve.

Après une longue route, dans le désert du

Factorystan, le camion arriva enfin au port.

Réveillé par les tremblements du véhicule qui

arrivait sur le quai, le jeune passager clandestin se

réveilla alors. L’EMEPEM n’avait pas dormi plus

de six heures d’affilée depuis bien longtemps. À

son réveil, il fut paniqué en constatant qu’il était

hors de l’Usine puis, peu à peu, se rappela des

découvertes de la veille, totalement révolution-

naires pour lui. La panique laissa place à la

fascination : en descendant du camion, l’EMEPEM

découvrit l’immensité de l’océan. L’air frais et

humide de l’aube sur le littoral le détendait, au point

qu’il en oubliait son bras droit, toujours plus

douloureux. Cet EMEPEM avait une résistance à la

douleur presque… anormale.


Tout-à-coup, un bruit de portière le tira de son

émerveillement. Tandis que le conducteur du

camion avertissait un autre homme à la commande

d’une grue, l’EMEPEM se précipita entre les

caisses de multraphones. Cette fois, avec le

transport de la marchandise par la grue, rester assis

entre deux caisses ne suffirait pas. En observant ces

boites si volumineuses, l’EMEPEM repéra une

fente – la même que celle de la porte de l’Usine. Il

se saisit alors de sa carte passepartout et ouvrit une

caisse de la même façon qu’avec la porte. Après

avoir vidé la caisse de tous ses multraphones, le

passager clandestin se glissa vite à l’intérieur, enfin

caché et en sécurité. Pour le moment, en tout cas.

Un peu plus tard, la grue soulevait toute la

cargaison et la reposait à la suite des autres, sur le

bateau titanesque, prêt à partir. Dans les

grincements incessants des structures métalliques,

l’EMEPEM comprenait qu’il était définitivement

trop tard pour faire demi-tour.

En retirant rapidement le couvercle, il put

apercevoir le conducteur du camion qui trainait

autour de son véhicule sur le quai. Celui-ci buvait

une canette de MultraCola et regardait autour de lui.

Pendant une fraction de seconde, leurs yeux se

croisèrent. Très vite, l’EMEPEM referma le

couvercle de la caisse… mais c’était trop tard : le

conducteur factorystanais l’avait vu ! Autour de

son camion, l’homme s’agitait et hurlait dans tous

les sens. Il cherchait à alerter le bateau.

La peur s’emparait du petit clandestin, déjà en

train d’imaginer le pire… Le retour sur le sol du

Factorystan. Le retour à l’Usine. Le retour à

l’emprisonnement. Maintenant que l’EMEPEM

avait découvert l’extérieur, il ne voulait plus jamais

se retrouver enfermé là-bas. Plus jamais.

Chargé à ras bord et pressé par le temps,

l’immense bateau s’éloignait déjà dans un vacarme

assourdissant. À bout de force, le conducteur

abandonna tous ses efforts. L’EMEPEM était

secoué par le départ du bateau bravant les vagues,

mais en sécurité pour le moment. Seul inconvénient

du trajet : sa douleur intense au bras droit. Cette

fois-ci, il en souffrait trop pour la supporter.

Un souvenir lui parvint tout-à-coup : l’un des

dirigeants de l’Usine leur avait brièvement parlé

des performances des multraphones. On leur avait

expliqué que les habitants de Multrapolis ne

pouvaient pas faire de décisions sans consulter cet

appareil : en cas de blessure, de faim, de soif,

d’ennui, de tout besoin… Les Multrapolitains

devaient activer l’indispensable reconnaissance

vocale, assistée de l’intelligence artificielle

« MultraData », capable de reconnaitre toutes les

langues et toutes les consignes. Pour cela, il fallait

prononcer quelques mots précis. Une sorte de

formule magique.

« Comment on dit, déjà ? se demanda

l’EMEPEM. Ah oui, c’est vrai ! ‘‘Wesh wesh

multraphone !’’ »

Instantanément, les millions de multraphones

s’activèrent en même temps, ce qui fit vibrer le

bateau tout entier ! La quantité d’ondes émises par

ces millions d’émetteurs suffit largement à brouiller

la puce sous-cutanée. L’EMEPEM entendit alors

un long « biiip » de son bras droit et l’insupportable

douleur disparut définitivement. Il ne comprenait

pas bien ce qu’il s’était passé mais tout ce qui

comptait pour lui, c’était d’être débarrassé de son

mal.


Quelques minutes après le départ du bateau,

l’EMEPEM souleva prudemment le couvercle de la

caisse ; on ne pouvait même plus apercevoir le port.

Son regard se perdait alors au large, dans cette

interminable étendue d’eau. Il admirait le ciel bleu,

taché de nuages blancs qui semblaient prendre feu

en passant devant le Soleil. Ce paysage marin lui

offrait une nouvelle découverte, dont la beauté était

indescriptible. En suivant des yeux les silhouettes

survolant l’océan et en écoutant leurs cris,

l’EMEPEM pensait :

« Alors ça doit être ça, les ‘‘oiseaux’’ ? J’les

imaginais plus grands et plus rapides. Mais, ils sont

très beaux quand même. Et ils font des bruits

marrants ! »

Au fur et à mesure, son regard suivait les

vagues, où des poissons sautaient parmi les sacs

plastiques. Il pensait que les innombrables déchets

étaient des animaux multicolores, puisqu’ils

peuplaient la surface de l’eau. En observant des

dauphins, l’EMEPEM était sous le choc. Jamais il

n’aurait imaginé voir et entendre des animaux pour

de vrai, quand il était cloitré dans l’Usine.

« J’ai bien fait d’essayer de partir, en fait. Même

si c’était risqué, ouais, j’ai bien fait d’essayer… »

Conforté par l’idée qu’il s’était évadé sans être

vu, il était enfin détendu. Cette satisfaction lui

permettait d’oublier que le conducteur du camion

l’avait repéré et qu’il allait probablement le

dénoncer.



Depuis son immense bureau luxueux, le

directeur de l’Usine allait commencer à travailler,

après sa longue sieste quotidienne. Soudain, l'un de

ses multraphones professionnels se mit à sonner

bruyamment. Après une grande inspiration, le

directeur relâcha sa colère en lançant son appareil

par la fenêtre. Le multraphone atterrit alors sur le

sol aride du désert, avec les nombreux autres

appareils jetés. Après quelques instants, un autre

multraphone sonna et, cette fois, le directeur décida

de décrocher avec une voix agacée :

« Que voulez-vous, à la fin ? Je suis occupé.

- Désolé de vous déranger Monsieur le directeur

mais il y a un problème ! Près du port, j’ai aperçu

un EMEPEM hors de l’Usine !

Aucune réaction.

- Cet EMEPEM a réussi à s’évader ! Et il

s’apprêtait même à quitter le Factorystan à bord

d’un bateau, caché dans une caisse !

- Si je résume, un EMEPEM s’est échappé et

vous vous permettez de m’appeler, n’est-ce pas ?

- Hum… oui. C’est bien ça.

- Rappelez-moi le nombre de têtes que nous

possédons dans l’Usine.

- À peu près 800 000 têtes, je crois… non ?

- Non : deux millions. Deux millions

d’EMEPEM ! rugit le directeur, avant de se mettre

à ricaner soudainement. Ha ha ha ! Vous croyez

sérieusement qu’une seule tête en moins me

coûterait de l’argent ?!

- « Rire gêné » Ha ha, non ! C’est vrai qu’avec

autant de monde, vous n’êtes pas à une tête près. Ha

ha ha ! »

La voix du directeur se fit glaçante.

« C’est vrai qu’avec autant de monde, je ne suis

pas à une tête près. Ne me dérangez plus

inutilement, désormais. Nous avons aussi un très

grand nombre de conducteurs comme vous,

repensez-y. »

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