La relation la plus douloureuse est celle qui nous fait le plus grandir
La relation la plus douloureuse est celle qui nous fait le plus grandir
Notre relation n’a pas été un long fleuve tranquille.
Elle a eu ses hauts, ses bas.
Elle a été coupée par des séparations plus ou moins longues.
Elle a été affectée par des souffrances plus ou moins profondes.
Malgré cela, elle est toujours-là notre relation, elle tient le coup.
Je la sens fragile et en même temps de plus en plus forte.
Je sens qu’elle se transforme et trouve son équilibre, un équilibre saint tant pour toi que pour moi.
Aujourd’hui, j’ai compris pourquoi j’ai eu besoin de vivre cette relation particulière avec toi.
Je vois tout ce qu’elle m’a apportée, toute sa richesse.
Pendant très longtemps, j’ai souffert mais, je ne savais pas pourquoi je souffrais, si ce n’est que je ne me sentais pas aimée. Je ne savais pas non plus comment guérir de ça.
Je me sentais impuissante à changer le déroulement de ma vie, impuissante face aux conflits et aux chaos intérieurs que généraient mes demandes insatiables d’attention, de respect, d’écoute, d’amour.
J’ai bien cherché à les faire taire le plus possible pour ne plus avoir mal, mais en faisant ça je me suis éloignée de moi-même et j’ai perdu le sens de vivre.
C’est un accident avec Gai Totophe en 2011 qui a fracassé la carapace dans laquelle je m’étais enfermée pour me protéger, qui m’a donnée la force ensuite de prendre un autre chemin, pas plus doux, pas plus facile, qui m’a demandé d’avoir du courage aussi.
Sur ce nouveau chemin, j’ai appris et continue à apprendre à m’aimer telle que je suis, à me respecter moi-même.
J’ai appris à remplacer les « concessions » par des « consentements ».
J’ai appris à identifier ce qui est juste pour moi et à l’exprimer.
J’ai appris à voir en face mes peurs de décevoir, de déranger l’autre, mes peurs d’être abandonnée, rejetée, trahie. Mon profond besoin de justice.
J’ai appris à parler ouvertement, parfois encore maladroitement, de ce que je ressens, de ce que je veux, de ce que je ne veux pas pour moi et les relations que je veux dans ma vie.
Ça m’a coûté de faire tous ces petits pas, ça n’a pas été facile, ça m’a demandé beaucoup de courage parce que lorsque l’on a passé 43 ans à blinder sa carapace pour ne plus ressentir la douleur, ce n’est pas facile de l’ouvrir, de regarder à l’intérieur, de faire la paix avec tout ça, de se pardonner, de pardonner aux autres.
Sur ce chemin, je suis retombée de nombreuses fois, j’ai aussi souffert, mais, j’ai profondément grandi.
Je suis fière de l’avoir pris ce nouveau chemin car j’y trouve la paix, la liberté d’être vraiment moi-même que j’ai toujours cherché.
Les animaux m’ont soutenue et m’ont aidée à faire tous ces petits pas qui menaient à la rencontre avec moi-même, à l’apaisement de toutes les facettes de moi-même, à l’acceptation, au pardon.
J’ai compris pourquoi j’avais tant cherché à être avec des animaux, pourquoi toute petite j’avais été attirée par les chevaux jusqu’à y passer tout le temps libre que j’avais.
J’ai compris qu’avec les chevaux je m’étais toujours sentie en sécurité, sentie aimée telle que j’étais, sentie soutenue à chaque instant de ma vie.
Ils ont été là, présents à mes côtés, dans les plus difficiles moments de ma vie.
Ils ont été mes piliers.
Grâce à eux, j’ai trouvé la force en moi de me relever lorsque je tombais.
Grâce à eux, j’ai trouvé la motivation de me battre pour me faire une place dans ce monde, réaliser ce qui était important pour moi.
Après 2011, ils m’ont donné la force de déposer les armes et d’apprendre à être vraiment moi-même sans tous les masques, les couches de protection dont je m’étais recouverte pour plaire aux autres et obtenir d’eux qu’ils m’aiment, qu’ils reconnaissent mes qualités, mes capacités, qu’ils me rassurent, qu’ils me protègent.
Les animaux m’ont appris à m’aimer dans tous mes défauts, toutes mes qualités, à avoir de la compassion pour moi-même, ils m’ont appris à me rassurer, à me protéger en posant des limites saines autour de moi et dans les différents domaines de ma vie.
Ils m’ont aussi appris ce qu’est une relation équilibrée. Ce type de relation qui permet d’éprouver en soi de la paix, de la sécurité, cette relation dans laquelle chacun peut s’épanouir librement en étant lui-même et en faisant ce qui répond à ses besoins profonds.
Ces 14 dernières années, j’ai tellement appris auprès d’eux, avec eux et de leur décès aussi.
J’ai cherché aussi beaucoup dans les livres, dans toutes les formations que j’ai faites à comprendre ce passé qui a été le mien, le nôtre, à l’apaiser, à faire la paix avec lui.
Mais surtout, ce que j’ai appris ces dernières années, c’est à voir les cadeaux cachés derrière ces expériences de vie, surtout les plus douloureuses.
J’ai vu que quand on souffre c’est que l’on voit plus d’inconvénients que d’avantage à vivre une situation.
J’ai vu que la vie est équilibrée et que s’il y a un inconvénient, il y a toujours aussi un avantage.
J’ai vu aussi que la vie a un plan de route pour chacun d’entre nous.
Elle nous guide pour que chacun de nous se reconnaisse, s’aime tel qu’il est, prenne conscience qu’il est une infime partie d’un ensemble plus vaste et plus grand que lui. Si infime soit-il, il contribue à ce grand tout et l’élève par sa propre lumière.
Ce chemin, il est exigeant, il nous demande du courage.
Personne ne peut le marcher à notre place, personne n’a la carte qui nous permet de ne pas nous perdre.
La carte, elle se dévoile un peu plus à chacun de nos pas.
Mais sur ce chemin on n’est jamais seul, on peut avoir du soutien si on le demande à des personnes qui ont fait le chemin avant nous.
Même si on ne le demande pas, on a le soutien des animaux, de la nature et surtout de la vie qui ne nous lâche pas la main du 1er au dernier jour de notre vie.
Dans ce cheminement j’ai vu les avantages à avoir vécu tous ces moments douloureux avec toi.
J’ai vu toute la souffrance que cela générait en moi et pour toi que je me taise, que je n‘ose pas dire ce qui était important pour moi.
J’ai vu que cela coupait notre relation au lieu de la développer.
J’ai vu que l’écoute, le respect, la justice sont importants pour moi.
J’ai vu que j’avais le choix de croire que tu étais le « problème » ou au contraire de croire que tu étais pour moi une opportunité de grandir que tu étais en train de contribuer à ma propre élévation.
En vivant ces situations, j’ai compris que je pouvais comprendre, écouter, accompagner ces mêmes situations vécues par les autres.
En ayant vécu ces situation et en ayant changé mon regard sur elles, en ayant progressivement changé ma réponse à ces situations, j’ai grandi, j’ai apaisé notre relation et j’ai vu que cela t’apaisait aussi.
Apprendre à sortir de ma coquille, à dire qui je suis et à nommer mes besoins m’a servi depuis dans toutes mes relations et dans la relation à moi-même.
J’ai appris à exprimer avec cadre, douceur et certitude.
Notre relation m’a permis d’aller revisiter des espaces en moi que j’avais fermé à double tour.
Elle m’a permis d’aller rouvrir ces espaces violés et violentés parce que j’ai compris que non, ce n’est pas normal et acceptable de vivre de la violence, d’être violée dans son intégrité.
C’est faux que « dans la vie, on ne fait pas toujours ce que l’on veut ». C’est une croyance qui nous anéantit de l’intérieur.
Notre relation m’a appris que je peux faire un autre choix que de croire à ça et de supporter la violence et les viols.
J’ai compris que j’avais le droit de dire « non ».
J’ai compris que j’avais de droit de me respecter moi-même en refusant ces comportements vis-à-vis de moi, en exprimant clairement mes limites.
J’ai compris que lorsque je dis « non » je me choisis. J’ai le droit de me choisir, ce n’est pas de l’égoïsme, c’est vital.
J’ai vu que si ce mécanisme de « rentrer dans ma coquille » m’a protégée à différents moments de ma vie, il a été essentiel pour moi que je le fasse évoluer et que j’apprenne à sortir de ma coquille.
Ce mécanisme m’a permis de me sécuriser mais j’ai vu qu’en étant dans ma coquille, je me coupais de la relation à toi, aux autres et à moi-même.
Cette sécurité-là ne me permettait pas de m’épanouir. Elle me permettait juste de survivre, en me coupant de mes émotions et de ce que je ressentais.
Aujourd’hui, je ne veux plus seulement survivre, je veux vivre et pour cela j’ai besoin de la relation avec les autres, avec toi et avec moi-même.
Aujourd’hui, je veux être en sécurité avec moi-même, en moi-même.
Aujourd’hui, j’ai reconnu et je sais que tu as contribué à ce cheminement, tu m’as élevée, notre relation m’a profondément nourrie.
C’est notre relation qui m’a permis de devenir celle que je suis aujourd’hui parce que c’est la relation qui a toujours été la plus importante à mon cœur et à mes yeux.
Aujourd’hui, je vois que si tu ne m’as pas élevée comme je l’aurai aimé dans l’amour, la tendresse, l’écoute, mais comme tu as pu avec tout l’héritage de ta propre histoire d’enfant, de femme.
Notre relation m’a profondément nourrie, a fait grandir une richesse que je porte en moi aujourd’hui.
La richesse d’être sensible, d’avoir reconnue ma sensibilité, de l’aimer et d’en prendre soin.
La richesse d’avoir une grande capacité d’écoute et d’observation.
La grande richesse d’être sensible à la vulnérabilité des autres et de moi-même.
La grande richesse de connaître le chemin qui permet de sortir de la violence que l’on s’inflige, qu’on inflige aux autres et que les autres nous infligent.
La grande richesse d’avoir construit ma sécurité intérieure.
La grande richesse d’incarner qui je suis en ayant fait la paix avec ce passé.
La grande richesse de pouvoir inspirer les autres par mon parcours, d’accompagner les autres grâce à ce parcours.
La richesse d’être en paix, sereine avec moi-même.
La richesse d’avoir révélé la lumière que je porte en moi, cette sagesse que je porte depuis toujours à l’intérieur de moi.
Tu le disais quand j’étais petite « Christine, elle est sage ».
Moi je l’avais compris dans le sens « elle est gentille. C’est pour ça que dans la première partie de ma vie, j’ai cherché à être la plus gentille possible en me taisant, en ne réagissant pas.
Depuis, j’ai compris que la sagesse ce n’est pas se taire, ce n’est pas nier ce qui vit en soi, c’est au contraire, révéler, honorer, apaiser et sécuriser ce qui vit en soi.
Si tu ne m’as pas nourrie d’un amour visible à mes yeux, tu m’as nourri de tout un amour invisible, que je ne voyais pas jusqu’alors, un amour qui élève bien plus haut que la simple tendresse. Un amour qui m’a permis de développer toutes les forces que j’ai en moi : le courage, la résilience, l’écoute, le partage, la compassion, la compréhension de la vulnérabilité de l’autre.
Si notre relation a été la plus douloureuse de ma vie parce que la plus longue aussi, elle est celle qui m’a le plus fait grandir, qui a fait que je suis celle que je suis aujourd’hui, qui fait que je fais le métier que j’ai choisi aujourd’hui, qui fait que je vais mener ce projet de lieu d’accueil avec les animaux de femmes et d’enfants victimes de violences.
Aujourd’hui, je peux te le dire vraiment avec mon cœur, pas pour faire plaisir, pas pour être gentille, mais avec toute ma reconnaissance et gratitude « Je t’aime maman », je suis fière d’être ta fille, je suis fière que tu sois ma mère.
https://www.uncoconpoursoi.com
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