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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 2 avril

JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 2 avril

Published Apr 2, 2020 Updated Sep 28, 2020 Culture
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JOURNAL DE L’ANNÉE DE LA PESTE – 2 avril

2 avril

J’ai un gros bon sens Ayant si souvent pensé au sort de Lazare jusqu’à m’être identifié à lui pendant quelques jours difficiles, ce qui me valut la crise presque de fo­lie dont je témoignais il y a peu, j’en gardais d’une cer­taine façon le meilleur : j’avais un point de vue bien diffé­rent d’avant l’époque de ma chute dans la fosse, j’étais moins anxieux, plus allégé, presque heureux, ou j’aurais été tout à fait heureux si ne m’avait accablé le pauvre comporte­ment de mes contemporains et leur absence de panache devant le sort : les médiocres vivent médiocre­ment.

Il me semblait, d’être passé par la mort, de l’avoir tra­versée, ne plus la craindre, n’avoir plus à m’en soucier. On en faisait toute une affaire à tort. Je comprenais l’appréhension des douleurs de l’agonie, je comprenais les mélancolies du deuil, je ne comprenais plus qu’on en ait la han­tise en elle-même. Elle était si peu de chose, finale­ment. La mort était surfaite.

Je m’en expliquais avec mon dernier ami survivant. Une sorte d’ami. Nous étions au téléphone, bien sûr, et dès les premiers mots sa voix me parut étouf­fée par un linge hu­mide. Il me deman­da pourquoi dans ces conditions, si je connais­sais un tel apaisement, j’étais sorti de ma tombe. J’eus un temps de retard plein de frissons avant de saisir à quoi il faisait al­lusion. Il m’avait vu remonter de la fosse. Et cela sans se montrer : j’en étais satisfait, j’y voyais moins la crainte que de la pudeur. J’aime la décence et le refus des émo­tions trop faciles, qui ne sont que fuite éperdue devant la pensée. Je déve­loppais du mieux que je pouvais ce sujet, quand il se mit à tousser effroyablement – d’un ébranle­ment de tout le corps cherchant à s’expectorer lui-même, en quelque sorte.

Je connaissais ce symptôme pour avoir regardé des agonies quand je faisais ma petite promenade hygiénique par les rues de la ville. À l’évidence, le mal l’avait atteint. Je me tus. Il n’y avait plus rien à dire. D’ailleurs, le télé­phone lâché claqua sur le sol. J’entendis le son lourd d’un corps qui s’écroule. Puis des sanglots lointains. Des petits jappements de souffrance qui s’amenuisèrent. Une respira­tion qui s’étouffe. Une confu­sion de sons que je ne pou­vais identifier. Comme des bruits d’ailes. Enfin, ce fut le si­lence.

Le silence de la fosse.

 

à suivre dans :

http://impeccablemichelcastanier.over-blog.com

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