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Une (Contre) Histoire du Café

Une (Contre) Histoire du Café

Publié le 13 mai 2020 Mis à jour le 13 mai 2020 Voyage
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Une (Contre) Histoire du Café

24 Nov 2016

La région du café, ou axe du café, est une région montagneuse située entre les cordillières occidentale et centrale des Andes, en dessous de Medellin, de laquelle provient la majorité du café produit en Colombie. Classée désormais au patrimoine mondial de l'Unesco, cette région produit le fameux café Arabica, de meilleure réputation que le Robusta du Brésil ou de l'Afrique, mais plus exigeant aussi dans sa culture. La Colombie est ainsi le 4ème pays producteur de café au monde, totalisant 10% du marché mondial.

S'est développé ces dernières années un tourisme du café dans les fincas, ces petites propriétés cultivant le café, où l'on vient visiter les plantations, découvrir les processus de culture et de récolte, et déguster une petite tasse de café locale. Le café est cultivé ici sur les pentes abruptes des montagnes, sans machines, exploité par de petits producteurs et récolté à la main avant d'être vendu sur le marché mondial. Il faut environ 4 ans à la plante pour commencer à être exploitable, et elle conserve sa rentabilité pendant environ 20 ans. De nombreux bananiers et autres plantes sont dispersés sur le terrain, permettant de capter l'eau lors des pluies et de la relarguer en période de sécheresse. La graine de café, arrivée à maturation, prend une couleur rouge, mais est très vite attaquée par des parasites, ce qui oblige à la récolter précocement. Du terme de la maturation de la graine récoltée dépend la qualité du café produit.  
 
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C'est peut être la bonne occasion pour poursuivre un peu avec l'Histoire de la Colombie et de l'Amérique latine. Nous en étions restés à Cartagène avec la découverte du continent américain par Colomb, l'épopée des conquistadors et l'afflux massif d'or et d'argent vers l'Europe, alimentant le commerce triangulaire et l'arrivée par millions d'esclaves africains sur le continent. Une immigration européenne concomitante importante se développe afin d'administrer et tirer les bénéfices de ce très lucratif continent. La vice royauté de Nouvelle Grenade, englobant Panama, Colombie, Venezuela, Guyane, Ouest du Brésil, Equateur et nord du Pérou jusqu'à Lima gouverne alors au nom de la couronne d'Espagne ce vaste territoire.
A la fin du 18ème siècle surviennent la déclaration d'indépendance des 13 colonies des États-Unis d'Amérique, puis la Révolution Française et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des Citoyens. Cela remue fortement les méninges dans la vice royauté qui veut se dégager de la tutelle espagnole, mise à mal par les guerres napoléoniennes. Chaque région déclare tour à tour son indépendance, et elles se réunissent sous le nom de Provinces-Unies de Nouvelle Grenade en 1811. A la chute de Napoléon, l'Espagne vient reconquérir les territoires perdus. Simon Bolivar, surnommé le Libertador, vénézuélien indépendantiste ayant perdu Caracas, se réfugie à Haïti, d'où il prépare la grande révolte. Il met en défaite les troupes espagnoles dans le nord-est de la Colombie, créé alors la république de grande Colombie en 1821 et poursuit la lutte contre les forces espagnoles au Venezuela, en Equateur et au Pérou.
Très vite, des dissensions appparaissent sur le mode de gouvernance, et le Venezuela et l'Equateur font secession. Bolivar démissionne, Fransisco Santander prend les rênes du pays selon un mode plus fédéraliste. A sa mort en 1840,  les rivalités internes entre libéraux et conservateurs s'accentuent et le pays entre en guerre civile, jusqu'en 1902. En 1903, le Panama fait lui aussi secession avec le soutien dès États Unis, pour qui le contrôle du canal est stratégiquement et économiquement capital, contre une très maigre compensation pour la Colombie. 
 
 Une (Contre) Histoire du Café
 
A la suite des indépendances surviennent sûrement les prémisses des affres du capitalisme mondialisé. Pour cela, je m'appuierai sur le très intéressant et très documenté livre d'Eduardo Galleano "les veines ouvertes de l'Amérique latine. Une contre-histoire". On y retrouve de grandes similitudes avec l'histoire post coloniale africaine. 
Au 19e siècle, la révolution industrielle explose en Europe et aux États Unis, et la demande de matières premières explose également.  L'Amérique latine retrouve son mythe d'El Dorado pour l'Occident. Elle devient la fertile terre pour développer des monocultures de masse destinées à l'exportation, et la riche terre aux sous sols très prometteurs en termes de minérais et énergies, si essentiels au développement industriel naissant. La canne à sucre, or blanc du nord-est du Brésil et des Caraïbes (Barbade, Jamaïque, Haïti, Rep Dominicaine, Cuba, Porto Rico) ; le caoutchouc dans l'Amazonie Brésilienne ; le cacao au Venezuela, Brésil, Equateur ; le coton au Brésil, Pérou, Mexique ; le café en Colombie, Brésil, Guatemala, Salvador ; les bananes et autres fruits au Honduras, Costa Rica, Guatemala et Pérou ; l'or, le cuivre, l'étain, le fer, le pétrole....
 
Déforestation de masse, épuisement des sols, expropriation des paysans au profit de grands propriétaires (les latifondi), suppression des cultures de subsistance au profit de l'exportation, obligeant à l'importation des aliments de base comme les haricots... A l'esclavage suit l'exploitation des populations locales, main d'œuvre bien meilleure marché que l'esclave, qu'on prend et qu'on jette selon ses besoins, à qui on fait dépenser tout son salaire de misère dans l'achat des aliments de base à l'unique boutique du coin, puis qu'on endette avec de l'alcool de mauvaise qualité dans les tripots pour mieux l'asservir. Les économies sont détournées vers la production unique d'une matière première, sans aucun développement local, qui fait les fortunes de quelques-uns, puis qui les défait selon les fluctuations en dent de scies des cours du marché mondial. A la fièvre euphorique d'un produit succède l'effondrement des châteaux de carte, et la mise sur le banc de dizaines de milliers de travailleurs abandonnés à leur sort. Comme dit Marty, penseur de la révolution cubaine, " le  pays qui achète commande, le pays qui vend est à son service. Le pays qui veut mourir vend à une seule nation, celui qui veut vivre vend à plusieurs. Et le peuple qui confie sa subsistance à un seul produit se suicide". L'exploitation de l'Homme par l'Homme, selon les termes de Marx, trouva ici son illustration la plus abjecte. 
 
La politique nord-américaine fait et défait les régimes en fonction des intérêts économiques de ses grandes multinationales. Les socialismes naissants tentant de mettre en place des réformes agraires pour redonner la terre aux paysans sont systématiquement renversés aux profits de dictateurs à la solde de l'économie nord-américaine. Seul Cuba et Castro parviennent à défier les États-Unis. Ce qui fait dire au commandant des marines Butler en 1935 : "J'ai passé 33 ans comme militaire dans la force la plus efficace de ce pays : l'infanterie de marine. J'ai franchi tous les échelons de la hiérarchie, de sous lieutenant à général de division. Et durant toute cette période, j'ai passé la plupart du temps comme sicaire de première classe pour le haut négoce, pour Wall Street et les banquiers. En un mot, je suis un tueur à gages au service du capitalisme." 
Peut être Maxime et Laetitia au Guatemala, Baba et Xavier au Costa Rica, Lia pour la Rep. Dominicaine, le fier Argentin Alvaro, mon ami Brésilien Vitor ou mes sympathiques amis Colombiens peuvent ils nous laisser en commentaire ce qu'ils savent de l'Histoire de leurs pays à ce sujet ?
 
Pour la Colombie, l'Histoire est un peu particulière. A la différence du Brésil, le café est essentiellement cultivé dans des petites exploitations, les minifondis, surface d'à peine un hectare, voire moins. Le morcellement de la terre favorise les manœuvres de la Fédération nationale des planteurs de café et des grandes compagnies de négoce nord-américaines. Le café est acheté toujours moins cher aux producteurs et vendu toujours plus cher sur le marché étasunien. Certains estimaient que le marché mondial du café en 1950 était alors aussi important que celui du pétrole. Sa cote, elle fluctua énormément, provoquant spéculation et crises majeures. La grogne monta de plus en plus dans les campagnes. 
En 1948, après l'assassinat du très populaire Gaitan, le pays entre à nouveau dans une décennie de violence extrême. La crainte du socialisme et d'une poussée communiste suite à la révolution cubaine amène des régime dictatoriaux répressifs visant à étouffer la grogne paysanne, ce qui provoque la formation de guérillas communistes tels que l'ELN, EPL, M19 et les fameux FARCS. A l'heure actuelle, seuls l'EPL et les FARCS sont encore actifs. 
Des milices d'extrême droite parallèlement se forment, soutenues par le gouvernement pour lutter contre les révolutionnaires, qui se mettent à trafiquer massivement la cocaine et sèment la terreur dans les campagnes. Un exode massif (3à 7 millions de personnes) vers les villes à lieu, où la population cherche à trouver refuge. De 30% en 1930, elle est passée à 75% en 2010. C'est l'avènement des grands barons de la drogue, dont le fameux Pablo Escobar dans les années 80-90.
 
 
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La présidence répressive d'Uribe, de 2002 à 2010, organise une lutte acharnée contre les FARCS et parvient à des accords (douteux) avec les milices d'extrême droite, permettant de leur faire déposer les armes. Elle a néanmoins permis de grandement sécuriser le pays et de redonner confiance aux investisseurs et aux touristes. Son successeur, Santos, cherche à négocier la trêve depuis 2012 avec les FARCS, très affaiblis depuis Uribe. Un accord de paix a été trouvé il y a quelques mois, mais faisant la part trop belle aux combattants en les amnistiant totalement et en leur offrant des postes importants, ce référendum a été rejeté par la population. Les négociations se poursuivent. Le pays n'a pas encore mis fin officiellement à la guerre civile la plus longue de l'histoire moderne, qui date de 52 ans. Et l'Histoire du libéralisme mondial à deux échelles se poursuit. 

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Crédits photographiques Jean-Marc Sire

Jean-Marc Sire
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