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Interview Louis Lefevre - Fondateur de LTDLN 🎈

Interview Louis Lefevre - Fondateur de LTDLN 🎈

Publié le 5 sept. 2025 Mis à jour le 5 sept. 2025 Entrepreneuriat et start-up
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Interview Louis Lefevre - Fondateur de LTDLN 🎈

Louis Lefevre est le fondateur et CEO de l'entreprise La TĂȘte Dans Les Nuages [LTDLN] spĂ©cialisĂ©e dans le rĂ©emploi de matĂ©riaux usagĂ©s comme les toiles de montgolfiĂšres. J'ai eu l'occasion de l'interviewer lors d'un stage ouvrier au sein de son atelier de production en juillet 2023.

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Interview Louis Lefevre - Juillet 2023

D’oĂč vous est venue l’idĂ©e de fabriquer des poufs avec des matĂ©riaux entiĂšrement issus du rĂ©emploi ?

J’ai toujours cru en la philosophie de la seconde chance pour les matĂ©riaux destinĂ©s Ă  ĂȘtre jetĂ©s.


Ma formation d’ingĂ©nieur Ă  l’ISA Lille Ă©tait tournĂ©e vers ces enjeux de rĂ©emploi et d’économie circulaire. Ensuite, j’ai rĂ©alisĂ© mon stage de fin d’études dans une entreprise luttant contre le gaspillage alimentaire, PhĂ©nix. J’étais alors ingĂ©nieur stagiaire en gestion des dĂ©chets et je me suis aperçu que 90% des emballages polystyrĂšne de la grande distribution n’étaient pas recyclĂ©s.


Puis, en m’inspirant de concepts qui se rapprochent du nĂŽtre aujourd’hui comme 727 Sailbags ou Vausselia ; des entreprises bretonnes spĂ©cialisĂ©es dans le rĂ©emploi de voiles de bateaux ; j’ai pensĂ© Ă  d’autres matĂ©riaux qui mĂ©riteraient une seconde vie.

Les toiles de montgolfiĂšres, par exemple, finissent par ĂȘtre jetĂ©es au bout 650 heures de vol. De mĂȘme les bĂąches publicitaires Ă©phĂ©mĂšres finissent par ĂȘtre incinĂ©rĂ©es. Pour upcycler tous ces matĂ©riaux, l’idĂ©e du pouf s’est alors imposĂ©e.

Comment ĂȘtes-vous parvenu concrĂštement Ă  entreprendre pour fonder La TĂȘte Dans Les Nuages et donner vie Ă  votre idĂ©e ?

L’entreprenariat n’était pas dans mes plans au dĂ©part.


Durant mon stage chez PhĂ©nix, j’avais pour mission de trouver des solutions pour recycler des caisses de poisson en polystyrĂšne. J’ai proposĂ© de les broyer afin de remplir des poufs pour une marque qui existait dĂ©jĂ . PhĂ©nix m’a soutenu dans cette dĂ©marche. Seulement, nous n’arrivions pas Ă  retirer l’odeur de poisson qui Ă©manait des billes de polystyrĂšne. J’ai passĂ© l’essentiel de mon stage Ă  essayer de trouver des solutions techniques pour rĂ©soudre ce problĂšme. Mais l’odeur retirĂ©e Ă  la surface du matĂ©riau finissait toujours par revenir Ă  cause des milliers de micro billes d’air qui composent le polystyrĂšne.


De ce fait, le projet n’intĂ©ressait plus mon ancienne entreprise PhĂ©nix. J’ai donc continuĂ© seul, dans la ferme de mes parents, en commençant par collecter les emballages polystyrĂšne du Conforama de CompiĂšgne. AprĂšs avoir rĂ©cupĂ©rĂ© des toiles de montgolfiĂšre usagĂ©es, j’ai commencĂ© Ă  tester les produits et l’aventure Ă©tait lancĂ©e !


Aux dĂ©buts de La TĂȘte Dans Les Nuages, quels obstacles avez-vous dĂ» surmonter pour pĂ©renniser l’entreprise et entrer sur un marchĂ© dont vous ne connaissiez pas toutes les caractĂ©ristiques ?

Aux tout dĂ©buts le plus dĂ©licat a Ă©tĂ© de dĂ©cider Ă  quel moment le produit Ă©tait prĂȘt Ă  ĂȘtre lancĂ©. Il est toujours difficile de savoir si le produit qu’on dĂ©veloppe va ĂȘtre assez solide et rĂ©pondre aux attentes des clients. Donc je dirais qu’il s’agissait essentiellement de difficultĂ©s techniques au dĂ©part. Par exemple, pour la housse des poufs, je me suis rendu compte que la toile de montgolfiĂšre Ă©tait trop fine et se perçait trop facilement. J’ai donc dĂ» trouver et rajouter d’autres matĂ©riaux comme des bĂąches publicitaires ou des toiles de barnum usagĂ©es.


Et pour pĂ©renniser l’activitĂ©, le plus difficile Ă©tait d’organiser la production avec des matiĂšres issues du rĂ©emploi. L’enjeu Ă©tait de trouver des partenaires qui puissent fournir ces matiĂšres rĂ©guliĂšrement et de mĂȘme nature. Cette difficultĂ© a perdurĂ© dans le temps et aujourd’hui on commence enfin Ă  avoir des partenariats solides et durables.


Vous commencez à avoir quelques années de recul sur la création de votre entreprise. En se basant sur votre expérience, avez-vous des conseils pour ceux qui voudraient entreprendre comme vous ?

Le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de se lancer ! Il ne faut pas hĂ©siter Ă  mettre en application ses idĂ©es le plus vite possible pour pouvoir les tester. Cela permet de voir ce qui fonctionne et qui reste Ă  amĂ©liorer.


Ça m’a beaucoup aidĂ© de faire tester mes produits Ă  un maximum de personnes en organisant des prĂ©ventes. Il ne faut pas forcĂ©ment faire attention Ă  tous les dĂ©tails au dĂ©but. L’important c’est de ne pas perdre de temps et de confirmer ou d’infirmer rapidement les hypothĂšses qu’on a sur les produits. MĂȘme avec un prototype pas entiĂšrement finalisĂ© ; avoir des retours aide Ă  savoir quelle direction prendre.


C’est aussi dans cette phase de test qu’on fait dĂ©couvrir son idĂ©e. Et le conseil que j’aurais lĂ -dessus, c’est de ne pas avoir peur de s’associer avec des gens qui aiment le concept. Je n’aurais jamais persĂ©vĂ©rĂ© dans le projet si j’étais restĂ© seul sans partager mes essais sur les poufs. Depuis que l’atelier est installĂ©, on est toute une Ă©quipe avec plein de compĂ©tences complĂ©mentaires ce qui permet de donner un Ă©lan pour continuer le projet.


Justement, pourquoi avoir installĂ© votre atelier sur L’Île-Saint-Denis ? Y a-t-il des raisons particuliĂšres liĂ©es Ă  la production ou bien Ă  la distribution de vos produits ?

Oui tout Ă  fait. Notre atelier de production est situĂ© Ă  200 mĂštres de l’atelier d’insertion Mode estime. Au dĂ©part Mode Estime s’occupait de toute la couture de nos produits. C’était important pour nous de travailler avec des chantiers d’insertion parce qu’on donnait ainsi une seconde chance Ă  des personnes exclues de l’univers professionnel. Et ça faisant sens avec le concept de la sociĂ©tĂ© que j’ai créé qui est de donner une seconde vie Ă  des matĂ©riaux dĂ©jĂ  utilisĂ©s et destinĂ©s Ă  l’incinĂ©ration. Aujourd’hui on a 2 couturiers dans notre atelier mais on continue de faire appel Ă  Mode Estime en fonction de notre volume d’activitĂ©.



Cela fait maintenant plusieurs annĂ©es que vous avez installĂ© votre atelier et vous dirigez toujours La TĂȘte Dans Les Nuages. Quelles sont vos tĂąches quotidiennes en tant que chef d’entreprise ?

Dans mon travail, au quotidien, je passe beaucoup plus de temps sur la gestion d’équipe et la communication qu’auparavant. Il y a 7 ans j’étais plus tournĂ© sur l’aspect production, je faisais un peu tout moi-mĂȘme. DĂ©sormais, avec l’équipe qui s’agrandit, j’essaie de rĂ©partir les compĂ©tences au mieux pour faciliter la production et la vente de nos produits. Je m’occupe de toute la partie recrutement. Je dois aussi chercher des partenaires pour nous fournir des matĂ©riaux issus du rĂ©emploi. Et je continue Ă  imaginer de nouveaux produits qu’on pourrait fabriquer Ă  partir de ces matiĂšres lĂ  avec les ingĂ©nieurs en innovation-conception. Enfin, je prends Ă©galement du temps pour tenir des stands dans divers festivals et faire la promotion de nos produits.


Arrivez-vous Ă  tenir les conditions Ă©co-responsables fixĂ©es au dĂ©part tout en associant le dĂ©veloppement Ă©conomique de l’entreprise ?

Oui, c’est deux objectifs constituent l’essence de notre activitĂ©. On n’imagine pas demain fabriquer des poufs avec des matĂ©riaux non surcyclĂ©s. Ça n’aurait pas de sens par rapport aux engagements de la marque Ă  sa crĂ©ation.

L’enjeu pour nous est de se faire une place sur un marchĂ© oĂč les produits ne sont majoritairement pas fabriquĂ©s selon la logique du rĂ©emploi. Et oui, aujourd’hui, en tenant nos conditions de base, on arrive Ă  prendre des parts de marchĂ© sur des concurrents comme Fatboy par exemple.

Nous produisons actuellement 5-6 poufs par jour en moyenne contre 250 en moyenne pour Fatboy sur l’annĂ©e. Mais nous avons tous les gisements de matiĂšres issues du rĂ©emploi pour augmenter notre production.


Comment pourriez-vous aller encore plus loin dans la gestion des dĂ©chets Ă  l’atelier ? Avez-vous envisagĂ© des solutions pour revaloriser les dĂ©chets que vous produisez comme par exemple les chutes de toiles de montgolfiĂšre ?

Il est vrai que nous sommes encore loin d’ĂȘtre irrĂ©prochables sur la gestion des dĂ©chets mĂȘme si c’est une de nos prioritĂ©s. Avant nous jetions toutes les chutes de toiles de montgolfiĂšre. Maintenant, on arrive Ă  les valoriser en partie grĂące au dĂ©veloppement de notre nouveau produit : les bobs. Pour les chutes de draps de palace, c’est une question d’organisation, mais on a des pistes pour les envoyer en filiĂšre de recyclage. On aura toujours une marge de progression pour valoriser entiĂšrement les matĂ©riaux qu’on rĂ©cupĂšre. Notre objectif est de la rĂ©duire au maximum.




Pour conclure cette interview, selon vous, Ă  quoi ressemblera La TĂȘte Dans Les Nuages dans 10 ans ?

On a une feuille de route sur 10 ans. Et mĂȘme sur 20 ans !


L’objectif premier est d’arriver Ă  prendre au moins 20 / 30 % de parts de marchĂ© sur le marchĂ© français du pouf gĂ©ant. Pour ça on projette de s’agrandir en rachetant l’atelier qui jouxte le nĂŽtre. Je sais aussi qu’il va nous falloir automatiser la production pour atteindre cet objectif. Pour l’instant quasiment tout est fait main mais on teste actuellement la dĂ©coupe laser pour les bobs. A l’avenir on aimerait s’en servir pour toutes les dĂ©coupes nĂ©cessaires Ă  la fabrication de nos produits.


Nous avons Ă©galement pour projet de dĂ©velopper toute une gamme de mobilier pour la maison dans le textile notamment. AprĂšs les poufs, les bobs et les voiles d’ombrage on peut imaginer de nombreux autres produits avec les matĂ©riaux dont on dispose. Ça peut ĂȘtre des rideaux, des sacs de linge et aussi des canapĂ©s bientĂŽt grĂące Ă  notre partenariat avec le mobilier national.


En tous cas, j’ai Ă  cƓur de montrer que l’économie circulaire peut avoir une rĂ©elle place dans l’industrie. L’idĂ©al serait que cette logique de production devienne une Ă©vidence tant pour les entreprises que pour les consommateurs dĂšs que c’est possible.


Interview réalisée à l'atelier de production LTDLN sur l'Ile-Saint-Denis, mi-juillet 2023.

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Complément d'information

L'année suivant cette interview, LTDLN a connu de fortes difficultés financiÚres. Le contexte inflationniste a finalement entraßné une baisse des commandes de particuliers. Par ailleurs, la liquidation judiciaire de la marque Habitat [récent partenaire de LTDLN sur un modÚle de pouf] a accentué les difficultés.


DĂ©but 2024, LTDLN est placĂ©e en redressement judiciaire. Les Jeux Olympiques de Paris redonnent tout de mĂȘme de l'espoir Ă  Louis Lefevre en commandant des "poufs Berlingots" pour amĂ©nager certaines fan zones.


Avant la décision du tribunal de commerce, Louis Lefevre prépare donc une vidéo pour relancer les commandes de particuliers. Devenue virale, la vidéo, pensée comme un appel au secours, sauve LTDLN qui continue son activité suite à la décision rendue par le tribunal en mars 2025.


DĂ©sormais LTDLN sĂ©curise son modĂšle Ă©conomique en alliant le B2B au B2C. Les poufs de La TĂȘte Dans Les Nuages feront entre autres partie du catalogue de mobilier UGAP [Union des groupements d'achats publics] sur les quatre prochaines annĂ©es, permettant aux mairies, Ă©coles ou bibliothĂšques publiques de commander ces poufs.


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