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Prologue

Prologue

Publié le 6 avr. 2024 Mis à jour le 6 avr. 2024 Drame
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Prologue

Je m’appelle Juliette, j’ai 29 ans et de l’extérieur ma vie pourrait paraitre parfaite. En tout cas, d’une jolie normalité. J’ai une adorable petite fille, solaire, rieuse et en bonne santé, un mari tout neuf, une jolie alliance brillante à mon annulaire gauche, et je m’efforce à tout prix de cadrer à l’image d’Epinal que je vous renvoie. Celle que j’aimerai voir me sourire dans le miroir. Et pourtant... 

Pourtant, la vie que j’ai construite, de toutes pièces malgré la noirceur qui me colle à la peau depuis que ma peau existe, vole en éclats sans que je ne puisse rien faire d’autre qu’en compter les fragments. 

Tout m’échappe et là tout de suite, je n’ai pas envie que ce soit déjà le matin. Pitié ! dites-moi que la nuit est encore d’encre, dehors, qu’il me reste du temps pour écouter le silence, que ce n’est pas encore l’heure de replonger, malgré moi, dans cet infernal manège, devenu mon quotidien. J’ai la tête dans un étau, le cœur criblé de balles virtuelles et je ne sais pas pendant combien de temps encore je vais réussir à respirer sans étouffer, à faire semblant que tout va bien, que rien ne m’atteint et surtout que je n’ai rien à cacher. Je voudrais seulement dormir un peu. Réveillez-moi quand tout sera fini, que les nuages seront loin, je voudrais simplement tromper le jour et qu’il passe son chemin. Immobile, je reste là, les paupières closes, en attendant que ne s’éveille Fleur dans la chambre à côté. Juste un instant que je voudrais éternel, suspendu dans le temps pour émerger de ce sommeil dépourvu de rêves. De toute façon, je ne m’en souviens jamais, comme si Morphée avait décidé de ne m’accorder qu’un cortège de cauchemars en survivance de ces nuits grises, trempées de sueur.  

Parfois, j’arrive à tout oublier l’espace de quelques heures, lorsque, à bout de forces, je cède aux assauts du marchand de sable qui souffle sur le bord de mes cils. À peine le temps de reprendre une inspiration, et, surtout, de décortiquer minutieusement les messages anonymes que je reçois depuis des mois et qui me plongent, chaque fois, dans une angoisse oppressante, parce que ce flot de haine jamais ne cesse.  

Tout le jour, comme une menace sourde, muette et sans visage, une ombre qui me poursuit où que j’aille, dans le huis clos de notre appartement, dans le bus qui m’emmène au travail comme dans chaque instant de mon quotidien. À toute heure de la journée et de la nuit, de manière aléatoire, un, deux, parfois jusqu’à une dizaine de textos, de mails ou de captures-écran de mes conversations sur les réseaux, de mes courriels, de mes comptes bancaires, des photos volées dans la rue ou depuis les fenêtres de notre appartement assaillent mon téléphone, sans relâche. Une déferlante à la fois glaçante et piquante qui se déverse toujours depuis des serveurs masqués et des adresses électroniques anonymes, dont les traces se perdent à l’autre bout du globe, alors que je ressens le souffle toujours présent d’un danger imminent, glissant le long de mon échine, quand je décroche mon téléphone et n’entends qu’une respiration étouffée, juste une respiration anonyme au bout du fil... 

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