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Paul - Partie II : Les aléas du karma

Paul - Partie II : Les aléas du karma

Publié le 9 mars 2022 Mis à jour le 2 oct. 2022 Culture
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Paul - Partie II : Les aléas du karma

Paul rumine entre deux étages de la cage d'escaliers de l'immeuble hébergeant les locaux de Mercurio Editions. Il prend une grande inspiration pour calmer ses nerfs, puis saisit son téléphone portable. Il essaie de joindre son agent, en vain; il tombe sur la boîte vocale.

L'écrivain serre son téléphone de toutes ses forces, l'approche de son front, crispe son visage et lance son poing dans les airs. Sur sa trajectoire, le geste rencontre malencontreusement le nez de l'assistante d'Henri. Le craquement est fracassant. La paroi nasale est brisée et les orifices saignent abondamment. La pauvre femme hurle de douleur.

Paul jure autant qu'il le peut, de souffrance. Le vocabulaire est plutôt riche. Hormis ses phalanges qui ne répondent plus, une chose désagréable attire son attention sur une autre zone de son corps. Une brûlure très intense se manifeste aux alentours de la poitrine. Il penche la tête. Du café s'est renversé sur sa chemise blanche. Le contenu de la tasse que l'assistante tenait en montant les escaliers est devenu une magnifique tache brunâtre sur le tissu chevron du vêtement à cent trente Euros.

- Ce n'est pas possible !!! Vous ne pouvez pas faire attention !!! Beugle-t-il désappointé.

- Vous m'avez cassé le nez, espèce de brute !!! Crie-t-elle en larmes.

- Quelle idée d'emprunter les escaliers en transportant un café bouillant !!! Vous ne pouvez pas prendre l'ascenseur comme tout le monde ?!

- Il est en panne !

- Et alors ? C'est une raison pour m'ébouillanter avec votre boisson ?!

- Mais c'est vous qui m'avez défoncé le nez sans raison ! Vous êtes un pauvre malade !!!

Attiré par les cris, Henri apparaît pour comprendre la raison de ce tapage et constate la scène : Paul, les genoux à terre, secouant sa main toute gonflée; Sophie, son assistante, l'index et le majeur dans les narines d'où des jets d'hémoglobine sont propulsés.

- C'est quoi ce délire, demande l'éditeur.

- Ce taré vient de me défoncer le nez en me frappant de toutes ses forces.

- Je n'y ai pas mis toutes mes forces, vous exagérez ! Se défend Paul.

- En tout cas, j'ai senti la fureur dans le geste !

- C'est comme ça que tu te venges ? Tu t'en prends à mon assistante ? Sache que c'est grave. Très grave. Sophie, vous pouvez porter plainte, si vous le voulez. Je serai témoin.

- Mais quel connard ! Tu vas aller jusqu'au bout de la déconne, n'est-ce pas ? Je ne l'ai pas fait exprès ! Je ne l'ai pas vue !

- Regardez-vous, ma pauvre. Venez dans mon bureau. Vous allez boire un petit remontant et je vais appeler un médecin. Il faut soigner ça, immédiatement.

- Oh, merci, monsieur Litteral. Vous êtes un ange.

Henri pose ses mains sur les épaules de son assistante et l'emmène avec lui.

- Tu t'es fourré dans de sales draps, avertit froidement Henri avant de disparaître.

Seul, Paul s'assied sur une marche. Au moins, dans son malheur, il a réussi à sauver la bouteille de Neisson en la maintenant fermement dans sa main. Il l'observe un bref instant.

- Pourquoi pas, se dit-il en dévissant le bouchon.

Il avale une gorgée avant de réaliser que ce n'est pas raisonnable.

- Il n'est que onze heures et tu dois encore faire bonne impression en société, mon bonhomme.

Il sort des écouteurs de la poche droite de son pantalon, les porte à ses oreilles, attrape son téléphone pour les brancher et ouvre une application de méditation.

"Alkantara est heureux de pouvoir vous aider à ouvrir vos chakras et à améliorer votre karma au quotidien. Avant de commencer, je vous rappelle qu'avec l'abonnement à la version premium, vous atteindrez une communion authentique avec Shiva pour seulement neuf Euros quatre-vingt-dix-neuf. Maintenant, fermez les yeux. Tout est noir. Parfaitement noir. Un. Vous êtes là. Vous n'êtes pas ailleurs que là. Un, deux. Ce n'est pas par besoin. Ou peut-être que si. Un, deux, trois. L'un ou l'autre, mais vous êtes là. Essayez de le ressentir. Un, deux, trois, soleil. Après moi, répétez : karmaaa, il vient et va ! Karmaaa mauvais s'en va ! Karmaaa…"

- De la merde, juge-t-il en retirant les écouteurs.

Il se relève et reprend la descente des escaliers.

Dans la rue, les enfants jouent encore avec le ballon. Il leur échappe et rebondit sur le pied de l'auteur. Il se baisse et le ramasse en souriant aux gamins qui attendent que l'objet leur soit retourné. Le sourire s'efface aussi vite qu'il est apparu.

Paul prend de l'élan. Trois pas de course effectués avec agilité. Il relâche le cuir et de toutes ses forces, il le dégage loin… très, très loin… de l'autre côté de la rue, où il atterrit sur la tête d'un passant.

- Je n'ai rien perdu en précision, se félicite-t-il fièrement.

Paul a été gardien de but durant sa jeunesse, malgré sa petite taille. Il était plutôt bon à ce poste. Mais ce n'est pas le souci des pauvres mômes qui n'ont rien demandé, si ce n'est de récupérer leur bien. A présent, leur angoisse est d'affronter un passant qui est hors de lui et qui les tient pour responsables.

Le romancier ne s'en préoccupe pas. Il se promène jusqu'à une Mercedes-AMG noire. Une amende est posée sur le pare-brise. Il n'a pas payé le temps de stationnement. Il enlève dédaigneusement la contravention et entre dans le véhicule. Un veston bleu marine est posé sur le siège passager. Ce ne sera pas suffisant pour couvrir la tâche de café. D'habitude, il a une chemise de rechange sur lui. Pas aujourd'hui. Ça tombe mal, car il est attendu.

Il soupire, contrarié. Il démarre la voiture et il s'engage sur la chaussée.

La Mercedes-AMG sillonne les rues parisiennes jusqu'à parvenir devant l'entrée de l'hôtel Four Seasons Georges V dans le 8ème arrondissement. Paul s'y arrête et sort de la voiture en enfilant son veston. Il tend les clés à un voiturier qui lui retourne un ticket avec un numéro. Il entre dans le hall et se dirige vers la réception sur la gauche pour demander son chemin à l'employé.

- Bonjour, Monsieur, en quoi puis-je vous aider ?

- Je suis là pour le banquet des Vieux Artilleurs, annonce Paul en montrant sa carte de visite.

- Bien entendu, Monsieur. Je vais vous faire accompagner.

Le réceptionniste fait signe à l'un des membres du personnel présent sur les lieux pour qu'il s'approche.

- Philippe, accompagnez Monsieur au salon Vendôme.

- Est-ce que quelqu'un peut m'apporter de la glace ? Requiert Paul en exhibant sa main enflée.

- Bien sûr ! Je vous fais amener cela immédiatement. Philippe, avant d'accompagner Monsieur, allez chercher une poche de glace.

L'employé obéit sans broncher. Il file dans un couloir pendant que l'écrivain le scrute. Hors de son champ de vision, il baisse ses yeux vers sa main. L'élancement lui donne l'impression que quelqu'un lui assène frénétiquement des coups de marteau. Au bout de cinq minutes, l'attente devient fastidieuse. Agaçante même.

- Je suis en retard, affirme Paul.

- A peine, répond coup sur coup le réceptionniste.

- Ils sont sûrement déjà tous là, à boire du champagne et se gaver de petits-fours en feignant de s'apprécier les uns les autres. Ces réceptions sont d'un ennui…

- Très drôle, assure le réceptionniste avec un rire plus que forcé.

- Je ne plaisante pas.

Le ton sec de Paul coupe radicalement le rire de l'employé de l'hôtel.

- Je déteste ces trucs. Mais il faut bien se faire voir. Exister. Vous savez… tout le tralala.

- Je comprends le malaise que cela vous provoque, acquiesce l'homme d'une voix tremblante. Vous m'en voyez navré.

Le réceptionniste aperçoit son subordonné revenant avec la poche. Il est soulagé de ne pas avoir à dialoguer davantage. Paul, quant à lui, est allégé du tapotement incessant.

- Si vous saviez comme ça fait du bien… confie-t-il enjoué par la sensation de froid sur sa peau.

- Si vous voulez bien suivre mon collègue, il va vous accompagner.

L'homme de plume indique qu'il est prêt à se faire guider. Peu de temps après, il pénètre dans une grande salle. Environ deux cents convives sont plongés dans l'habituel bavardage de ce type d'événement. Une serveuse passe avec un plateau et propose tout de suite une coupe de champagne.

- J'adore ce genre d'accueil, place-t-il à la jeune femme en prenant sa coupe. Je vous remercie.

Il vide la coupe cul-sec et la tend au membre du personnel qui l'a accompagné jusque-là. Il s'avance dans ce qu'il a pour coutume d'appeler la fosse. Une arène où plein de gens l'alpaguent. Parfois, ce sont des inconnus qui prétendent le connaître. Souvent, des connaissances avec qui il a peu d'affinités. Rarement de vraies relations. Un ou deux amis, tout au plus. Auteur est un métier d'apparences. Du moins à son niveau. La quasi-globalité des personnes présentes ignore sa véritable identité. Il préfère que ce soit ainsi.

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