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🍛 Zazou et fripouille au düner chez Hermine .

🍛 Zazou et fripouille au düner chez Hermine .

Publié le 28 août 2025 Mis à jour le 28 août 2025 Bande déssinée, manga et comics
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🍛 Zazou et fripouille au düner chez Hermine .

🍛 Düner chez Hermine

La nuit tombait sur Paris comme un voile de soie dorĂ©e, enveloppant les ruelles de Versailles d’une lumiĂšre ambrĂ©e. Fripouille et Zazou, perchĂ©s sur le muret du chĂąteau, profitaient des derniers rayons du soleil couchant, qui teintaient les nuages de rose et d’orange, comme une toile de maĂźtre oubliĂ©e.


— Franchement, dommage que la journĂ©e s’achĂšve, soupira Zazou en s’étirant avec une Ă©lĂ©gance feinte. J’étais bien, moi, ici
 Et en plus, on n’a mĂȘme pas cherchĂ© de restaurant pour ce soir. Le temps d’aller au Chas-Croute, notre cantine habituelle, et paf : fermĂ©. Il jeta un regard dĂ©sespĂ©rĂ© Ă  Fripouille, comme s’il venait de rĂ©aliser l’ampleur de la tragĂ©die.

— Pas grave ! rĂ©torqua Fripouille, optimiste, en se lĂ©chant la patte droite avec application. On va en trouver un autre dans le coin, non ? Un endroit qui accueille les animaux comme nous ? Zazou leva les yeux au ciel, l’air d’un chat qui a vu trop de dĂ©ceptions gastronomiques.

— Je sais pas, Fripouille, je sais pas
 En plus, je ne connais personne dans cette zone ! Aaaah
 Il se laissa tomber sur le trottoir avec un soupir dramatique. Quoique
 ce sera repas blanc pour ce soir ?

— Repas blanc ? Fripouille cligna des yeux, interloquĂ©. Ça veut dire quoi, ça ?

— C’est comme une nuit blanche, expliqua Zazou avec l’air d’un professeur las. Sauf que lĂ , c’est pour le repas. Tu vois : tu restes le ventre vide Ă  regarder les Ă©toiles en te demandant pourquoi tu n’as pas Ă©coutĂ© ton instinct et mangĂ© ce moineau Ă  midi.

— Ah ouais
 Fripouille rĂ©flĂ©chit, la patte en l’air. Je savais pas qu’on pouvait le dire comme ça.

— Évidemment que les chats expĂ©rimentĂ©s le disent entre eux, rĂ©torqua Zazou avec un haussement d’épaules. C’est du langage chat chic. Comme "miamdelicieux" ou "crotte-de-luxe".


Fripouille Ă©clata de rire, puis son regard fut attirĂ© par un mouvement prĂšs d’une devanture Ă©lĂ©gante, Ă  moitiĂ© cachĂ©e par du lierre grimpant. Les briques anciennes et les lanternes dorĂ©es au-dessus de la porte brillaient faiblement, Ă©clairant un panneau aux lettres dorĂ©es : "Hermine", entourĂ© d’un contour vert foncĂ©. Les volets, peints du mĂȘme vert profond, encadraient l’entrĂ©e comme une invitation discrĂšte Ă  un monde secret.


— Zazou ! Regarde ! s’exclama Fripouille en dĂ©signant une silhouette familiĂšre. C’est la minette qui gloussait l’autre jour, quand je dansais avec Pigok 2 !

— Ah oui ! Zazou se redressa, soudain intĂ©ressĂ©. Celle qui t’a traitĂ© de star !

— Oui ! Elle est là-bas, en train de boire à la porte du magasin !


Ils traversĂšrent la route dĂ©serte (Ă  cette heure, mĂȘme les voitures parisiennes avaient faim) et s’approchĂšrent de la chatte rousse, qui sirotait une coupelle de lait avec la grĂące d’une duchesse.


— Salut ! lança Fripouille, un peu timide. Tu te rappelles de moi ?


La minette se retourna, les yeux écarquillés, avant de reconnaßtre Fripouille avec un sourire malicieux.


— Évidemment que je me souviens de toi ! miaula-t-elle en se frottant contre lui. Impossible d’oublier la Danse des Plumes ! Et, sans prĂ©venir, elle entonna, en roucoulant : đŸŽ¶ "On se retourne, un pas sur la droite, Un pas sur la gauche
 Et hop ! T’es une star, mon p’tit chat !" đŸŽ¶

Elle éclata de rire, puis ajusta sa cravate imaginaire.


— C’est gentil d’ĂȘtre venus me voir ! Vous vous promenez dans le coin ?

— Non, avoua Fripouille. On cherche un endroit oĂč manger du
 miamdĂ©licieux. La minette rit de plus belle, ses moustaches frĂ©missantes.

— Du miamdĂ©licieux ? Oh lĂ  lĂ , vous visez haut, les gars ! Ici, c’est chic, ça ne court pas les rues, surtout pour nous autres. Mais bon, vous avez l’air d’adorer les dĂ©fis
 Mon frĂšre Liono m’a parlĂ© d’Hermine. Chic et ultra bon, paraĂźt-il. Mais pour y entrer
 bon courage. Depuis le changement de propriĂ©taire, il y a deux nouveaux matous trĂšs sĂ©lects : Bruce et Kily. Ils filtrent les clients comme des videurs de boĂźte branchĂ©e.


— Il n’y a pas un endroit moins
 snob ? demanda Zazou, sceptique.

— InfĂąme, le reste, rĂ©pondit-elle en grimaçant. Soit c’est des trous Ă  rats, soit c’est fermĂ©. Mais allez, je vous y accompagne ! Moi, je dois retrouver ma sƓur pour le Bal des CĂ©libchats. (Elle baissa la voix.) Entre nous, si vous mentionnez que vous ĂȘtes des amis de la famille Pigok, ça peut aider. Bruce adore ses clips.


Une fois arrivée à destination, elle se retourna pour leur dire :

— C’est ici, allez-y ! Bon appĂ©tit Ă  vous, bye-bye !


Elle agita sa queue en un dernier signe d’au revoir, aussi vive qu’un coup de pinceau sur une toile. Les deux amis restĂšrent plantĂ©s sur le trottoir, le museau levĂ© vers la façade Ă©lĂ©gante. Une bouffĂ©e d’air chaud, chargĂ©e d’arĂŽmes de beurre fondu et de thym, s’échappa du restaurant quand la porte s’entrouvrit. Fripouille renifla, les moustaches frĂ©missantes :


— Wow
 Zazou, ça sent le miamdĂ©licieux Ă  trois kilomĂštres !

Zazou Ă©clata de rire, mais ses yeux brillaient dĂ©jĂ  d’une lueur dĂ©terminĂ©e.

— Allez, viens. On entre avant qu’ils ne changent d’avis.


Ils Ă©changĂšrent un sourire complice, puis la porte dorĂ©e d’Hermine s’ouvrit sur un monde de luxe feutrĂ© : des chandeliers scintillaient comme des Ă©toiles captives, les nappes blanches semblaient tissĂ©es de nuages, et les vases remplis de roses pĂąles diffusaient un parfum envoĂ»tant, presque hypnotique.

Les murs, peints d’un vert d’eau apaisant, reflĂ©taient la lumiĂšre des bougies, tandis que les serveurs, un garçon de cafĂ© en tablier bordeaux et nƓud papillon, une serveuse en pantalon et chemisier noir, cravate impeccable glissaient entre les tables avec la prĂ©cision de danseurs.


— Tu crois qu’on la reverra un jour ? murmura Fripouille.

— Avec elle, c’est sĂ»r, rĂ©pondit Zazou en souriant. Les chats comme elle ont le don de rĂ©apparaĂźtre quand on s’y attend le moins.


Un matou imposant, vĂȘtu d’un smoking noir (oui, un smoking), les intercepta prĂšs de l’entrĂ©e. Bruce, visiblement. Ses yeux jaunes balayĂšrent Zazou et Fripouille avec un mĂ©pris Ă  peine voilĂ©.


— RĂ©servation ? demanda-t-il d’un ton qui n’admettait aucun refus.

— Euh
 non, avoua Zazou, soudain moins sĂ»r de lui. Mais on nous a dit que


— Pigok 2 ! s’exclama Fripouille, inspirĂ©. On est des amis de Pigok 2 ! Bruce plissa les yeux, puis un sourire carnassier apparut sur son museau.

— Ahhh, le roi des trottoirs ! TrĂšs bien. Table 12, prĂšs de la fenĂȘtre. Mais attention : pas de crasses sur les nappes, pas de miaulements pendant le service, et surtout
 (il baissa la voix) pas de danse. Kily dĂ©teste ça.


Ils furent conduits Ă  une petite table prĂšs d’une fenĂȘtre donnant sur un jardin secret, oĂč des lanternes dorĂ©es tremblaient dans la brise. Un menu en velours leur fut prĂ©sentĂ© :


~ Menu "SoirĂ©e ÉtoilĂ©e" ~


Amuse-bouches : Souris farcies aux herbes de Provence (option végétarienne : boules de graines de tournesol)

Plat : Filet de saumon poĂȘlĂ©, sauce crĂšme Ă  l’aneth (ou poulet rĂŽti aux Ă©pices douces pour les chats difficiles)

Dessert : Mousse au thon et chantilly (ou glace à la menthe pour les palets raffinés)

Boisson : Lait chaud infusé à la vanille (ou eau de source pétillante, servie dans des coupes en cristal)


— Je
 je prends le saumon, balbutia Fripouille, subjuguĂ©.

— Moi, le poulet, dĂ©cida Zazou aprĂšs une hĂ©sitation. Mais avec une double portion de sauce.

— Excellents choix, ronronna la serveuse en notant leur commande.

Alors que Fripouille s’installait sur son coussin en velours (oui, un coussin), il chuchota à Zazou :

— Tu crois qu’ils ont des croquettes en dessert ?

— Fripouille
 soupira Zazou. Ici, on ne dit pas "croquettes". On dit
 "perles croustillantes artisanales".


Soudain, une ombre passa prĂšs d’eux. Kily, un chat persan blanc aux yeux verts, les observait avec un sourire Ă©nigmatique.


— Alors, les amis de Pigok
 murmura-t-il. J’espĂšre que vous aimez les surprises. Et il disparut dans un froufrou de queue, laissant les deux chats se demander s’ils venaient de signer un pacte gastronomique
 ou quelque chose de bien plus Ă©trange.


La cloche 🔔 tinta dans la cuisine, claire comme une alerte militaire. Fripouille sursauta, renversant presque son petit bol. Il Ă©tait en train de laper un mystĂ©rieux “liquide snack saveur bƓuf affinĂ©â€ , l’équivalent fĂ©lin du champagne au caviar.


— Aaah
 ça fait des siùcles que j’ai pas eu ça, ronronna Zazou, les moustaches toutes vibrantes. On n’en trouve que dans ce genre de resto, croyez-moi


Il jetait un coup d’Ɠil prudent Ă  Kily, postĂ© non loin, raide comme une statue grecque mais les yeux plantĂ©s sur eux comme deux lasers verts.


Pendant ce temps, Fripouille, trop excitĂ© par la friandise, lapait avec l’énergie d’un aspirateur en panne. Sa langue faisait “schloup schloup” dans le bol, ses moustaches trempĂ©es pointant dans tous les sens.


— Doucement ! miaula Zazou entre ses dents serrĂ©es. Fripouille, on est pas dans une gamelle de quartier. Tiens-toi droit, aspire avec Ă©lĂ©gance, fais mine d’avoir Ă©tudiĂ© Ă  l’AcadĂ©mie des Chats Gourmets !

— Mais
 mais c’est trop bon ! rĂ©pliqua Fripouille, les pupilles dilatĂ©es comme une chouette.


Et ce qui devait arriver arriva : CLING. La coupe d’eau pĂ©tillante de luxe bascula, roula sur la nappe immaculĂ©e et Ă©clata en mille morceaux de cristal.


Silence. Le genre de silence oĂč mĂȘme les bougies se figent.


En moins d’une seconde, Kily fut sur eux, surgissant comme une ombre blanche, la queue battant l’air.

— QUI
 a osĂ© ?! souffla-t-il d’une voix grave, son “S” sifflant comme un serpent. Ses yeux verts flamboyaient d’indignation. On aurait dit qu’ils venaient de dĂ©clencher une alarme anti-incendie.


Fripouille, paralysĂ©, ouvrit la bouche mais aucun son n’en sortit. Zazou, lui, leva un sourcil avec un flegme forcĂ© :

— Oh
 juste une bulle capricieuse. Ces verres, vous savez
 fragiles comme de la porcelaine .

Kily répond, agacé :


—La porcelaine, au moins, elle ne se brise pas toute seule, mon cher.


Fripouille chuchote Ă  Zazou :


— C’est pas de la porcelaine, c’est du cristal
 T’es sĂ»r que t’as Ă©tudiĂ© Ă  l’AcadĂ©mie des Chats Gourmets ?


Kily s’approcha, si prĂšs que son parfum musquĂ© envahit leurs moustaches. Il humecta ses babines, comme pour juger si cet “incident” valait expulsion immĂ©diate



— J’ignore pourquoi Bruce vous a laissĂ©s entrer, cracha Kily en plissant ses yeux verts. Mais vous n’ĂȘtes ni du quartier, ni des habituĂ©s huppĂ©s. Si ça n’avait tenu qu’à moi
 vous seriez dehors depuis longtemps.

Il miaulait en grommelant, sa queue fouettant l’air comme un mĂ©tronome de colĂšre.


Mais Bruce s’approcha, ayant assistĂ© Ă  la scĂšne depuis son poste prĂšs de la caisse. Il posa une patte ferme sur l’épaule de Kily et souffla :

— Calme-toi, vieux. Tu te trompes. Ce petit-lĂ  est issu d’une famille huppĂ©e
 mais c’est le vilain petit canard. Ce n’est pas de sa faute.


Fripouille cligna des yeux, surpris. Zazou leva un sourcil sceptique : “huppĂ©, lui ?!” pensa-t-il en silence.


Bruce reprit :


— Allez, ce n’est rien pour la gamelle. Ça leur coĂ»te trois fois rien. Pas la peine d’en faire tout un fromage.


Kily grogna, les regardant tour à tour d’un air mauvais :


— Hmph. Mais je ne vous lñche pas des yeux. Si un seul de vous recommence
 je le balance direct. Compris ?


— Oui
, miaulĂšrent Zazou et Fripouille en chƓur, faiblement, comme deux Ă©coliers pris en faute.


Kily repartit en traĂźnant sa fiertĂ© jusqu’à son repaire, lĂ  oĂč il s’était assis au dĂ©but.


Bruce, restĂ© prĂšs d’eux, ramassa la gamelle avec soin et la tendit Ă  la serveuse qui approchait.

— Excusez-le, souffla-t-il. Il est
 à cran, ces derniers temps. Profitez de votre repas, mais soyez prudents : Kily ne plaisante pas.


— Merci, rĂ©pondit Zazou avec un petit sourire pincĂ©. On fera attention.


Bruce s’éloigna, mais avant de disparaĂźtre derriĂšre le comptoir, il fit un clin d’Ɠil discret Ă  Zazou. Celui-ci comprit aussitĂŽt : toute cette histoire de “famille huppĂ©e” et de “vilain petit canard” n’était qu’une invention, un mensonge bien placĂ© pour calmer Kily et leur Ă©viter la porte. Zazou esquissa un sourire intĂ©rieur. Pas mal, le gros matou
 il a du mĂ©tier.


Soudain, la porte battante des cuisines s’ouvrit dans un doux froufrou, et le silence de la salle fut troublĂ© par l’apparition d’une silhouette. Une chatte gracieuse, au pelage soyeux couleur ivoire, portait deux plateaux argentĂ©s avec une Ă©lĂ©gance digne d’une danseuse. Ses gestes Ă©taient prĂ©cis, presque chorĂ©graphiĂ©s : pas un tremblement, pas une faute de pas.


Zazou la vit. Et le monde, pendant un instant, s’arrĂȘta. Ses yeux d’ambre accrochĂšrent les siens, et il eut l’impression qu’on venait de lui donner un coup de patte en plein cƓur.

Fripouille, excitĂ© par l’arrivĂ©e des plats, s’agitait sur son coussin :


— Oh, ça y est, ça y est ! C’est nous ! J’espùre que c’est bien mon saumon, hein ? Dis, tu crois qu’il y a de la sauce dessus ? Parce que moi, j’adore la sauce



Mais Zazou ne rĂ©pondit pas. Il avait la gueule entrouverte, les moustaches figĂ©es, le regard perdu dans l’allure fĂ©line de la serveuse. Fripouille s’interrompit en le fixant, intriguĂ© :


— Heu
 Zazou ? Allî ? Tu m’entends ? Tu fais une crise ou quoi ?


Zazou ne cligna mĂȘme pas. Fripouille claqua ses petites pattes devant son museau.

— OhĂ©, rĂ©veille-toi ! C’est pas un mirage, hein !


La serveuse posa dĂ©licatement les assiettes devant eux : un filet de saumon brillant d’une sauce Ă  l’aneth pour Fripouille, et un poulet rĂŽti aux Ă©pices douces pour Zazou, le tout dĂ©gageant des parfums qui donnaient faim rien qu’à respirer. Puis elle leva doucement les yeux vers Zazou et
 lui adressa un sourire, fin, Ă©nigmatique, presque complice.


Zazou, toujours muet, sentit ses oreilles chauffer.

Fripouille pouffa de rire, les moustaches tordues :


— Oh là là
 ça y est. Le grand Zazou est amoureux !


La chatte gracieuse, aprĂšs avoir dĂ©posĂ© les assiettes fumantes devant eux, s’inclina lĂ©gĂšrement et fit demi-tour pour regagner les cuisines. Son parfum discret flottait encore dans l’air. Zazou, hypnotisĂ©, suivit son pas chaloupĂ© du regard comme un marin regarde un navire disparaĂźtre Ă  l’horizon.


— Attendez ! s’exclama-t-il soudain, d’une voix un peu trop empressĂ©e. Vous pourriez
 vous pourriez nous apporter un supplĂ©ment d’eau Crystal, s’il vous plaĂźt ?


Elle se retourna avec un sourire doux.


— Avec plaisir.


Et sur ces trois mots, Zazou fondit. Ses oreilles rougirent sous son pelage, et son cƓur battit si fort qu’il crut qu’on allait l’entendre Ă  la table d’à cĂŽtĂ©.


Fripouille, lui, mordait déjà à pleines dents dans son saumon, la sauce dégoulinant un peu sur ses moustaches.

Il leva Ă  peine les yeux .

Zazou, toujours rĂȘveur, soupira comme dans un vieux film romantique :


— C’est elle, Fripouille.

— C’est elle quoi ? demanda-t-il la bouche pleine.

— 
 La chatte de ma vie.


Fripouille faillit s’étouffer avec une bouchĂ©e, les yeux ronds.


— Hein ?! SĂ©rieux ?! T’es en train de tomber amoureux en plein milieu d’un plat de luxe ?!


Zazou lui lança un regard sévÚre, mais ses moustaches trahissaient son trouble : il était bel et bien fichu.


Le dĂźner touchait Ă  sa fin. Fripouille lĂ©chait distraitement le fond de son assiette, repu, mais l’Ɠil vif : il avait bien remarquĂ© que Zazou, lui, n’avait presque pas touchĂ© Ă  son poulet. Trop occupĂ© Ă  suivre du regard la belle chatte serveuse, chaque fois qu’elle entrait ou sortait des cuisines. Son cƓur battait la chamade au rythme de ses pas feutrĂ©s.


Quand ils rĂ©glĂšrent l’addition et se dirigĂšrent vers la sortie, une voix grave les arrĂȘta net :


— HĂ©, toi !


Kily, le persan blanc, se tenait lĂ , plantĂ© devant la porte comme un videur de boĂźte de nuit. Ses yeux verts Ă©tincelaient d’un Ă©clat glacial.


— Je t’ai vu
 fit-il d’un ton menaçant. Tu n’as pas cessĂ© de regarder Hermine.

Hermine et moi, on se connaĂźt depuis l’époque oĂč elle Ă©tait la seule Ă  me dĂ©fendre



Zazou cligna des yeux. Hermine ? Son cƓur bondit. Ce prĂ©nom sonnait comme une caresse. Mais presque aussitĂŽt, il rĂ©alisa : c’était aussi le nom du restaurant.


— Hermine ?
 souffla-t-il, confus.


Un sourire carnassier fendit le museau de Kily.


— Oui. Le propriĂ©taire l’a nommĂ© ainsi en son honneur. Mais retiens bien ceci
 elle est Ă  moi. Alors garde tes yeux ailleurs, ou je t’arrache les moustaches une par une.


Il avait dit ça avec une brutalitĂ© glaciale, comme un chat qui rĂ©clame son os de luxe, prĂȘt Ă  bondir.


Mais soudain, une voix douce mais ferme résonna derriÚre eux.


— Kily ! Qu’est-ce que tu racontes encore ?


C’était elle. Hermine. Elle venait de terminer son service, et sa prĂ©sence fit battre le cƓur de Zazou encore plus fort.


Elle planta son regard clair dans celui de Kily et ajouta, agacée :

— Je t’ai dĂ©jĂ  dit que toi et moi, c’est juste de l’amitiĂ©. Rien de plus.


Le persan grimaça, pris sur le fait. Zazou, lui, resta pĂ©trifiĂ©, partagĂ© entre la peur de Kily et la joie de dĂ©couvrir le prĂ©nom de la chatte qui faisait chavirer son cƓur.


Zazou sentit ses moustaches vibrer d’un mĂ©lange Ă©trange : un frisson de peur, Kily aurait pu le rĂ©duire en charpie et une vague de chaleur qui lui chatouillait le ventre chaque fois qu’Hermine parlait.


Il toussa, maladroit.

— Euh
 moi, je
 je voulais pas
 enfin



Fripouille roula des yeux. Voilà, ça y est, il bégaie comme un chaton devant sa premiÚre gamelle de lait.


Mais, contre toute attente, Zazou redressa soudain la tĂȘte, ses yeux verts brillant d’une Ă©tincelle qu’on ne lui voyait pas souvent.


— Enfin
 je voulais pas manquer de respect, Hermine. Mais
 si j’ai regardĂ©, c’est parce que je n’ai pas pu faire autrement.


Un silence. Le genre de silence oĂč mĂȘme les couverts dans la cuisine semblent s’arrĂȘter de tinter.


Hermine, surprise, cligna des yeux, ses oreilles se dressant malgré elle.


— Oh



Kily, lui, serra les crocs, ses poils de cou gonflant d’agacement.


— Tu as du cran, toi, marmonna-t-il. Mais fais attention : parfois, le cran, ça se paye cher.


Fripouille, sentant l’électricitĂ© dans l’air, chuchota Ă  Zazou :


— Tu sais, dans certains restos, le dessert, c’est les clients qui le deviennent



Zazou, malgré tout, esquissa un petit sourire en coin.


— Tant pis, Fripouille. S’il faut ĂȘtre le dessert ce soir
 eh bien
 j’aurai eu droit au plus beau regard avant.


Hermine dĂ©tourna les yeux, mais ses moustaches frĂ©missaient d’un sourire qu’elle essayait de cacher.



Les cuisines d’Hermine bruissaient d’odeurs exquises : beurre fondu, herbes fraĂźches, ragoĂ»t qui mijotait doucement. Mais derriĂšre la porte battante, dans la cour pavĂ©e oĂč les caisses de lĂ©gumes s’empilaient, l’ambiance n’avait plus rien de gastronomique.


Kily s’avança, sa silhouette de chat persan blanche luisant sous la lanterne, ses yeux verts flamboyant comme deux Ă©meraudes furieuses.


— Voilà ce qu’on va faire, miaula-t-il d’une voix glaciale. Un combat à la loyale. Ici, derriùre les cuisines. Si tu gagnes, je te la laisse. Si tu perds
 elle est à moi.


Fripouille écarquilla les yeux, ses petites pattes tremblantes.


— Mais
 mais c’est ridicule ! On n’est pas dans un dessin animĂ© de cape et d’épĂ©e ! Zazou, dis-lui !

— Chut, Fripouille, rĂ©pondit Zazou d’un ton grave, les moustaches dĂ©jĂ  redressĂ©es comme des lames.


Hermine surgit derriùre eux, son regard flamboyant d’indignation.


— Ça suffit, Kily ! Combien de fois je dois te rĂ©pĂ©ter que je ne suis pas un trophĂ©e Ă  gagner ou Ă  perdre ? Tu ne m’écoutes jamais !


Kily ricana, ses griffes effleurant les pavés.


— Ce n’est pas toi qui dĂ©cides, ma douce. C’est le destin. Et le destin se rĂšgle
 par un duel.


Zazou fit un pas en avant, son dos se cambrant, la queue battant l’air comme un fouet.


— Non, Hermine. Laisse. Il l’as dit lui-mĂȘme : parfois, il faut montrer du cran. Je suis prĂȘt.


Fripouille, catastrophé, agrippa la patte de son mentor.

— Zazou, non ! Et si tu te fais griffer, ou pire
 si tu perds ? Moi
 moi je pourrais pas



Zazou baissa les yeux vers son protĂ©gĂ© et lui fit un petit clin d’Ɠil, malgrĂ© la tension.


— Alors regarde bien, Fripouille. Parce que ce soir, tu vas voir comment on gagne
 mĂȘme quand on tremble.


Fripouille tremblait, ses yeux rivĂ©s sur Zazou et Kily qui se jaugeaient comme deux tigres miniatures dans l’arĂšne improvisĂ©e des cuisines. Ses pattes tripotaient nerveusement le sol
 jusqu’à ce qu’il sente sous ses coussinets une Ă©toffe douce.


Le nƓud papillon bordeaux. Celui que Pigok 2 avait laissĂ© tomber, souvenir d’une danse inoubliable.


Fripouille le saisit entre ses griffes et le serra fort contre lui.

— Pigok 2
 il disais qu’on danse mĂȘme quand on a peur
 Alors
 je vais rester debout. Pour Zazou.


À ce moment-lĂ , une silhouette familiĂšre apparut au dĂ©tour du muret. La minette rousse aux yeux pĂ©tillants : Kazie.


— Re-coucou, c’est moi Kazie , dĂ©solĂ©e j’ai oubliĂ© de te dire mon petit nom miaula-t-elle doucement en le voyant fĂ©brile. Mais je savais qu’on se reverrait !


Fripouille écarquilla les yeux.


— Tu aurais pu me le dire plus tĂŽt sur qui tu Ă©tais, petit cachottiĂšre 



Elle s’approcha et, d’un geste tendre, posa sa queue sur son Ă©paule.


— Le combat va bien se terminer, je le sens. Oh, et au fait, j’ai croisĂ© Pigok 2. Je lui ai dit que vous Ă©tiez ici.


Les yeux de Fripouille brillùrent d’un espoir nouveau.


— Vraiment ? Et
 il va bien ?

— Comme un roi, rĂ©pondit Kazie avec un sourire. Dommage qu’il ne soit pas lĂ  : il adore ce genre de spectacle. Il dit toujours que c’est un mĂ©lange de hockey et de basketball. Tu verras
 ça fait pas peur.


Fripouille déglutit, ses moustaches tremblant.


— Pas peur, pas peur
 Facile à dire ! Tu n’as pas vu ce Kily
 il est puissant, effrayant



Kazie haussa les épaules, amusée mais sérieuse.


— Puissant, oui. Effrayant, sĂ»rement. Mais tu sais quoi ? La peur, c’est comme un pigeon trop collant : si tu lui tiens tĂȘte, il s’envole. Et puis, regarde Zazou : il n’est pas seul. Tu es lĂ . Moi aussi. Et qui sait
 Pigok 2 n’est jamais trĂšs loin quand la musique dĂ©marre.


Le cercle s’était formĂ© derriĂšre les cuisines, lanternes vacillantes Ă©clairant les pavĂ©s. Zazou et Kily s’affrontaient dans une tension Ă©lectrique : deux fauves miniatures, deux flammes opposĂ©es.


Hermine, postĂ©e un peu en retrait, les yeux brillants, se rongeait presque les griffes. DĂ©sespĂ©rĂ©e de les voir se battre, mais secrĂštement ravie qu’on se dispute son cƓur, elle priait en silence : « Zazou
 que ce soit toi, Kily est trop brutal, pas pour moi. »


Un grognement fit trembler l’air. Griffes contre griffes, queues fouettant le sol, les deux chats tournoyaient comme des lutteurs antiques. Puis, d’un bond fulgurant, Zazou projeta Kily contre un tas de cageots. L’os de luxe qui servait de trophĂ©e improvisĂ© fila en cloche
 et atterrit pile dans une corbeille de fruits vide.


Silence. Puis une clameur de miaulements approbateurs : Zazou avait gagné.


Kily, haletant, recula dans l’ombre, blessĂ© dans son orgueil plus que dans son corps. Hermine, soulagĂ©e, accourut, ses yeux rivĂ©s sur Zazou.


— Bravo
 murmura-t-elle, son souffle chaud contre sa fourrure. Tu t’es battu
 pour moi.


Zazou, d’ordinaire si sĂ»r de lui, en resta muet, ses moustaches rosissant lĂ©gĂšrement.


C’est alors qu’un battement d’ailes tonitruant Ă©clata dans la cour. Pigok 2, majestueux, se posa, son nƓud papillon flamboyant encore humide de quelques gouttes de pluie.


— Non mais QUOI ?! s’exclama-t-il, vexĂ©. Vous commencez sans moi ?! Pas de roucoulement d’intro, pas de chorĂ©graphie ?! Je suis DÉÇU ! Mais bon
 ravi pour toi, Zazou !


Il Ă©clata de rire et salua d’un battement d’ailes théùtral.


Hermine, les yeux brillants, prit alors les devants :


— Zazou
 laisse-moi me prĂ©senter correctement. Je suis Hermine. Et si tu veux bien
 ce soir, j’aimerais que tu partages un dĂźner avec moi.


Fripouille, bouche bĂ©e, sentit son ventre se nouer. Il ouvrit la bouche, prĂȘt Ă  protester, mais Kazie posa doucement une patte sur son Ă©paule.


— Pas de problùme, dit-elle avec un clin d’Ɠil. Je m’occupe de toi ce soir. On a beaucoup de choses à se raconter, non ?


— Tout Ă  fait ! renchĂ©rit Pigok 2 en claquant des ailes. Une soirĂ©e entre nous, ça va ĂȘtre du tonnerre !


Fripouille hĂ©sita
 puis sourit. MĂȘme si c’était dur de voir son mentor partir avec Hermine, il avait trouvĂ© de nouveaux amis. Il leva sa queue pour saluer Zazou. Celui-ci lui rĂ©pondit de la mĂȘme maniĂšre, un geste fraternel.


— À demain, p’tit frùre, murmura Zazou.


Et Fripouille, le cƓur battant, s’en alla avec Kazie et Pigok 2 vers de nouvelles aventures.


Fin


—————————

✍ Écrit: le 21 AoĂ»t 2025

📾 Image :seeart.Ai

đŸ‘©đŸŒâ€đŸŽš Barbara Wonder




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