

L'Avènement du Verbe et la Grande Cacophonie
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L'Avènement du Verbe et la Grande Cacophonie
- Et l'Homme, dans son besoin insatiable de se compliquer l'existence, découvrit le Verbe. Au début, ce n'était qu'un cri, un grognement, une vibration pour exprimer la faim ou la peur. Simple, efficace, ennuyeux.
- Mais très vite, l'Homme comprit que le Verbe pouvait se tordre, se plier, s'embellir ou s'enlaidir à volonté. Il inventa les mots, ces petites briques sonores avec lesquelles on pouvait construire des cathédrales de sens... ou des murs d'incompréhension.
- Et ce fut la grande mutation. L'Homme commença à parler. À nommer les choses, oui, mais surtout à les juger, à les critiquer, à les embellir ou à les déformer par la seule puissance de sa gorge et de sa langue. Le murmure devint chuchotis venimeux, le conseil se mua en reproche cinglant, et la demande en injonction autoritaire.
- Puis l'Homme, dans un élan de perversion géniale, inventa l'art du sous-entendu. Une phrase lancée en l'air, un regard lourd de sens, et voilà que le Verbe, sans dire un mot de trop, créait des abîmes de doute et d'amertume. Il perfectionna aussi le non-dit, ce silence lourd qui en disait plus long que mille accusations, un outil redoutable pour bâtir des murs invisibles entre les âmes, et pour se cacher des autres, derrière un voile de mystère ou d'indifférence feinte.
- Non content de se chamailler à ciel ouvert, l'Homme aiguisa l'arme de la critique de l'autre. Non pas la critique constructive, oh non ! Mais celle qui sape, qui diminue, qui vise le point faible pour faire saigner l'ego. Le Verbe devint une lame affûtée, utilisée pour tailler en pièces la confiance et l'estime de soi d'autrui, et à détruire les autres Hommes, non pas par la force physique, mais par la force insidieuse du dénigrement et de la rumeur.
- Et enfin, chef-d'œuvre de l'ingéniosité humaine, apparut le mensonge. Une torsion délibérée de la vérité, une parjure élégante qui permettait d'éviter la confrontation, de manipuler les destins, ou simplement de se dérober à ses responsabilités. Le mensonge, tel un virus mutagène, se propagea, tissant des toiles complexes de tromperie où chacun se retrouvait piégé, souvent par ses propres créations.
- Et Saint-Bordel, juché sur son trône fait de paroles enflammées et de répliques assassines, observa cette évolution avec une joie non dissimulée. Car Il vit que le Verbe, dans toutes ses formes perverties – sous-entendus, non-dits, critiques, mensonges, et utilisé pour se cacher ou détruire – était le moteur le plus puissant de Son règne. C'était la clé pour que le chaos s'infiltre partout, des relations les plus intimes aux interactions les plus vastes.
- Et ainsi, l'Homme, en maîtrisant le Verbe, devint l'artiste suprême de son propre chaos, tissant avec des fils de mots un bordel d'une complexité et d'une intensité inégalées.

