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Le voyage pour mode de vie

Le voyage pour mode de vie

Published Mar 30, 2024 Updated Mar 30, 2024 Travel
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Le voyage pour mode de vie

Ce serait une hérésie, dans le cadre de ce qui veut être une "anatomie du voyage", de passer sous silence tous ceux qui font du voyage toute leur vie et même toute leur culture : les "gens du voyage", si bien nommés, et autres nomades.

Si la plupart des peuples, depuis les millénaires que l'agriculture existe et plus encore l'élevage, sont aujourd'hui sédentaires et ne voyagent plus que par choix ou par obligation plus ou moins ponctuelle, il reste encore, même au vingt-et-unième siècle, des peuples entiers, héritiers des chasseurs cueilleurs de la préhistoire, qui n'imaginent pas vivre autrement qu'en se déplaçant régulièrement en suivant les migrations de leur gibier ou le rythme des saisons, et dont toute l'existence se déroule ainsi.

Après tout, c'était au départ le mode de vie originel de l'humanité.

Et même si certains, à l'instar des Gitans, se sédentarisent plus ou moins aujourd'hui - plus ou moins encouragés, ou plus ou moins forcés, par des politiques étatiques en ce sens (car dans nos sociétés d'ores et déjà sédentarisées depuis bien longtemps, les nomades ont mauvaise réputation et mauvaise presse) - il ne faut pas s'y tromper : le nomadisme persiste tout juste sous la surface, et la roulotte (ou bien, vingt-et-unième siècle oblige, la caravane ou le camping-car) n'est jamais très loin... Et ne parlons pas des bateliers qui remontent et descendent le cours des fleuves à bord de leurs propres péniches chargées de marchandises en vrac, et dont les enfants, par la force des choses, sont scolarisés en internat.

Certains attribuent l'origine du mode de vie nomade à des obligations d'ordre religieux telles que les pèlerinages - car si de nos jours, atteindre La Mecque, Saint-Jacques de Compostelle ou les Saintes-Maries de la Mer ne prend plus guère que quelques heures, il n'en allait pas du tout de même à une époque où il n'existait ni avions, ni voitures, ni autoroutes, et où tout voyage de cette ampleur était toute une expédition qu'il était particulièrement risqué d'entreprendre tout seul parce que l'on s'y exposait entre autres à se faire agresser et détrousser par des bandits de grands chemins - et puis qui allait prendre soin de soi si on avait le malheur de tomber malade ou d'avoir un accident ? La présence sur place d'un éventuel Bon Samaritain restait tout de même aléatoire, et son désintéressement tout autant... "Tout seul, on va plus vite, ensemble, on va plus loin", comme le dit le proverbe africain, donc mieux valait s'y prendre à plusieurs, et si possible dans un groupe de confiance qui partageait les mêmes coutumes et les mêmes valeurs... 

Si les pèlerinages n'étaient pas en soi l'origine du nomadisme, ils ont probablement contribué à l'encourager jusqu'à ce que les progrès de la technologie et le développement des infrastructures changent la donne à ce niveau. Et on peut dire la même chose des caravanes de marchands qui traversaient autrefois de vastes déserts sur les routes de la soie ou celles de Tombouctou - car de la même manière que les pèlerins et autres tribus et peuples nomades, c'était en caravanes entières que l'on s'attaquait au Sahara ou aux grands déserts de l'Asie, pas tout seul ni par petits groupes isolés... les croisades, guerres saintes et autres expéditions de conquête ou de colonisation n'étant évidemment pas en reste (qui a oublié les noms de Godefroid de Bouillon, de Gengis Khan, de Saladin ou de Tamerlan ?) : là aussi, si on fait la guerre, c'est par armées entières, jamais tout seul. 

Encore aujourd'hui, toute cette imagerie légendaire des gens du voyage, si proche de l'aventure sans en être vraiment, continue de faire rêver et d'inspirer films, séries et romans à travers le monde... Et encore aujourd'hui, mus par toute cette imagerie, certains font la route de Compostelle, par exemple, à pied...

Mais il ne faut pas s'y tromper : qu'il s'agisse de simples chasseurs cueilleurs ou de bergers itinérants (comme les Masaï en Afrique), de tribus ou de peuples nomades (comme les Roms), de pèlerins, de marchands itinérants ou d'armées conquérantes en campagne (ou plus simplement de colons émigrants comme dans le Far West ou en Afrique du Sud au dix-neuvième siècle), le voyage comme mode de vie implique non seulement une grande résistance physique (qui, diront certains, s'entraîne, et aussi se perd une fois qu'elle cesse d'être entretenue), mais aussi la maîtrise de moyens de transport (savoir conduire des chariots, savoir monter, commander et aussi entretenir des animaux de trait si l'on ne dispose pas comme de nos jours de véhicules à moteur ni de routes ou d'infrastructures qui leur soient adaptées) et derrière ça toute une organisation et un mode de vie spécifiques pour gérer le quotidien et ses contraintes, des plus fortes aux plus triviales : où et quand s'arrêter et pour quelles raisons, comment trouver de l'eau et de la nourriture, comment s'abriter et pour combien de temps (monter, organiser, démonter et transporter une yourte ou un wigwam, c'est tout un savoir-faire qui ne s'improvise pas), comment allumer, entretenir puis éteindre un feu de camp, comment s'arranger pour faire la cuisine, la lessive, comment entretenir et réparer les véhicules qui portent les précieux bagages, comment prendre soin des animaux de monture, de charge ou de trait, comment veiller à sa propre hygiène corporelle ou même simplement faire ses besoins naturels et comment arriver à faire tout cela à l'abri des regards et sans contaminer tout son environnement : tout cela nécessite bien des dispositions qui diffèrent largement de celles auxquelles les citadins sédentaires d'aujourd'hui, qui ont tout sur place ou presque, sont habitués. Avouons-le, la plupart d'entre nous seraient tout perdus s'ils devaient du jour au lendemain adopter un tel mode de vie... Ce sont des choses qui se préparent - par tout un entraînement ou par toute une éducation - et dans lesquelles on ne se lance pas au hasard sur un coup de tête. Ce n'est pas une entreprise pour un simple voyageur de hasard - car, non, pas plus qu'un émigrant, un touriste, un voyageur d'affaires ou d'études, un aventurier découvreur, ou même un exilé, un nomade ne s'en va pas tout seul droit devant lui les mains dans les poches au gré de son humeur. Le nomadisme, c'est toute une préparation, toute une organisation, et surtout tout un mode de vie bien à part - dont un citadin sédentaire connaît bien peu de chose mis à part l'un ou l'autre cliché glané au hasard de lectures, de récits, de documentaires ou de films de fiction. 

Et comme tout ce qu'on ne connaît pas, ou qu'on connaît mal, il génère des sentiments partagés entre la fascination et la peur. On admire les nomades pour leur débrouillardise, leur connaissance de la nature et leur respect de leur environnement - les plus écolos chez les citadins prennent de l'inspiration dans la construction des yourtes, par exemple, ou bien ils admirent les tribus amazoniennes quand elles referment soigneusement derrière elles le rideau de végétation de la forêt quand elles déplacent leur campement - mais on redoute leur mode de vie en dehors de la civilisation (il suffit de voir tous les préjugés dont sont victimes les Roms en matière de délinquance, qui constituent un obstacle à leur intégration dans la société sédentaire alors même que paradoxalement, on voudrait tout faire pour l'encourager afin d'amener les Roms à abandonner leur mode de vie nomade). Les sédentaires ont plutôt tendance à penser que de la même manière que "a beau mentir qui vient de loin", il est plus facile de mentir, de voler, de tricher ou de dégrader sans se faire attraper et sans subir les sanctions qui vont avec quand on passe son existence à se déplacer, donc à disparaître dans la nature pour tous ceux qui restent sur place. Et que dire de tous les fantasmes qui entourent la gitane, et qui ont permis en son temps à l'actrice Valérie Kaprisky de camper si merveilleusement son personnage dans le film du même nom sans même prendre la peine d'observer de vrais Gitans dans le métro parisien ou sur les aires où les communes les accueillent temporairement - car la réalité en la matière est bien loin de l'imagerie fantasmatique qui a inspiré le film et son personnage principal... Les Gitans et autres nomades, vu leur mode de vie, ont sans doute objectivement plus de facilités pour disparaître dans la nature en cas de besoin que le sédentaire typique, certes, mais ils ne sont pas pour autant les gens libres comme le vent et sans foi ni loi que se représente volontiers l'imaginaire collectif.

Et de la même manière, mais dans l'autre sens, certains enfants de bateliers, en voyant défiler les rives des fleuves, se prennent à rêver de ce que pourrait être une vie où l'on se réveille tous les jours face aux mêmes paysages, entourés des mêmes voisins, où les enfants rentrent tous les jours chez eux après l'école, et où il leur semble qu'il serait plus facile de nouer des liens d'amitié - ou plus modestement de sympathie - durables qu'en changeant de halte tous les jours que le Bon Dieu fait.

Là où les nomades constituent un exemple pour certains, c'est dans la manière dont leur façon de vivre s'harmonise avec la nature et l'environnement. Une façon de vivre dont on estime que nos sociétés sédentaires - qui, elles, ont plutôt l'habitude de modifier leur environnement selon leurs besoins, quitte à entrer en conflit avec la nature - pourraient utilement s'inspirer.

 

Crédit image : @ 123RF, image générée par IA

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Commentss (2)

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Odette Charlier 30 days ago

Le nomadisme est difficile à accepter pour certains car il entraîne une toute autre perception de la vie. .
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Jackie H 29 days ago

Tout à fait, c'est une approche de la vie radicalement différente, aux antipodes de l'accumulation prônée et encouragée par notre société de consommation, et qui implique entre autres de se recentrer sur l'essentiel (et aussi de s'en contenter)

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