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5.L'oiseau vert-de-gris

5.L'oiseau vert-de-gris

Published Sep 7, 2025 Updated Sep 7, 2025 Science fiction
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5.L'oiseau vert-de-gris

Le jour où les oiseaux se sont tus

Chapitre 5: L'oiseau vert-de-gris

C'était le spectacle le plus pitoyable qui lui fut jamais donné de voir. Dans une étroite cage de fer rongée par la rouille se tenait ramassé sur lui-même une sorte d'oiseau tout décrépi qui fixait tristement la foule amassée autour de lui. Il était en piteux état. Un bec grisâtre ébréché, un corps maladif à peine couvert de plumes vert-de-gris d'une couleur passée, et surtout deux yeux ternes et vides qui s'ouvraient sur un abîme terrifiant.

Plus Crow l'étudiait, plus il avait l'impression que son cœur se comprimait dans sa poitrine. Ce pauvre oiseau enfermé dans une cage trop petite lui faisait pitié et il avait du mal à soutenir le regard vide de la bête qui semblait le fixer. À ses côtés, Merle elle était complètement émerveillée. Avant d'entrer dans la pièce, elle trépignait d'impatience et désormais qu'elle se retrouvait face à l'unique oiseau dont elle avait tant rêvé, elle était au comble de la joie. Ses yeux pétillaient d'excitation et elle battait joyeusement des mains malgré les grognements de désappointement de la foule qui s'amassait comme elle autour de la cage.

Le propriétaire de l'unique spécimen était une sorte de businessman véreux qui vendait à prix d'or les places de ce triste spectacle. Pour lui, cet oiseau n'était qu'une marchandise et il ne se souciait guère de l'état de la bête tant que cette dernière continuait d'attirer les foules. Parfois pour impressionner ses clients, il lui titillait les flancs à l'aide d'une longue pique et lui arrachait un cri déchirant qui ressemblait plus à un hurlement d'agonie qu'à un chant. La plupart du temps, l'oiseau demeurait prostré dans sa cage et quand il ouvrait piteusement ses ailes rachitiques, il dévoilait un poitrail dénudé aux plumes arrachées.

En pensant que cet animal avait été le témoin impuissant du massacre de ses congénères et que – lui qui volait autrefois librement dans l'immensité des cieux – était désormais confiné dans cette piteuse cage aux barreaux rouillés sur lesquels il s’abîmait le bec, Ulrich ne pouvait s'empêcher de se sentir mal. Son ancienne culpabilité refaisait surface et il se voyait soudainement replonger dans les méandres de son passé.

De nouveau il se retrouvait assis à son bureau dans la clarté immaculé de son laboratoire aseptisé. Il revoyait les fioles, les béchers et les ampoules à distiller. Il ressentait les odeurs âcres, acides qui s'échappaient des cuves aux pictogrammes éloquents et qui venaient lui chatouiller désagréablement le nez. Surtout, il se souvenait de cette pièce vitrée où il avait longuement observé des oiseaux enfermés qui tournaient en rond à longueur de journée. Il se rappelait de cette femelle silencieuse qui ne cessait de le fixer, laissant paraître dans son regard intelligent et accusateur toute la peine et le désarroi de ses semblables.

Ces yeux, il les retrouvait dans le regard vide de l'oiseau vert-de-gris qui lui aussi semblait l'accuser de toutes les horreurs subies. Il avait l'impression que cette bête plongeait au plus profond de son âme pour lui faire comprendre qu'il savait et qu'il ne pourrait plus fuir.

Alors, incapable de soutenir plus longtemps le poids de ce regard, Crow tourna lâchement le dos à l'oiseau et se fraya un chemin à travers la foule pour gagner la sortie de la pièce où il se sentait soudainement suffoquer. À l'extérieur, il se laissa choir sur le trottoir et prit sa tête lourde de souvenirs entre ses mains calleuses moites de sueur. Il demeura une éternité ainsi, immobile et l'échine ployée, léchée par les rayons du soleil, incapable de détacher ses yeux de l'asphalte ténébreux et de son passé.

- Ulrich ?

S'asseyant silencieusement à ses côtés, Merle contempla tristement le quadragénaire qui avait tressailli au son de sa voix.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive ? Pourquoi tu as subitement quitté la salle ? Tu ne te sens pas bien ?

- Il faut que je t'avoue quelque chose petite... répondit distraitement l'intéressé qui ne semblait pas l'avoir entendue.

Alarmée par la soudaine solennité de son ami, la fillette observa son compagnon d'infortune qui avait enfin trouvé la force d'affronter son regard.

- Je t'ai menti, ou du moins, je ne t'ai pas tout raconté à propos de la tragédie des oiseaux. Tu vois ce scientifique dont je t'ai parlé et qui était à l'origine de leur disparition. Eh bien ce scientifique... c'était moi.

Consternée, Merle considérait l'homme ses côtés qui avait les traits assombris par une expression triste de lasse.

- Tout est de ma faute. Je ne suis qu'un monstre, un monstre lâche qui fuit devant sa propre couardise. C'est moi qui ai mis au point l'arme biologique qui les a décimés, c'est moi qui ai vidé le ciel de ses enfants, c'est moi qui ai condamné toute cette diversité à une lente agonie et qui ai mis des fers aux serres de l'oiseau vert-de-gris. J'étais jeune et ambitieux, je ne mesurais pas l'ampleur de ce que je faisais. Et quand je m'en suis enfin rendu compte, j'ai fui. J'ai tout abandonné, ma blouse et ma renommée grandissante pour venir me terrer dans cette ville sans visage où j'ai fini par m'oublier. Je suis devenu Crow, l'oiseau de mauvais augure qui porte le deuil de ce monde que j'ai aidé à détruire. Je me suis fait passer pour le fou que tu connais afin d'alerter les autres sur la triste destinée à laquelle ils s'abandonnent. Mais c'est déjà trop tard et rien ne pourra réparer le mal que nous avons causé. Je te demande pardon Merle, à toi et a tous ces enfants qui ne connaîtront plus jamais le chant des oiseaux. Maintenant laisse-moi expier mes fautes, accompagné de la solitude qui est la seule compagne que je puisse tolérer désormais.

Baissant la tête, Ulrich prit de nouveau sa tête entre ses mains et ferma ses paupières qui étaient devenues insoutenablement lourdes. Après de longs instants, il sentit que la fillette se levait et s'éloignait sans un bruit. Il eut alors un pincement au cœur mais refoula les larmes qui étaient sur le point de poindre au coin de ses yeux et releva la tête en soupirant douloureusement. Mais à sa grande surprise, Merle – les poings sur les hanches et les sourcils froncés – se tenait devant lui et le fixait sévèrement.

- Ma maman me dit toujours que quand on fait une bêtise il faut la réparer et que ça ne sert à rien de fuir ses responsabilités. Toi tu as fait une grosse grosse bêtise mais ce n'est pas pour autant que tu dois tout abandonner pour pleurnicher dans ton coin. Alors relève toi professeur Ulrich-Emanuel Ndeke car il est temps pour toi de réparer tes erreurs et je suis là pour t'aider.

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