L'invitation: Première partie
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L'invitation: Première partie
Nouvelle-Orléans, restaurant « The cotton flower »
Comme chaque vendredi soir, la salle du chic restaurant grouillait de monde. L’établissement le plus prisé de La Nouvelle-Orléans ne manquait en effet jamais de clients, et se retrouvait parfois même en manque de tables disponibles malgré les deux étages qu’il occupait. Et s’il était réputé, nul ne se faisait refuser à son entrée, restant à un tarif raisonnable permettant aux plus démunis de s’y restaurer.
Le tout était dû à l’excellente cuisine et à la poigne de fer de Richard Lefleur, propriétaire et maître incontesté des lieux.
Comme tous les jours depuis cinq ans, il dirigeait l’ensemble des cuistots et serveurs depuis la cuisine, où régnait une délicieuse odeur de viande, de légumes, d’épices et de marinade. Vêtu d’un tablier et de vêtements couleur ocre, il maniait couteaux, feu et casseroles d’une main experte, tout en houspillant et conseillant ses deux assistants, Dean et Anita.
Si « The cotton flower » comptait une dizaine de cuisiniers au total, seuls ces deux-là étaient autorisés à apprendre les moindres secrets culinaires du chef.
Entre deux services, il passait entre les tables, sans avoir l’air d’avoir sué une goutte, toujours impeccable, afin de s’enquérir du bien-être des clients. Ses apparitions étaient toujours saluées et appréciées, voire applaudies en fin de soirée, ovationné qu’il se faisait un plaisir de recevoir de son charmant sourire, quoiqu’un peu fatigué.
Ce que le public ne savait pas cependant, c’est que le chef avait pris cette routine pour des raisons bien plus personnelles que la satisfaction de sa clientèle. Pour être complètement transparent, c’était pour lui sa manière de faire ses courses, de sélectionner le futur mets qui finirait dans son assiette.
En attendant, les lieux étaient organisés comme une parfaite mécanique, une chorégraphie mainte fois répétée, qui se déroulait chaque fois sans accroc. Sauf, par exemple, quand un enfant surgissait en hurlant au milieu des cuistots actifs depuis plusieurs heures :
-Monsieur Lefleur ! Courrier pour vous ! criait le petit, en tendant l’objet de son excitation à l’intéressé.
-Pas maintenant gamin ! grogna-t-il en manipulant une énorme poêle de fonte. Je suis un peu occupé comme tu peux le voir.
-Mais la lettre, elle…
-Pas maintenant j’ai dit ! insista-t-il entre ses lèvres serrées dans un rictus tordu.
-S’il vous plaît Monsieur ! Il faut que…
-Il faut surtout que tu la fermes, morveux ! cria l’homme, à bout de patience, se tournant vers son interlocuteur.
L’enfant eu un mouvement de recul, terrifié pendant un instant par le brun, dont les prunelles, l’espace d’une seconde, avaient viré au violet intense, pendant que sa voix s’était mise à chuinter comme celle d’un serpent. Le cuisinier s’aperçut de la panique du garçonnet et se calma.
-Pardon petit. Je suis un peu à cran ce soir.
« Ce n’est pas dans mes habitudes de m’énerver si facilement, pensa-t-il, songeur. J’ai clairement besoin de viande. Il doit me rester un morceau ou deux de ma dernière chasse dans le cellier. J’ai manqué de timing. »
-Qu’est-ce qu’elle à de particulier, ta lettre ? fit-il le plus gentiment possible.
Retrouvant une petite mine contente, le jeune facteur lui tendit une enveloppe de papier noir, sur laquelle était inscrite en lettre d’argent :
« À l’intention de Monsieur Richard Lefleur »
L’homme marqua un temps d’arrêt, comme hypnotisé par l’étrange missive.
-Monsieur ! On à besoin de vous ici ! lança la voix d’une femme depuis le fond de la cuisine, accompagnée d’une flopée de juron.
-J’arrive Anita ! répondit-il sur le même ton, sortant de sa torpeur. Empêche Dean de perdre sa main, je suis là dans une minute.
-Mais tout va bien, je contrôle la si… renchérit une voix masculine, interrompue bien vite par le son d’un coup de torchon.
Le chef se retourna vers l’enfant d’un air mi-agacé, mi-amusé, pour ajouter :
-Merci petit. Repasse vers 23 heures, on te donnera quelque chose pour toi et ta famille à manger ce soir.
Ravi, le petit garçon s’enfuit par la porte de service, au milieu des grommellements du personnel. Richard Lefleur se replongea quant à lui dans son travail comme si de rien était. La soirée reprit son cours normal, comme chaque fois, la prestation fut un succès, et Dean, bien qu’un peu réprimandé, garda sa main intacte.
Quelques heures plus tard, le cannibale finit par s’asseoir dans sa voiture, enveloppe à la main. Après l’avoir examinée sous toutes ses coutures, il l’ouvrit, curieux.
Elle contenait une lettre, de papier noir elle aussi, et un billet de ferry en direction de l’Espagne, partant trois jours plus tard. Il reporta son attention sur la note, et plus il avançait dans sa lecture, plus l’excitation le prenait. C’était Elle, l’intruse, il en était sûr. Tout avait donc débuté.
Arrivé chez lui, il commença à préparer ses affaires, songeant à comment il pouvait justifier son absence. Anita saurait gérer la boutique, et Dean du même coup, il n’était pas inquiet pour ça. Par-dessus tout, les mots de la missive tournaient en boucle dans sa tête, le ravissant au plus haut point.
« Cher Monsieur Lefleur,
C’est avec un immense honneur et plaisir que je vous convie à plusieurs jours de festivités dans ma demeure à partir du 27 juillet 1928 dans mon manoir de Cadix. Soyez sans crainte, le voyage est à ma charge, comme vous avez pu le constater. Je vous attends avec une grande impatience.
Luzia Ifelis Dela Ria
P.S.: Apportez votre masque, vous en aurez besoin. »
Lisbonne, Auberge « O viajante bêbado »
Accoudée au bar d’un petit bistrot un peu sordide, Edith fixait enveloppe sombre depuis plusieurs heures. Heures durant lesquelles elle avait bu, s’était fait accoster une dizaine de fois avec plus ou moins de délicatesse et ne s’était pas privée de passer sa mauvaise humeur sur ces hommes qui, d’après elle, croient que tout leur est acquis, en particulier les femmes.
La valseuse décida finalement de décacheter la lettre, qu’elle avait trouvée quelques heures plus tôt sur le pas de la porte de son hôtel, rongée par la curiosité. La missive était de la même teinte que son étui de papier, et était accompagnée d’un billet de train en direction pour Séville. Elle analysa également la lettre, de peur qu’elle ne soit enduite de poison, réflexe qu’elle avait développé de par sa longue expérience avec ceux-ci.
« Chère Miss Sinclair,
C’est avec un immense honneur et plaisir que je vous convie à plusieurs jours de festivité dans ma demeure à partir du 27 juillet 1928 dans mon manoir de Cadix. Soyez sans crainte, le voyage est à ma charge, comme vous avez pu le constater. Un chauffeur viendra vous chercher à la gare de Séville. Je me fais une joie d’enfin vous rencontrer, car on m’a longuement parlé de vous et de vos talents. En vous attendant avec une grande impatience.
Luzia Ifelis Dela Ria »
La jeune femme resta perplexe. Qui était cette dame ? Et pourquoi si soudainement ? Si l’auteur de cette invitation fut un homme, elle pouvait comprendre, mais dans le cas présent…
Cependant, malgré ces interrogations, la danseuse ne manquait jamais une occasion de faire la fête, et surtout, cela lui donnait l’opportunité de s’exercer dans son autre domaine de prédilection. Et puis le voyage était offert, donc pourquoi s’en priver ? Il n’y avait aucune raison pour que ça tourne mal.
Elle sortit donc du bar, légèrement titubante, en direction de son hôtel. Le train était dans quelques jours, elle avait donc un peu de temps pour profiter de la ville, voire de faire ses adieux proprement, et non comme une voleuse en fuite. Lisbonne, elle en avait fait le tour. Il était temps pour l’Autrichienne de changer d’horizon.
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Chapitre un peu court mais il faut bien laisser monter la tension !
Pour la peine, voici une magnifique représentation de Richard faite par @ElysioAnemo, à laquelle je suis complètement accro. Il à également réalisé la couverture, qui entre nous, est toute à fait fabuleuse.
Jackie H 4 months ago
Bravo à Elysio dont on ne peut pas manquer la "patte" - et merci de ce plongeon dans cet univers à la Sweeney Todd 🙂
Cheshire 4 months ago
Merci pour lui, je fais passer le message ! Par contre je ne connais pas du tout Sweeney Todd... 😅 Pouvez-vous m'en dire plus ?
Jackie H 4 months ago
Sweeney Todd et sa femme Mrs Lovett, dans le Londres du dix-neuvième siècle, ont tenu un restaurant qui ne manquait jamais de viande... et pour cause, puisqu'il s'agissait de chair humaine !! Ils sont évoqués dans le parcours du London's Dungeon (juste à côté du London's Eye, la fameuse grande roue) et on a fait de leur histoire un film avec Johnny Depp et Nathalie Portman. Attraction et film sont à voir 🙂
Elysio Anemo 3 months ago
J'aime beaucoup les dessins que je fais pour son histoire, elle me donne beaucoup de détails pour les réaliser