

Une histoire d’enfants
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Une histoire d’enfants
Leur naissance avait été tenue secrète. La tour Eiffel avait donné naissance à des octuplés.
Tout jeunes, leur structure encore peu aguerrie, on les avait placés en terrain d’accueil, assez proche de Paris. À deux mois, ils présentaient déjà de belles envolées qui témoignaient de la vigueur de leur ascendance.
Leur maman, attentive, les observait de loin. Les jeunes tour Eiflon – le terme, importé des girafes, n’était pas très joli – se développaient rapidement et se projetaient déjà dans des futurs radieux.
« Moi, j’irai à Londres », disait l’un. « Moi, à Berlin », répondait l’autre. Ils s’imaginaient en capitale, poursuivant la carrière de leur mère. À cet âge, le rêve a la saveur des réalités, il n’est pas encore lesté des petites difficultés de la vie qui pèsent sur son accomplissement. Ils s’en donnaient donc à cœur joie et multipliaient les possibilités.
« Nous pourrions aussi rester proche de maman et entourer la capitale. Nous pourrions rayonner à Paris ! » dit un troisième.
Le premier né, un peu grognon, fit grincer ses poutrelles pour marquer sa désapprobation : « Arrêtez de vous projeter ! Notre fonction n’est que figurative et symbolique, et encore, par filiation, il nous faut trouver autre chose pour exister que de simplement nous poser. »
Le jeune rabat-joie fit naître un silence un peu gêné. Heureusement, il ne dura qu’un court instant.
« Moi, ma fonction c’est le ciel ! », « moi, la mienne, c’est d’abriter les pigeons ! », « moi, c’est d’être pris en photo ! », « moi, c’est d’observer ! »
Cela fusait de toute part.
La tour Eiffel au loin écoutait sans rien dire. Elle savait bien la valeur des rêves d’enfant.
Elle fut néanmoins attentive à la déclaration de son petit huitième qui jusque-là était resté silencieux : « Moi, j’irai voir papa ! »
Ce qui la plongea dans un abîme de réflexions, que la pudeur de l’époque nous oblige à ne pas dévoiler.
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source : https://nepantla.net/L_C_37.html
Traduction en espagnol : https://nepantla.net/L_C_37_esp.html
Image : gallica.bnf.fr / BnF

