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La maladie de Sachs

La maladie de Sachs

Published Aug 13, 2020 Updated Aug 13, 2020 Culture
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La maladie de Sachs

Dernier de ma sélection de romans de l’été dernier, La Maladie de Sachs de Martin Winckler n’est pas le moindre, et il m’a fait passer un excellent moment de lecture.

Martin Winckler, c’est un auteur dont j’avais hâte de lire un roman. Ça faisait bien longtemps déjà que j’avais hâte hein, mais moi quand j’ai hâte ça ne m’empêche pas de prendre mon temps… Je crois que mon premier contact avec Winckler s’est fait par l’adaptation cinématographique de
La Maladie de Sachs justement. Film dans lequel Albert Dupontel tient le rôle principal et que je n’avais malheureusement vu que partiellement il y a fort longtemps (ça doit facilement remonter à une petite dizaine d’années…). Mais ça m’avait suffisamment intrigué pour le noter dans un coin de mon esprit dans la case « à approfondir », pêle-mêle avec une bonne centaine d’autres trucs divers et variés. D’ailleurs depuis lors je n’ai jamais réussi à revoir ce film, et je n’ai jamais réussi à mettre la main dessus en dvd… Quelques temps plus tard, j’ai « refait » connaissance avec Martin Winckler alors qu’il proposait une chronique quotidienne le matin sur France Inter. Comme son heure de diffusion tombait pile poil pendant mon trajet du matin pour aller au boulot, je ne ratais aucun de ses billets radiophoniques passionnants. Et je me souviens parfaitement m’être dit en l’écoutant « faut vraiment que je lise un roman de ce type ». C’était en 2003. Il s’est fait virer comme un malpropre au bout d’une saison, pour avoir un peu trop égratigné à l’antenne quelques lobbies pharmaceutiques français… Mais le gars Winckler est un touche-à-tout avec lequel je partage plusieurs passions. Au départ Martin Winckler, de son vrai nom Marc Zaffran, est médecin généraliste. Mais c’est aussi un passionné de comics et de séries télévisées, c’est ainsi que je suis tombé sur son bouquin Super-Héros, où il traite de sa passion pour les encapés américains. Je l’ai d’ailleurs retrouvé encore plus tard dans feu Comic Box (excellent magazine bimestriel français consacré aux comics) où il rédige une chronique sur son amour de la bande dessinée. Et puis pour ceux qui sont un peu curieux, vous aurez peut-être remarqué que depuis que je tiens ce blog, il y a un lien qui pointe vers son site parmi les quelques adresses que je vous invite à visiter…
C’est donc en 2009 que j’achète (déjà…) le roman
La Maladie de Sachs (Winckler en a écrit plusieurs depuis, mais je tenais à lire celui-ci en premier). Et voilà, fin août 2010, je lis enfin La Maladie de Sachs. Tout vient à point…

Après cette longue introduction totalement inutile mais qui aura permis de mettre en lumière le fait que je sois parfois long, très long, à la détente, je vais essayer de vous causer du bouquin quand même !
Parce qu’il est bon en plus de ça. Souvent après une trop longue attente, la déception l’emporte sur les promesses de satisfaction… on en attend trop et forcément on est un peu déçu.
Eh bien là non, pas du tout. Pour plusieurs raisons. D’abord parce que je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre, donc je n’avais pas d’idée préconçue sur ce que j’allais lire. Ensuite parce que même sans idée préconçue au sujet de son livre, l’auteur a su me surprendre ! Paradoxal non ? Aussi bien sur la forme que sur le fond, l’histoire du docteur Sachs m’a pris par surprise, étonné, et finalement séduit.

Ici, pas d’intrigue rocambolesque, pas de suspense haletant, aucune énigme à résoudre et rien qui ne vous pousse à tourner les pages fébrilement pour enfin connaître la réponse à une question centrale… Non, rien de tout cela. À la place, il s’agit d’une chronique de la vie quotidienne d’un jeune médecin généraliste qui ouvre un cabinet de consultations au fin fond d’une région rurale pas du tout glamour… On le suit dans ses visites à domiciles, dans ses rendez-vous à son cabinet, dans ses interventions en urgence, dans ses permanences de week-end, dans ses tours de garde bénévoles à l’hôpital… De patient en patient, on découvre des mal-être, des douleurs physiques mais aussi psychologiques et morales, des petits bobos ou de graves maladies, des souffrances muettes et des hypocondries fatigantes. On voit de tout, de l’insignifiant au tragique, et le tout forme un univers d’une diversité et d’une cohérence bluffantes. Le monde vu par
Bruno Sachs est étonnant : sous les aspects d’une banalité terne, la vie se révèle sous le prisme de son regard d’une complexité et d’une richesse passionnantes. Car le petit mal de tête et le cancer sont traités avec le même professionnalisme, et surtout avec le même intérêt et humanisme de la part du docteur Sachs… à ses yeux ils revêtent le même habit qui donne tout son sens à sa vocation : l’obligation morale de soigner, et sinon de guérir au moins de soulager. Bruno Sachs n’est pas un médecin banal. Il s’intéresse avant tout aux gens, pas aux maladies. Ses patients sont avant toute chose des êtres humains, pas uniquement des malades. Et ça change tout dans les rapports soignant-soignés.

Toutes ces choses, on les comprend au fur et à mesure de la lecture. Martin Winckler instaure une ambiance inattendue : on pourrait croire qu’on va s’ennuyer à lire les petites lamentations des gens qui viennent se faire soigner chez le docteur Sachs, mais en fait il n’en est rien. D’autant que pour rythmer le tout, l’auteur a recours à un procédé que je n’avais jusqu’alors encore jamais vu dans un roman. Bon ok c’est pas comme si j’avais lu toute la bibliothèque d’Alexandrie mais bon, quand même. La majeure partie du livre est écrite à la seconde personne du singulier. Autrement dit la narration se fait de façon multiple et indirecte. Je m’explique. Le personnage principal est Bruno Sachs. Le narrateur n’est jamais Bruno Sachs. C’est toujours son interlocuteur (et donc très souvent, son patient du moment) qui parle. Et qui décrit les actes et les paroles du docteur en le désignant par « Tu ». De fait, Winckler procède par de courts chapitres (une à quelques pages), dont le titre est généralement le nom du narrateur, qui raconte une scène ou un moment de la vie du médecin vu par les yeux de quelqu’un d’autre. C’est assez déconcertant au départ, mais on se prend vite au jeu, et visiblement l’auteur s’en amuse également, jonglant entre les personnalités et passant d’un point de vue à un autre avec pertinence et habileté.

Tiens, je disais plus haut « pas de question centrale » mais en fait c’est faux. Plus on avance dans le récit, plus on en apprend sur le docteur Sachs (qui se découvre pudiquement, par ses rapports aux autres), plus on voit poindre son malaise. Il écoute, conseille, soigne, aide, soutient les gens au quotidien. Et on a le sentiment que tout le poids dont il soulage les autres, pèse sur ses épaules à lui, le déséquilibrant et le mettant en danger. On sent naître de la fatigue, du découragement parfois, de la lassitude. Et tout au long du roman on ne peut s’empêcher de se demander : tiendra-t-il ?

Alors je ne vais pas tergiverser et monologuer plus longtemps. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce très intéressant roman (et qui prend le temps de se lire, la version poche compte 660 pages environ). Vraiment,
La Maladie de Sachs est un très bon bouquin, passionnant, marquant, innovant, remarquablement écrit, plein de sensibilité (et je n’ai pas dit sensiblerie, la nuance est de taille) et d’humanité. Martin Winckler est décidément, cette fois j’en suis sûr et certain, un auteur « à approfondir ».

 

Cet article a été initialement publiée sur mon blog : www.moleskine-et-moi.com

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