

Prête à affronter ce monde
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Prête à affronter ce monde
J'ai tout quitté pour te suivre. Ma famille. Mon foyer. Mon héritage. J'ai renoncé à qui j'étais juste pour toi. Pour te protéger et ne pas froisser ta masculinité. J'ai cru en ton amour. En tes belles paroles vides de sens. J'ai pris ta défense trop souvent lorsque les autres me mettaient en garde contre toi. J'ai fermé les yeux sur ton attitude abusive envers moi. Mais ce temps est révolu. Aujourd'hui, sonne le glas de notre histoire.
Je suis fatiguée d'avoir été si naïve. De voir le fruit de mon travail acharné t'être attribué. Dire que je pensais t'aider. Te soutenir. Mais je ne te rendais pas service. Après mon départ, tout autour de toi va s'effondrer. Sans mon labeur, toutes tes collaborations, tous tes projets vont avorter. Toujours dans ton ombre, j'ai endossé tant de rôles au sein de cette société, m'épuisant un peu plus chaque jour.
Étrangement, je ne regrette rien. Absolument rien. Ces années à tes côtés m'ont forgée. Elles ont renforcé mon pouvoir, même si elles ont quelque peu entaché mon estime de moi. Je suis plus forte que ne l'était cette petite fille sans défense que tu as rencontrée. Je suis féroce, ce qui rend mon départ d'autant plus dangereux. Je n'avais nullement l'intention de me venger avant ce dernier affront. J'étais déterminé à partir simplement et à te laisser faire face à tes responsabilités, seul. Te prouvant ainsi que tu n'es rien sans moi. Et que tu ne seras jamais quelqu'un sans mon soutien.
Mais il a fallu que tu cherches à m'humilier devant nos soit disants amis et nos collaborateurs. Il a fallu que tu me prives d'une sortie digne et sans accroc. Tu n'es qu'un idiot. Mon père avait raison. Dire que je me suis disputé avec lui quelques jours avant sa mort à cause de toi. Jamais je n'ai eu l'opportunité de lui dire au revoir. De lui dire que je l'aime et m'excuser pour ma stupidité. Ma crédulité. Tu m'as privé de cette chance et il est décédé en pensant que je finirais mes jours à tes côtés. Pourtant, il m'a pardonné. Dans une ultime lettre, il m'a dit me faire confiance et savait que je ferais les bons choix. Et ce soir, j'espère ne pas le décevoir.
J'en ai fini avec toi. Après cette soirée, il ne restera plus rien de toi ou de ton entreprise. Je reprends les rênes du groupe Grant, celui-là même qui a financé la plupart de tes écarts. Celui-là même qui t'a permis de briller durant toutes ces années, te faisant croire à ton talent. Qui m'a offert la couverture idéale pour mes compétences dans la finance et le design. Je ne suis pas la seule à avoir été aveugle toutes ces années. Comment as-tu pu imaginer, alors que lors de nos études tu ne m'as jamais égalée, être le nouveau génie de la joaillerie ?
Heureusement que, malgré mon amour, j'ai gardé mes habitudes pour protéger mes créations et mon travail. Rien ne t'appartient. Aucun de mes croquis. Aucune de mes idées. Elles sont toutes la propriété du groupe Grant et seront présentées lors de la réception comme notre toute nouvelle collection. Tout comme mon visage sera enfin dévoilé au public, après tant d'années d'absence, comme étant la nouvelle effigie du groupe. Je reprends la place qui m'est due. Celle pour laquelle je me suis préparée durant tant d'années.
Je suis Léa Grant, unique héritière de Bruce Grant, magnat de la finance qui a fait fortune dans la joaillerie et la haute couture. Je suis restée cachée trop longtemps. Non par peur, mais par amour. Du moins, c'est ce que je pensais. Car, aujourd'hui, je doute de t'avoir réellement aimé. Ta trahison et ton venin ne m'ont pas anéanti comme ils l'auraient du. Ils m'ont libérée et fait grandir. Et à présent, je suis prête à affronter ce monde impitoyable duquel mon père m'a toujours protégée.
Texte de L. S. Martins (15 minutes chrono, sans relecture).
Image par tracy liang de Pixabay : Ville Immeubles Urbain Le Coucher - Photo gratuite sur Pixabay

