

Chapitre 15 : Le glaive brisé
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Chapitre 15 : Le glaive brisé
L’aube du lundi matin nous trouve enlacés, repus, dans cette chambre anonyme élevée au rang d’écrin de notre idylle toute neuve. Nous n’en sommes que peu sortis durant le week-end, sauf pour nous ravitailler et nous abreuver de nicotine ou de cafés. Comme des amants fauves qui se faufilent à travers la jungle urbaine déserte et sombre. Nulle envie que des inconnus viennent perturber, de leurs souffles, l’alchimie en train de naître sous nos doigts magiciens.
Une impitoyable lumière filtre à travers les rideaux ; Emmanuel dort encore. Je jette un coup d’œil à mon portable : 7 h. Il est temps de me préparer, de lisser les traits froissés de mon visage, de me hâter à travers l’histoire de la ville, traversant les quartiers du plus huppé et historique au plus morne et industrialisé. Je devrai affronter le regard désapprobateur de Dorian et patienter jusqu’à la fin de la journée pour récupérer Fleur à la crèche. Emmanuel est toujours près de moi, mais c’est presque comme s’il était déjà parti pour retrouver sa capitale chérie. Et moi, je n’ai jamais été douée pour dire au revoir. Je m’enroule dans un des draps entortillés et me glisse dans la salle de bain pour y prendre une douche brûlante, me maquiller, me coiffer. Revêtir ma carapace aux yeux du monde, en définitive. Il m’a vue sans aucun artifice, sans aucun textile, dans ma vulnérabilité la plus abrupte. Finalement, il n’y avait pas tant d’hommes que j’avais laissé frôler cette forme d’intimité avec moi, jusqu’au matin... Quand je sors, parée à affronter le monde de faux-semblants qu’est devenue ma planète, il est déjà prêt. Son sac est bouclé, sa mine est morne. Je mordille ma joue de l’intérieur.
Ne me fais pas ça, Emmanuel. Si je ressens ta tristesse, ça risque de déborder…
Je me blottis un instant contre lui, m’enivre des senteurs de sa peau pour les graver dans ma mémoire pour quand j’aurai froid et claque des talons, puis, lance :
— Café ! Petit déj ! Je suis affamée !
Il sourit, dessine une mimique à croquer sur ses lèvres et niche sa main dans le creux de mon dos pour m’escorter à la salle de restaurant. Ne pas montrer sa peine, c’est moche le chagrin. Paraître lumineuse, brillante, parsemer des paillettes sur son chemin, surtout ne pas peser. Je grignote encore un peu de sa présence dans mon univers, quelques miettes de croissant au beurre, engloutissant des gorgées de café au lait pour ne pas laisser d’éventuels trémolos s’inviter. Je défie le temps, qui déroule ses aiguilles. Je vais être en retard, c’est inéluctable, mais je m’en fiche... royalement.
Et puis, vient le moment déjà redouté de se dire au revoir. Sur le perron de l’hôtel, je l’embrasse tendrement, en équilibre sur la pointe de mes pieds et m’en vais sans me retourner. Je déteste ça. Vraiment. Et pourtant, je vais devoir m’y habituer…
Au coin de la rue, la Twingo de Nolwenn m’attend, garée en double-file. Ça, c’est vraiment une pote. Elle râle un peu pour la forme, mais c’est comme ça que je l’aime. Je lui avais furtivement envoyé ma localisation quand Emmanuel attendait mon lait chaud. Elle me raconte quelques ecchymoses de la vraie vie pour me ramener lentement sur le sol, et déjà, nous arrivons à proximité du bureau. Je suis heureuse qu’elle soit à côté de moi, à cet instant. William, spectral, m’attend devant les grilles de l’accueil. Si j’étais venue à pied, il m’aurait confrontée sur place, me dominant de toute sa hauteur. Mais protégée par l’habitacle, je me sens plus forte que lui et me contente de baisser la vitre quand on s’arrête à sa portée.
— Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
— Avec QUI tu étais ce week-end ? C’est le même mec que la dernière fois au moins ? Ben oui !! Je suis au courant, Juliette, figure-toi ! Alors, pour ton petit jeune je n’ai rien dit ; mais là c’est hors de question que tu présentes n’importe qui à ma fille ! Je te préviens, ça ne va pas se passer comme ça !
C’en est trop. S’il y avait eu le moindre problème avec Fleur, ou s’il avait eu besoin de me joindre, j’étais disponible à toute heure du jour et de la nuit. Il le savait pertinemment. Il avait la garde ce week-end et pourtant il savait, aussi, que j’avais déserté mon appartement. Donc soit il continuait à me surveiller, soit quelqu’un d’autre continuait à le faire pour lui. A travers le pare-brise, je jette un bref coup d’œil, pour vérifier que les agents de sécurité surveillent de loin. Puis, je sors de la voiture en claquant la portière - Nolwenn ira se garer plus loin – tandis que je m’approche, en apparence d’un calme olympien, mais bouillonnante de rage en-dedans. A cette seconde, je me sens puissante, grande, je me sens reine, il ne me fait plus peur. Surtout sous la protection silencieuse de tout un tas de flics, plus ou moins planqués. Je pointe mon index sur sa poitrine, vrille mon regard dans ses yeux. Et assène en prenant bien soin d’articuler chaque syllabe pour qu’elles se tatouent au fond de ses souvenirs :
— Ah oui ? Et dis-moi Will ? Tu vas faire quoi ? Ce n’est pas un lieu de débauche chez moi, et crois le ou non mais quand notre fille est avec toi, je fais CE QUE JE VEUX ! Ça ne te regarde d’aucune façon. Et puis, franchement, avant de parler et de me demander des comptes, balaie déjà devant ta porte. C’est terminé William, je n’ai plus peur de toi ou de ce que tu vas penser. Maintenant, c’est ce qu’en pense la justice qui m’intéresse... On parlera à BORATEAU de tes petites tentatives d’intimidation devant mon lieu de travail, sans compter ton espionnage grossier, je suis sûre qu’elle va adorer ! Allez ciao, viens plus me voir ici sinon je lâche les fauves.
Altière, je fais claquer mes doigts sous son nez et file avant qu’il n’ait le temps d’envisager quelques représailles que ce soit.
Deuxième impact. Tic, Tac...
Au début, rien ne change vraiment (fondamentalement). Emmanuel vient me retrouver à Rennes, les week-ends où Fleur part chez son père. Il arrive le samedi après-midi, repart le lundi soir. Ainsi, il croise la petite l’espace de quelques heures, av
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