

RDC/Rwanda : une paix introuvable ?
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RDC/Rwanda : une paix introuvable ?
Par Lola Clarouche
On se prend à vouloir y croire. On se prend à rêver que le « Washington Accord » — ainsi pompeusement baptisé, signé sous les ors diplomatiques et la bénédiction tonitruante de Donald Trump — puisse mettre fin à l’interminable tragédie de l’Est congolais. On aimerait imaginer que la signature de quelques hommes, dans une salle capitonnée à Washington, suffira à tarir les rivières de sang qui coulent entre Goma et Bukavu, suffira à calmer l’hallali des milices, à apaiser les terreurs de la nuit congolaise.
Mais voilà. Les faits, cruels, reviennent. Ils démentent les belles paroles et les photos officielles. Quelques jours après l’accord, le M23 frappe à nouveau. Cent quarante morts, dit-on, cent quarante anonymes, cent quarante visages effacés. Et ce détail qui n’en est pas un : le M23 n’a pas signé l’accord. On a voulu croire à une paix sans les acteurs mêmes de la guerre. Une paix abstraite, de papier, qui se heurte déjà à la terre, à la chair, à la brutalité du réel.
C’est là la première limite : un texte qui feint d’ignorer le M23 n’est pas un texte de paix, mais une illusion diplomatique.
La seconde limite est plus grave encore : le cœur de l’accord est économique. Derrière les promesses de retrait des troupes rwandaises et les discours sur la réconciliation, il y a les minerais : le coltan, le cobalt, l’or gris du monde moderne. Il y a l’appétit des grandes puissances pour ces richesses souterraines, et la tentation d’adosser la paix au commerce. Comme si le commerce suffisait à faire taire les armes ; comme si l’ordre minéral pouvait remplacer l’ordre politique.
La troisième limite enfin, c’est l’instrumentalisation. Trump, tel qu’en lui-même, en a fait un trophée. Lui qui aime à dire qu’il met fin aux guerres comme on éteint des bougies, exhibe ce Congo pacifié comme une médaille. Mais à l’heure où les machettes s’abattent encore, où la peur reste au ventre des civils, cette mise en scène sonne comme une insulte.
Reste alors la vérité nue : la guerre est là. Le Rwanda, par ses ombres et ses proxys, continue de hanter l’Est congolais. L’État congolais demeure faible, poreux, livré aux seigneurs de guerre. Et la paix véritable — la seule qui vaille, la paix des peuples et non des signatures — suppose autre chose : Inclure tous les acteurs, même les plus gênants, ; fonder des mécanismes de contrôle indépendants, crédibles, contraignants. Et surtout, rendre justice aux victimes, car sans justice, la paix n’est qu’une mascarade.
Il n’y aura pas de solution magique. Pas de paix tombée du ciel. Pas de miracle diplomatique venu d’Occident. Mais un travail long, exigeant, obstiné, qui commence par dire ce que tout le monde voit : que l’accord de Washington est un écran de fumée, une opération de prestige, et qu’il faudra bien davantage qu’un tweet triomphal de Trump pour défaire la logique de mort qui, depuis trop longtemps, tient la région sous son joug.

