

Quid de la place des femmes dans le travail et la politique en Afrique (2025) ? Par Karl-Alexandre Pinot et Lola Clarouche
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Quid de la place des femmes dans le travail et la politique en Afrique (2025) ? Par Karl-Alexandre Pinot et Lola Clarouche
Par Karl-Alexandre Pinot, président du Cercle Alliance et Lola Clarouche, chercheuse en géopolitique
Introduction (Par Karl-Alexandre Pinot)
En 2021, le Cercle Alliance avait accueilli Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre de l'Éducation Nationale. Elle avait pris le temps de nous parler d’un sujet essentiel : la condition des femmes en Afrique. Elle nous avait rappelé avec beaucoup de force que, malgré des avancées, leur place restait fragile, et qu’un immense travail devait encore être accompli pour leur donner accès à la pleine égalité dans l’éducation, le travail et la politique. Ce soir-là, le débat avait profondément marqué nos membres, car il montrait à quel point la question féminine en Afrique n’était pas seulement un enjeu social, mais aussi un levier de développement et de stabilité pour l’ensemble du continent.Dans le monde du travail : des progrès, mais un marché inégal.
Najat Vallaud-Belkacem, invitée de l'Alliance
En Afrique, la place des femmes dans le monde du travail et de la politique a connu des avancées notables ces dernières décennies, mais les inégalités restent tenaces. Malgré quelques progrès, la parité est loin d’être atteinte. Par exemple, la proportion de femmes parlementaires en Afrique n’est passée que de 25 % en 2021 à 26 % en 2024, une progression si lente qu’au rythme actuel l’égalité femmes-hommes dans les parlements africains ne serait atteinte qu’en l’an 2100. Ce constat illustre l’ampleur du chemin restant à parcourir. Néanmoins, des femmes africaines ont brisé le « plafond de verre » et occupent désormais des postes de premier plan, aussi bien dans la sphère professionnelle que politique, ouvrant la voie aux générations futures.
Les Africaines participent activement à l’économie du continent, souvent en première ligne dans les secteurs essentiels. Elles représentent près de la moitié de la population active et sont la cheville ouvrière de l’économie informelle. En Afrique subsaharienne, environ 70 % de la main-d’œuvre informelle est féminine – qu’il s’agisse de petites commerçantes, d’agricultrices ou de travailleuses indépendantes. Cette prédominance dans l’informel signifie que beaucoup de femmes travaillent sans protection sociale ni stabilité, souvent par nécessité faute d’accès aux emplois formels. Par ailleurs, les Africaines sont également très entreprenantes : le continent affiche l’un des taux d’entrepreneuriat féminin les plus élevés au monde (autour de 25 % des femmes adultes, contre environ 6 % en Europe) – signe que, malgré les obstacles, de nombreuses femmes créent leur propre activité économique. Cependant, ces entreprises féminines restent majoritairement de petite taille, freinées par le manque d’accès au crédit, aux formations et aux marchés.
Dans le secteur formel et les postes de décision économiques, la parité est loin d’être atteinte. Les conseils d’administration et directions d’entreprises africaines restent majoritairement masculins. Il existe encore des secteurs entiers où les femmes sont sous-représentées – parfois en raison de barrières légales ou culturelles. Par exemple, dans certains pays, des lois restrictives ont longtemps empêché les femmes d’accéder à des emplois bien rémunérés dans des industries comme l’énergie. De plus, les écarts de salaire entre hommes et femmes persistent, tout comme la ségrégation professionnelle (les femmes étant concentrées dans des emplois moins valorisés ou précaires).
Néanmoins, des signes encourageants émergent. Quelques femmes accèdent à des postes de leadership économique de premier plan, brisant les stéréotypes. En 2024, la Sud-Africaine Mpumi Madisa est devenue la seule femme noire dirigeant une entreprise figurant parmi les 40 plus grandes sociétés cotées à la bourse de Johannesburg (Bidvest). Dirigeante d’un groupe employant plus de 130 000 personnes, son parcours illustre l’ouverture progressive – quoique timide – des sommets de l’entreprise aux Africaines. D’autres encore se distinguent, telle la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, première femme africaine nommée à la tête de l’Organisation mondiale du commerce en 2021. Ces exemples individuels, bien que rares, offrent des modèles positifs et montrent que la participation des femmes au monde du travail africain ne se limite pas à la base de la pyramide, mais peut s’étendre jusqu’au sommet.
Dans le monde politique : une représentation en hausse, mais inégale (par Lola Clarouche)
En politique aussi, les Africaines ont gagné du terrain, tout en restant confrontées à de nombreux freins. La représentation des femmes en politique s’est améliorée par rapport au siècle dernier, grâce notamment à des réformes et à une prise de conscience de l’importance d’inclure les femmes dans la gouvernance. En moyenne, 26 % des sièges parlementaires en Afrique sont occupés par des femmes (contre 26,5 % dans le monde). Ce chiffre cache de fortes disparités régionales et nationales : certains pays sont à l’avant-garde, d’autres très en retard. Le Rwanda fait figure de modèle avec 61 % de députées – le taux le plus élevé au monde. À l’inverse, des puissances démographiques comme le Nigéria n’ont que 4 % de femmes parlementaires. Sept pays africains seulement atteignent ou dépassent 35 % de femmes au Parlement en 2024, tandis que beaucoup restent sous la barre des 20 %.
Au niveau de l’exécutif, on compte en 2025 plusieurs femmes cheffes d’État ou de gouvernement en exercice sur le continent – une situation autrefois exceptionnelle. La Tanzanie, par exemple, est dirigée depuis 2021 par la présidente Samia Suluhu Hassan, première femme à accéder à la magistrature suprême dans ce pays. En 2024, la République démocratique du Congo a nommé pour la première fois une femme Premier ministre, Judith Suminwa Tuluka, symbolisant une avancée historique dans un pays jusque-là très en retrait sur la parité. De plus en plus de femmes occupent aussi des postes ministériels ou des fonctions de maires et de gouverneures. Cependant, ces exemples ne doivent pas masquer la réalité globale : seulement 22,8 % des ministres africains sont des femmes et peu de femmes dirigent des ministères régaliens stratégiques.
Comment expliquer ces progrès limités malgré la volonté affichée ? De nombreux obstacles systémiques entravent encore la pleine participation des Africaines à la vie politique. Le poids du patriarcat et des normes culturelles reste déterminant : on attend souvent des femmes qu’elles privilégient leur rôle d’épouse et de mère, ce qui rend difficile leur engagement public. La double charge travail-famille, faute de partage équitable des tâches domestiques, freine les vocations et carrières politiques féminines. Les mentalités évoluent lentement, et dans certaines sociétés, voir une femme en position de pouvoir demeure mal accepté. En politique, les femmes qui s’affirment subissent parfois des campagnes de calomnie, du harcèlement et même des violences, notamment en ligne. Ce climat hostile peut dissuader nombre d’entre elles de briguer des mandats électifs. En outre, l’accès aux ressources financières et aux réseaux d’influence – souvent dominés par des cercles masculins – est plus difficile pour les femmes, ce qui complique le financement de leurs campagnes électorales et leur ascension au sein des partis.
Pourquoi est-il crucial que les femmes soient présentes ? (par Lola Clarouche)
L’inclusion des femmes dans le monde du travail et en politique n’est pas seulement une question de justice ou de droits ; c’est aussi un levier de développement et de bonne gouvernance. De nombreuses études démontrent les bénéfices concrets d’une plus grande participation des femmes. Voici quelques raisons majeures qui expliquent pourquoi la présence des femmes est importante :
- Dynamisme économique et croissance accrue : réduire les inégalités de genre sur le marché du travail stimulerait l’économie. Selon la Banque mondiale, si les femmes participaient autant que les hommes à l’emploi, le PIB par habitant augmenterait de 20 % en moyenne. Autrement dit, l’autonomisation économique des Africaines est un puissant moteur de croissance pour le continent. De plus, les entreprises ont tout intérêt à promouvoir la mixité : un meilleur équilibre femmes-hommes dans les effectifs et au sein des directions est bon pour les affaires, étant corrélé à plus d’innovation, une meilleure performance financière, une gestion des risques améliorée et une plus grande qualité de service. En intégrant des femmes à des postes de décision, les organisations élargissent la palette des compétences et perspectives, ce qui dope leur efficacité.
- Amélioration de la gouvernance et baisse de la corruption : la présence de femmes dans les instances politiques est associée à une gouvernance plus transparente et responsable. Des recherches ont observé que plus il y a de femmes élues, plus les niveaux de corruption – petite comme grande – tendent à diminuer. Les femmes leaders sont souvent perçues comme plus redevables envers leurs électeurs et électrices, ce qui peut renforcer la confiance dans les institutions. Par ailleurs, une étude citée par l’ONU note que les sociétés plus inclusives envers les femmes affichent aussi un risque moindre de conflit et de violence politique (comme les guerres civiles ou la répression étatique). Ainsi, l’égalité politique contribue à la stabilité et à la paix, des biens précieux pour le développement de l’Afrique.
- Politiques plus inclusives et réponses aux besoins sociaux : les femmes apportent des perspectives différentes de celles des hommes, issues de leurs expériences spécifiques. Lorsqu’elles participent aux décisions, elles mettent souvent en avant des enjeux longtemps négligés. Par exemple, des élues ont été à l’initiative de lois plus strictes contre les violences domestiques, de programmes en faveur de la santé maternelle ou de la scolarisation des filles. De manière générale, la diversité de genre dans les cercles de pouvoir permet de mieux prendre en compte l’ensemble des préoccupations de la population, et pas seulement celles d’une moitié de celle-ci. Il ne s’agit pas de dire que les femmes gouvernent « mieux » par nature, mais qu’une mixité équilibrée garantit que les décisions reflètent l’intérêt du plus grand nombre et pas uniquement d’un groupe homogène.
- Changement des mentalités et effet d’entraînement : voir des femmes réussir au plus haut niveau a un impact symbolique puissant. Chaque femme africaine qui s’illustre en tant que ministre, cheffe d’entreprise ou experte reconnue contribue à briser les stéréotypes sur le rôle des femmes. Ces modèles inspirants envoient un message fort aux jeunes filles : elles aussi peuvent aspirer à ces carrières autrefois réservées aux hommes. La présence visible de femmes compétentes à des postes-clés aide à normaliser le leadership féminin dans l’opinion publique. À terme, cela peut faire évoluer les normes sociales et les attentes collectives quant à ce que femmes et hommes « peuvent » ou « doivent » faire. En somme, plus il y aura de femmes pilotes d’avion, gouverneures de province, ingénieures, députées, etc., plus ces choix de vie cesseront d’être perçus comme exceptionnels ou audacieux pour les Africaines de la génération suivante.
En résumé, la participation équitable des femmes n’est pas un « plus » facultatif, c’est un pré-requis pour un développement durable et une gouvernance équilibrée. Aucune société ne peut se priver de la moitié de ses talents sans en payer le prix. Intégrer davantage les Africaines au marché du travail formel et aux instances décisionnelles, c’est libérer un immense potentiel de croissance économique, d’innovation sociale et de consolidation démocratique.
Les quotas de genre : un outil utile mais insuffisant. (par Lola Clarouche)
Face à la sous-représentation des femmes, de nombreux pays ont adopté des politiques de quotas (ou autres mesures de discrimination positive) pour accélérer le changement. En Afrique, 41 pays ont mis en place des quotas visant à réserver un pourcentage de sièges aux femmes – que ce soit au Parlement, dans les conseils locaux ou au sein des partis politiques. Ces dispositifs se sont avérés efficaces pour augmenter rapidement le nombre de femmes élues. Par exemple, au Rwanda, en Afrique du Sud, en Namibie ou au Mozambique, l’instauration de quotas a abouti à des parlements proches de la parité et a boosté la présence féminine dans les conseils municipaux. Lorsque la loi oblige une alternance hommes-femmes sur les listes électorales ou réserve des sièges aux femmes, la progression quantitative peut être spectaculaire – la France a ainsi fait passer ses conseils départementaux de 14 % à 50 % de femmes en une élection grâce à un dispositif paritaire strict.
Cependant, les quotas montrent aussi leurs limites et ne sauraient, à eux seuls, résoudre tous les problèmes d’inégalité. D’abord, leur impact dépend beaucoup de la volonté politique et de l’application rigoureuse des textes. Dans plusieurs pays africains, les quotas sont restés lettre morte ou n’ont pas donné les résultats escomptés faute de mises en œuvre contraignantes. Le Kenya offre un cas édifiant : sa Constitution de 2010 prévoit qu’aucun sexe ne doit détenir plus des deux tiers des sièges dans les assemblées, et crée 47 sièges spécialement réservés aux femmes.
Or, cette clause n’a jamais été pleinement appliquée et le Parlement kényan n’a toujours pas atteint l’objectif de 30 % de femmes plus d’une décennie après. Le manque de consensus et les résistances politiques ont vidé la mesure de sa substance. De même, l’Eswatini (ex-Swaziland) a instauré un quota de femmes candidates, mais sans mécanisme pour compenser si celles-ci ne sont pas élues. Résultat : après les élections, les femmes n’occupaient que 11 % des sièges, et même avec des nominations additionnelles, le Parlement est resté très masculin (22 % de femmes) – révélant la faiblesse d’un quota non assorti de garantie de sièges.
Ensuite, même bien appliqués, les quotas agissent surtout sur les effectifs, pas sur les mentalités. Certes, ils ouvrent des portes, mais ils ne changent pas automatiquement les comportements ou la culture politique. Comme le résume la sociologue Anne Revillard, « les quotas sont efficaces pour atteindre la parité numérique entre femmes et hommes. Mais ils n’ont d’effet miracle ni sur les comportements, ni sur la condition des femmes situées en bas des hiérarchies de pouvoir ». Autrement dit, obtenir 30 % de députées ne garantit pas que ces femmes aient une influence égale à celle de leurs collègues masculins, ni que la condition de la majorité des femmes (celles qui ne font pas partie de l’élite politique) s’améliore concrètement. Il arrive même que les premières bénéficiaires des quotas soient des femmes issues des familles politiques en place (épouses, filles ou sœurs de notables), ce qui limite la portée transformatrice de la mesure. Par ailleurs, des quotas trop modestes (par exemple 20 %) peuvent cantonner les femmes à un rôle de « minorité tolérée » sans remettre en cause le monopole masculin sur le pouvoir.
Enfin, il existe un risque de complaisance : les quotas pourraient faire croire que l’objectif est atteint dès lors qu’un chiffre-cible est respecté, alors qu’ils ne sont qu’un début. Ils ne règlent pas les problèmes de sexisme au quotidien, de partage des responsabilités familiales, de financement des campagnes électorales féminines ou de violences faites aux candidates. Toutes ces dimensions requièrent d’autres actions.
En résumé, les quotas sont un outil utile – parfois indispensable pour briser l’inertie – mais ils sont loin d’être une panacée. Ils doivent s’accompagner de changements structurels et culturels plus profonds. L’égalité réelle ne se décrète pas uniquement par la loi : elle se construit aussi sur le terrain, dans les mentalités et les organisations.
Quelles solutions pour accélérer le changement en Afrique ? (par Karl-Alexandre Pinot)
Pour que les Africaines occupent la place qui leur revient dans le travail et la politique, une approche globale et volontariste est nécessaire. Quelles sont les pistes envisagées et les leviers d’action identifiés sur le continent ? Voici quelques solutions et stratégies mises en avant par les acteurs du développement et les mouvements de femmes en Afrique :
- Renforcer l’éducation et la formation des filles et des femmes : L’autonomisation commence dès le plus jeune âge. Améliorer l’accès des filles à une éducation de qualité – y compris dans le supérieur et les filières scientifiques – est capital pour élargir leurs opportunités professionnelles et leur présence future dans les emplois qualifiés. De nombreux pays africains ont accompli des progrès en matière de parité scolaire, mais il reste des efforts à faire pour maintenir les filles à l’école (lutte contre les mariages précoces, grossesses adolescentes, stéréotypes dans l’orientation…). Des programmes spécifiques encouragent désormais les jeunes Africaines à embrasser des carrières autrefois masculines (ingénierie, technologie, finance, etc.), afin de créer un vivier de futures femmes leaders dans tous les secteurs.
- Lever les obstacles juridiques et financiers à l’entreprenariat féminin et à l’emploi : Sur le plan économique, il est crucial de faciliter la vie active des femmes. Cela passe par la réforme des lois discriminatoires (droit d’hériter, de posséder une terre, d’ouvrir un compte bancaire ou une entreprise sans tutelle masculine, etc.), encore en vigueur dans certains États. Des initiatives continentales, comme le programme AFAWA de la Banque africaine de développement, visent à améliorer l’accès des femmes au financement afin qu’elles puissent développer leurs activités. Parallèlement, investir dans des services tels que les garderies d’enfants, les congés parentaux équitables et la protection sociale permettrait de réduire la charge domestique qui pèse sur les travailleuses. Des politiques de lutte contre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail et de sécurisation des transports publics aux horaires de travail atypiques font également partie des mesures nécessaires pour que les femmes puissent travailler dans de bonnes conditions.
- Promouvoir des mesures d’action positive ambitieuses : Les quotas restent un outil important, à condition d’être bien conçus. Certains experts appellent à passer du modèle minimal de quotas (par exemple 30 %) à une véritable parité légale (50/50) dans les institutions publiques. L’Union africaine a déjà adopté le principe de la parité homme-femme dans ses propres organes et encourage les États membres à en faire autant. Là où des quotas existent, il convient d’assurer leur application stricte (sanctions aux partis non conformes, obligation de placer des femmes éligibles en haut de liste, etc.). Par ailleurs, l’action positive ne doit pas concerner que la politique : des initiatives émergent pour fixer des objectifs de mixité dans les conseils d’administration d’entreprises ou au sein de la haute administration. L’important est que ces mesures bénéficient non seulement à une élite restreinte, mais qu’elles aient un effet d’entraînement plus large. Par exemple, un quota de 50 % de femmes au sein des cabinets ministériels ou de l’encadrement public pourrait changer les cultures de travail et offrir des modèles féminins dans la haute fonction publique.
- Former, accompagner et financer les futures leaders : Conscient que les obstacles ne sont pas qu’institutionnels, de nombreux programmes en Afrique misent sur le renforcement des capacités des femmes. Le programme African Young Women Leaders (Jeunes femmes leaders d’Afrique), lancé en partenariat par l’ONU et l’Union africaine, en est un exemple. Il offre des bourses et mentorats à de jeunes Africaines prometteuses pour qu’elles acquièrent l’expérience et les réseaux nécessaires à l’exercice de responsabilités. Des ateliers de formation préparent les femmes candidates à affronter une campagne électorale, à parler en public, à lever des fonds. Des réseaux de femmes leaders (comme le FEMNET ou le forum des femmes parlementaires) permettent de partager conseils et solidarité. Ce soutien collectif aide à surmonter l’isolement que peuvent ressentir les pionnières dans des milieux d’hommes.
- Impliquer les hommes et sensibiliser la société : Enfin, un consensus émerge sur le fait que le combat pour l’égalité doit être mené par l’ensemble de la société, et pas uniquement par les femmes. Cela signifie encourager les hommes – qu’ils soient dirigeants politiques, collègues, maris ou pères – à devenir alliés du changement. Le rôle de ces hommes progressistes est de sponsoriser les talents féminins, de partager équitablement les tâches familiales, de dénoncer le sexisme ordinaire et de promouvoir activement la parité. Sans cette implication, les avancées resteront fragiles. Des campagnes de sensibilisation, soutenues par des ONG et parfois par les gouvernements, visent à changer les mentalités en présentant l’égalité comme bénéfique à tous. Les médias et les figures religieuses ou communautaires sont aussi mis à contribution pour valoriser la contribution des femmes et remettre en cause les stéréotypes rétrogrades. Comme le disait Phumzile Mlambo-Ngcuka (ancienne directrice d’ONU Femmes et ex-vice-présidente d’Afrique du Sud), « Pour atteindre l’égalité de genre, nous devons mobiliser non seulement le Parlement mais toute la société ».
En combinant ces approches – réforme des lois, politiques publiques volontaristes, éducation, financements, mentorat et transformation des normes sociales – l’Afrique pourra espérer donner un véritable élan à la participation de ses femmes dans tous les domaines. Il s’agit d’un travail de longue haleine, mais des progrès concrets sont à portée de main si la volonté politique et collective se maintient.
Des Africaines influentes qui ouvrent la voie (par Karl-Alexandre Pinot)
Malgré les difficultés, de nombreuses femmes africaines ont su s’imposer et exercer une influence majeure, prouvant par l’exemple que les compétences et le leadership n’ont pas de genre. En voici quelques figures inspirantes de 2025, issues du monde politique et professionnel, qui incarnent l’évolution en cours :
- Ngozi Okonjo-Iweala (Nigéria) – Économiste chevronnée, deux fois ministre des Finances de son pays, elle est depuis 2021 Directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce. Première femme et première Africaine à ce poste, Okonjo-Iweala a été reconduite pour un second mandat en 2024, témoignant de la confiance mondiale en son leadership. Son parcours illustre le rôle croissant des Africaines dans la gouvernance économique internationale.
- Samia Suluhu Hassan (Tanzanie) – Devenue présidente en 2021 à la suite du décès de son prédécesseur, elle est la première femme chef d’État de Tanzanie et l’une des rares dirigeantes en exercice en Afrique subsaharienne. Sa présence à la tribune des Nations unies – elle fut en 2021 la cinquième Africaine de l’histoire à s’adresser à l’Assemblée générale de l’ONU – a une portée hautement symbolique pour les femmes de la région.
- Judith Suminwa Tuluka (RDC) – Nommée Première ministre de la République démocratique du Congo en 2024, à 57 ans, elle est la première femme à occuper ce poste dans l’un des pays les plus vastes d’Afrique. Son accession au pouvoir, dans un contexte politique complexe, envoie un signal d’ouverture et d’espoir aux Congolaises, dans un pays où les femmes ont longtemps été exclues des plus hautes fonctions. Elle-même issue du développement (ancienne cadre du PNUD), elle entend promouvoir la paix et la démocratie dans l’est de son pays en proie aux conflits.
- Mpumi Madisa (Afrique du Sud) – Femme d’affaires sud-africaine de 45 ans, elle dirige depuis 2020 le conglomérat Bidvest, et figure ainsi parmi les très rares femmes PDG de grandes entreprises africaines. Forbes l’a classée deuxième femme la plus puissante du continent en 2024. Être à la tête d’une entreprise de 5,3 milliards de dollars de capitalisation boursière n’était jusqu’alors pas envisageable pour une femme noire en Afrique du Sud – son succès fait bouger les lignes dans le milieu, encore conservateur, du business africain.
- Mo Abudu (Nigeria) – Surnommée la « Oprah Winfrey africaine », cette entrepreneure nigériane de 60 ans a fondé le réseau de télévision EbonyLife TV et s’est imposée dans le secteur des médias et du divertissement. En 2023, EbonyLife a signé un partenariat historique avec Netflix pour coproduire des contenus africains, faisant de Mo Abudu l’une des femmes d’affaires les plus influentes du continent dans le domaine culturel.
- Sa réussite montre que les Africaines excellent aussi dans des industries créatives de portée mondiale.
Cette liste est loin d’être exhaustive – on pourrait également citer la scientifique Wangari Maathai (Kenya), prix Nobel de la paix, qui fut pionnière de l’écologie en Afrique ; la juriste Amina J. Mohammed (Nigéria), vice-secrétaire générale de l’ONU, œuvrant pour le développement durable ; ou encore la militante Leymah Gbowee (Liberia), Nobel de la paix pour son action en faveur de la paix. Chacune à leur manière, ces femmes ouvrent la voie et servent de modèles à la jeunesse africaine. Leurs parcours illustrent concrètement pourquoi il est vital que les femmes soient présentes à tous les échelons : elles font avancer leurs pays et le continent, tout en inspirant d’autres femmes à suivre leurs traces.
Conclusion
En 2025, l’Afrique se trouve à la croisée des chemins en ce qui concerne la place des femmes dans le travail et la politique. D’un côté, les avancées sont indéniables : jamais il n’y a eu autant de jeunes filles scolarisées, de femmes actives économiquement, de députées et de ministres sur le continent. Des législations promouvant l’égalité existent, et l’idée que les femmes contribuent autant que les hommes au développement fait son chemin dans l’opinion. D’un autre côté, les défis restent immenses : la majorité des Africaines continuent de faire face à des obstacles importants – qu’ils soient culturels, économiques ou institutionnels – pour accéder aux mêmes opportunités que leurs homologues masculins. La route vers une parité réelle, ni trop lente ni purement symbolique, exige de maintenir la pression réformatrice sans tomber dans l’autosatisfaction.
Il ne suffit pas d’avoir des quotas ou quelques figures féminines emblématiques : l’objectif est que toutes les femmes, y compris les plus vulnérables, puissent occuper la place qu’elles souhaitent dans la société, sans entrave ni discrimination. Cela implique un changement profond des mentalités, que l’on commence déjà à observer çà et là. L’Afrique dispose d’atouts uniques pour réussir ce pari – une population jeune ouverte au changement, une tradition de résilience et de solidarité, et déjà des succès inspirants à amplifier.
En évitant les écueils d’un féminisme dogmatique comme d’un conservatisme stérile, le continent peut tracer sa propre voie vers l’égalité, adaptée à ses réalités. Inclure davantage les femmes africaines, c’est s’assurer que l’Afrique de demain sera plus prospère, plus juste et plus démocratique. Ni pro-féministe naïf, ni antiféministe rétrograde, ce constat s’impose simplement comme une évidence pragmatique : quand les femmes avancent, c’est toute la société qui progresse. Les limites actuelles appellent donc à redoubler d’efforts pour que l’égalité femmes-hommes devienne, enfin, une réalité tangible sur tout le continent. Les prochaines années diront si l’Afrique aura su relever ce défi crucial – un défi dont dépend en grande partie son avenir.
Sources : Les données et analyses sont issues de rapports récents et d’organisations spécialisées, notamment le Baromètre 2024 sur la participation politique des femmes en Afrique, les publications d’ONU Femmes et du PNUD, ainsi que des études de la Banque mondiale et de l’IFC sur l’emploi féminin. Des exemples concrets de femmes influentes proviennent des classements Forbes 2024 et de la presse internationale, illustrant la diversité des parcours réussis. Ces références soulignent à la fois les avancées et les obstacles persistants concernant la place des Africaines dans l’économie et la politique en 2025, sans parti pris idéologique mais avec l’exigence d’un regard documenté et équilibré sur la question.

