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Le premier est toujours gratuit

Le premier est toujours gratuit

Veröffentlicht am 2, Nov., 2025 Aktualisiert am 2, Nov., 2025 Horror
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Le premier est toujours gratuit

Le premier est toujours gratuit


Ce qu’il y a de bien avec le sucre, c’est qu’il attire tout un tas de sales bestioles, et parmi elles, les enfants. Le sucre, c’est donc la promesse de capturer toutes les petites choses vivantes, toute la vermine qui ne peut pas s’empêcher de se jeter sur ce qui brille, qui sent et qui colle. Lazare Veyrat le savait depuis l’enfance. Il avait appris très tôt que la mélasse était une arme bien plus efficace que les cris ou les coups. Une arme silencieuse. Les insectes étaient devenus ses premiers cobayes, ses souffre-douleurs. Il les regardait se noyer dans leur propre avidité, pattes collées, ailes tremblantes, avant de les enfermer dans des bocaux dont l’air résiduel sentait déjà les supplices à venir. Il les observait à tourner en rond, affolés, et quand leurs mouvements devenaient trop ennuyeux, il intervenait. Un briquet volé à ses parents, une flamme sous le verre, et leurs corps se mettait à danser, vifs, avant de noircir. Mais la loupe… la loupe était un don du diable. Pas de feu, pas de bruit, juste ce point lumineux, précis. Il promenait alors ce concentré de soleil sur une patte, une antenne, un œil. Jamais trop vite pour ne pas les tuer tout de suite. Il voulait les voir comprendre qu’ils allaient mourrir. Il voulait voir quelque chose signifiant qu’ils transpiraient la souffrance et la résignation. Il prenait donc son temps. Puis, quand leurs petits corps carbonisés ne bougeaient plus, il souriait.

Pour Lazare, le sucre ne ment pas. Il honore toujours sa promesse : il attire, il promet et il tue.


Concernant les enfants, c’est venu beaucoup plus tard. Le temps de passer quelques diplômes, inutiles, pour faire plaisir à son père, pour ne pas peiner sa mère. Puis, ses parents ayant eu la bonne idée de mourir dans un accident, Lazare se retrouva avec l’héritage assez conséquent d’une regrettée dentiste, et d’un pas regretté du tout officier de l’armée de terre. C’était un don du ciel qui lui permit de se reconvertir à 25 ans, d’obtenir son CAP à 26, son expérience en laboratoire à 29, sa spécialisation et son brevet de maîtrise trois ans plus tard. À 33 ans, Lazare Veyrat remportait alors le titre de meilleur ouvrier de France et le statut de maître confiseur. Ne lui restait plus qu’à ouvrir son atelier et faire frissonner les papilles de ses clients. C’est à ce moment-là qu’il passa des insectes aux enfants et c’était peu ou proue la même chose. Ils mettaient simplement plus de temps à brûler. Mais parfois, il en était un qui méritait d’être sauvé. Ce dernier ne se contentait pas de crier, de hurler, de supplier en s’agitant dans tous les sens, non, celui-là était un élu et en tant que tel, il résistait. C’était là le signe que Lazare attendait, et jamais il ne s’était trompé. L’enfant était bien chargé d’une saveur incomparable et fournissait alors la matière première incontournable pour la fabrication de nouveaux bonbons. Ceux-là mêmes qui servaient à la capture de nouveaux mouflets, et dans le lot, d’un nouvel élu à faire fondre comme ingrédient principal.


Tant d’années ont passé depuis. Des années à créer de nouvelles recettes, de nouvelles saveurs blondes, brunes, rousses. Quelques châtains, et surtout un albinos, lui ont permis des éditions spéciales portant son art culinaire à son apogée. Le reste fut alors une longue attente de la retraite, repoussée sans arrêt pour combler les trous budgétaires forés par ceux-là mêmes qui légiféraient pour que d’autres les rebouchent. Puis, un jour, cette fameuse retraite est venue. Comme un automne que l’on attendait plus, les feuilles à remplir se sont mises à tomber et Lazare Veyrat n’était plus un actif aux yeux de l’administration. Mais pour lui, c’était l’occasion de magnifier son art, de revenir à la source de sa créativité. Il déménagea pour s’installer dans une petite ville des Landes, près de Dax. L’anonymat allait lui redonner le goût authentique de l’artisanat. Pour lui, l’heure était venue de se satisfaire d’une petite production locale, annuelle. Une production qui ne serait pas destinée à la vente, mais qui lui permettrait d’exister dans le souvenir d’une marque ancrée dans la mémoire collective, et dont le nom échapperait au cerveau, tout en restant sur le bout de la langue. Désormais, cela fait quatre ans qu’il y est parvenu. Et, chaque année, il attend son évènement, comme une célébration, un hommage à sa carrière, à son travail, à son talent.


Aujourd’hui, Lazare est en ébullition. C’est un grand jour, ou plutôt le grand soir. Les rues sont constellées de citrouilles plus ou moins grotesques. Certaines, déjà passées, brillent d’une lueur orangée maladive et, affaissées, vomissent leurs entrailles défraîchies. Des toiles d’araignées, synthétiques, tapissent les jardinières et les rampes d’escaliers. Des fantômes et des squelettes pendouillent au long des poteaux téléphoniques et des lampadaires. Et, sur les trottoirs, d’innombrables rejetons vont bientôt battre le pavé. Une longue procession pour une prostitution sucrière, à la gloire d’une célébration qui a perdu toute sa valeur ancestrale. Lazare, lui, est prêt. Il les attend. Le chemin pavé de mauvaises intentions qui mène à sa petite maison, proche de la déchetterie, est bordé par des pierres tombales qu’il a placé méthodiquement, avec une certaine nostalgie. Un clin d’œil facétieux à toutes ses petites victimes, ces millésimes des années passés à produire les douceurs parfaites. Pour les habitants de Gascq, Lazare est un maître confiseur à la retraite. Un peu marginal, un peu bizarre, c’est une curiosité locale qui compense sa solitude en offrant quelques-uns de ses trésors. D’ailleurs, personne ne pense réellement à lui, sauf pour la période d’Halloween où la saveur de ses préparations se rappelle à la mémoire de chacun. D’autant plus qu’en véritable orfèvre des sucreries, il confectionne de spectaculaires œuvres d’art, monstrueusement parfaites pour décorer atrocement une table : des morceaux de doigts décharnés aux ongles brisés, en caramel et amandes, des yeux en sucre d’orge, pupilles dilatées dans l’expression d’une terreur inimaginable, des langues arrachées, suintant la fraise, la cerise ou la grenade. Et, que dire de ces cœurs grenadines, dont les valves cristallisées semblent encore pulser d’une douleur sourde. Chacune de ses créations est une horreur à déguster du regard, avant de rapidement la mettre en bouche de peur qu’un autre ne le fasse.


Alors, ils viendront quémander ses friandises. Lazare le sait. Ils viendront, et, sous prétexte de ne pas subir leur sortilège, il leur procurera le bonbon tant attendu. Un seul, ils le savent. C’est un accord entendu depuis de nombreuses années. Mais personne, à part Lazare, ne s’en souvient, car cela se passe toujours ainsi à Gascq. Les habitants grandissent en laissant derrière eux les fantômes du passé et les relents du présent. Ne reste alors qu’une saveur sucrée qui persiste en bouche et dans les mémoires très sélectives. Le reste n’est qu’un enrobage, un papier que l’on jette après avoir découvert la friandise. Les enfants viendront tous, à tour de rôle, sans crainte de manquer, car Lazare à toujours offert une friandise à chaque enfant qui se présentait. Une seule. Cependant, parmi eux, certains reviendront le lendemain, ça aussi Lazare le sait. Parce que le sucre attire les plus gourmands, les plus dépendants. Ils reviendront donc avec cet espoir d’avoir un peu de rab’ comme ils disent et Lazare leur ouvrira sa porte. Il sait par expérience que ces monstres assoiffés de sucre seront prêts à se noyer dans leur propre avidité, doigts collants, lèvres tremblantes. Il sait qu’ils voudront voir comment il fait, quel est son secret de fabrication et Lazare leur montrera. C’est une fois dans leurs bocaux qu’ils se souviendront alors de Hansel et Gretel. Sauf que Lazare Veyrat n’est pas une sorcière, il est bien pire. Dans leurs prisons de verre, ils se souviendront de cette petite phrase anodine que leur murmurait ce gentil Monsieur Veyrat. Celle qu’il psalmodiait parfois dans un souffle quand un adulte était là en accompagnateur. Un message presque inaudible, tel un sortilège, et ce, à chaque fois qu’il donnait un de ses merveilleux bonbons : « Le premier est toujours gratuit ».


— — —

Notes et crédit photographique

Je suis Jean-Christophe Mojard, poète et nouvelliste. Ce texte est une création humaine, une fiction. Ainsi, toute ressemblance avec des faits et des personnages existants ou ayant existé serait purement fortuite et ne pourrait être que le fruit d'une pure coïncidence.


Cette nouvelle n’est pas destinée à alimenter l’intelligence artificielle et bénéficie de son empreinte horodatée que certifie Panodyssey. Le droit français s’applique et par là même la notion de copyright anglo-saxon comme stipulé par la Convention de Berne de 1886, complétée à Paris en 1896.



⛑️ Aucun insecte et aucun enfant n’ont été maltraités pendant son écriture.

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📷 Photo de Enric Moreu sur Unsplash

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Jackie H verif

Jackie H vor 3 Stunden

Quelle maîtrise ! Un authentique psychopathe ce Lazare Veyrat, un vrai de vrai !

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Jean-Christophe MOJARD verif

Jean-Christophe Mojard vor 3 Stunden

Merci pour lui. Je lui transmettrai le message. Il se pourrait qu'en retour tu reçoives un bonbon. Et qui sait, une invitation à visiter son atelier ?

Jackie H verif

Jackie H vor 3 Stunden

Le sucre, c'est mauvais pour la santé, c'est mon doc qui me l'a dit 😆

Jean-Christophe MOJARD verif

Jean-Christophe Mojard vor 5 Stunden

Merci.
Le temps d'un petit déjeuner dont je tairai la recette, et je t'amène quelques bonbons, histoire d'aller lire tes abominations.

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