

L’avion vert ou le défi impossible... ? Par Karl-Alexandre Pinot, Président de "L'Alliance"
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L’avion vert ou le défi impossible... ? Par Karl-Alexandre Pinot, Président de "L'Alliance"
L’aviation face au défi du carburant vert, petit état des lieux !
Par Karl-Alexandre Pinot, Président du think tank L'Alliance
2025 marque une étape symbolique : pour la première fois, l’Union européenne impose aux avions de décoller avec une part minimale de carburant durable. 2 % du kérosène fourni dans les aéroports européens doit désormais être du SAF (Sustainable Aviation Fuel). C’est peu en apparence, mais c’est la première marche d’un escalier raide : 70 % en 2050, avec une montée en puissance régulière dès 2030. La transition énergétique de l’aviation ne se fera donc plus seulement par des promesses, mais par la contrainte réglementaire.
La France, pionnière mais sous pression
La France a pris de l’avance en instaurant dès 2022 une obligation d’incorporation de biocarburants. TotalEnergies a lancé à Grandpuits (Seine-et-Marne) une raffinerie reconvertie, capable de produire plus de 200 000 tonnes de SAF par an à partir de 2025. Des projets pilotes d’« e-carburants » fabriqués à partir d’hydrogène et de CO₂ capté sont en cours, soutenus par le plan France 2030. Air France-KLM, de son côté, s’engage à aller au-delà du minimum réglementaire, avec un objectif d’au moins 10 % de SAF en 2030.
Mais cette avance a un coût : en France, le SAF est aujourd’hui payé jusqu’à 5 000 € la tonne, bien plus cher qu’aux États-Unis où les subventions massives du plan Biden font chuter la facture sous les 2 000 €. Résultat : les compagnies aériennes françaises alertent sur un risque de compétitivité.
Et malgré le fait que Trump soit aujourd'hui vent-debout contre le tout-renouvelable, on notera une exception notable : le refinancement approuvé pour la raffinerie Montana Renewables, projet déjà en place pour passer de 140 à 315 millions de gallons annuels de production, soit environ la moitié du SAF nord-américain. Une approbation obtenue sous pression du Sénat local, dans l’intérêt déclaré de la "domination énergétique américaine"...
L’Europe entre ambition et réalité
Avec son règlement ReFuelEU Aviation, l’Europe a fixé un cap clair. Mais les industriels préviennent : la production ne suffira pas si les projets n’aboutissent pas à temps. En 2030, il faudra environ 3 millions de tonnes de SAF pour respecter la loi. Or, même si des usines sont en construction, le compte n’y est pas encore. Les coûts, eux, restent 3 à 5 fois plus élevés que ceux du kérosène fossile.
Pour éviter que cette politique ne se transforme en simple taxe verte, l’UE a prévu des aides : subventions à la production, quotas carbone gratuits dédiés au SAF, et facilités d’investissement. Mais la bataille face aux Américains, plus rapides et plus généreux dans leur soutien public (même si l'avenir demeure trouble), reste entière.
Les vrais enjeux : au-delà du climat, une politique industrielle
Derrière les pourcentages, un constat s’impose : sans carburant vert, l’aviation européenne risque de décrocher. La transition n’est pas seulement écologique, elle est aussi industrielle et stratégique. Il faudrait dans un premier temps sécuriser l’offre en construisant rapidement des usines capables de fournir du volume, avec des contrats de long terme entre producteurs et compagnies aériennes. Dans un second temps, envisager une réduction des surcoûts : via des mécanismes publics (crédits d’impôt, contrats pour différence) pour rapprocher le prix du SAF de celui du kérosène fossile. Et en accélérant la recherche : passer du biocarburant de déchets (limité en ressources) aux e-carburants, beaucoup plus prometteurs mais encore au stade préindustriel.
Une fenêtre d’opportunité pour la France ?
La France a une carte maîtresse : son électricité bas-carbone, issue du nucléaire et des renouvelables. C’est un avantage décisif pour produire de l’hydrogène vert, donc des e-carburants compétitifs. Mais encore faut-il investir massivement et vite, avant que d’autres régions du monde ne captent la filière.
Concrètement... on en est où ?
L’Europe a fixé des obligations claires, la France a pris de l’avance, mais le temps presse. Les carburants durables coûtent cher, et la concurrence américaine est rude. Si la France et l’UE veulent transformer cette contrainte climatique en opportunité industrielle, elles doivent miser dès maintenant sur des usines locales, des aides ciblées et un pari assumé sur les e-carburants. Sinon, la transition risque de se réduire à une surtaxe qui affaiblira les compagnies sans réduire vraiment les émissions.

