Vestes de Temps
Vestes de Temps
Ce texte n’est pas une simple succession de vers, mais une exégèse textile. Né d’une méditation sur les motifs d’une veste, il explore la manière dont nos souvenirs se cousent à même le corps, formant une géographie de patchs et de cicatrices.
Initialement écrit dans la langue russe, ce poème porte en lui une mélancolie slave profonde, une densité émotionnelle qui refuse le compromis. Sa translation en français agit comme un révélateur : elle met à nu l’universalité de son cri.
Vous pouvez écouter la version expérimentale russe sur youtube : Lien YouTube
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Vestes de Temps
je m’appelle comme on oublie les mots de passe
des boîtes mail mortes et des interphones d’entrée
j’ai grandi entre les ascenseurs et les écrans
où le reflet arrive toujours un peu après le geste
la vie fut un vacarme de patchwork
cerveaux de papier
champignons
et drapeaux brodés
sur une veste
le monde d’abord distribué en pictogrammes
puis les mots arrivant plus tard
en retard
gueule de bois des phrases
j’apprenais à vivre dans des rues
qui jurent
et des livres qui chuchotent
j’ai grandi entre le bouton "non" sur la manche
et un petit soleil épinglé au-dessus du cœur
je cherchais la frontière entre l’amour
et l’automatisme des corps
pourquoi même l’icône la plus joyeuse
devient une cicatrice
quand on fixe trop longtemps
le miroir de l’ascenseur
la ville a fait de moi
une icône sans légende
de toute façon personne
ne lit le texte sous l’image
j’ai essayé de croire à l’arbre
à la maison à l’autre
là-haut
mais il était plus facile de ne compter
que sur un chat,
une cigarette,
un battement de musique chu du ciel
une prière ayant oublié
l’adresse de dieu
parfois je ne suis qu’une veste
que le temps a enfilée pour ne pas avoir froid
chaque patch est un plan où
je n’ai pas su quitter le rôle
là où le bouton "non" devient un pistolet interdit
on tue avec les regards
là où les bouteilles sont barrées
tout flotte encore dans l’alcool
je parle de moi comme d’un étranger
c’est plus simple que de s’excuser
pour tous mes "plus tard"
si l’on assemble mes jours en un motif carré
on obtient un mantra
de fautes
de bus et
de "je t’aime" en suspens
que je remettrai de toute façon
demain en revenant dans l’ascenseur
l’infini au ras du sol
sans raccord
sans le salut du cut.
— dato
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