

Épisode 10 : Pas intéressée
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Épisode 10 : Pas intéressée
POV Logan
Putain !
Je devais absolument retrouver mon calme. Garder le contrôle. Je ne pouvais pas me permettre de frapper l’un de mes coéquipiers juste devant les recruteurs. Pourtant, quand j’ai vu Lili avec le numéro de Steve, j’ai cru devenir fou. Tout ce à quoi je rêvais, c’était de lui mettre mon poing dans la gueule pour lui faire ravaler son sourire arrogant. Cet abruti avait eu le culot de lui demander de porter son maillot. Il avait osé la revendiquer devant tout le monde, alors qu’il m’avait interdit de l’approcher.
J’ouvris avec rage la porte des vestiaires, un soupir de frustration m’échappant. Cette victoire devait être le point de départ de mon plan d’évasion. Le premier pas vers la liberté. Pourtant, elle me laissait un goût amer dans la bouche. Et malgré les applaudissements et les accolades de l’équipe, je n’arrivais pas à savourer ma performance de ce soir. La seule chose à laquelle je pensais était Lili exhibant le numéro d’un autre.
Quand Steve daigna enfin nous rejoindre, je me suis éclipsé sous la douche sans même prêter attention aux félicitations du coach et à son éternel discours ennuyeux. J’ignorais si j’allais réussir à me contenir en entendant Steve fanfaronner.
J’adorais cette euphorie d’après match, cette convivialité bruyante, mais chaleureuse : les rires et les discussions passionnées des gars, le son assourdissant des casiers qui claquent, le fracas des coups sur les bancs, les crampons crissant sur le béton et le martèlement de l’eau sur le carrelage froid. Une atmosphère grisante où je me sentais bien, enfin à ma place.
Mais pas ce soir.
― Hé, mec ! m’interpella Loïc en me rejoignant sous les douches. Tu viens chez Ethan, ce soir ? Ça fait un bail que t’as pas traîné avec nous. Ça ferait du bien à l’équipe de voir son capitaine ailleurs que sur le terrain.
Deux mois, pour être exact. Deux mois que je trouvais une excellente excuse pour décliner chacune de leurs invitations. Que ce soit juste pour discuter sur le parking ou chez Ethan après l’entraînement, ou même pour les suivre dans leurs beuveries du week-end. Tout était bon pour les éviter : un devoir à terminer, un point avec le coach, une jolie blonde… Mais aujourd’hui, je savais que je ne pouvais pas les fuir. Pas après la victoire. Pour la cohésion d’équipe. En tant que capitaine, je n’avais pas le choix, je devais être là.
― Ouais… Je vais faire un tour, dis-je sans grande conviction.
― Cache ta joie, mec ! s’écria Ethan depuis l’entrée des vestiaires. C’est quoi ton problème ?
― Tu te fous de ma gueule, McFlint ? sifflai-je en me retournant vers lui. Tu me demandes quel est mon putain de problème ?
Je coupai l’eau d’un geste rageur et attrapai ma serviette. Je m’essuyai le visage et le torse en une seconde, avant d’enrouler le tissu humide autour de mes hanches, et vins me planter devant Ethan. Je le dominais d’une bonne dizaine de centimètres, mais cela ne semblait pas le déstabiliser. Il me regardait avec une intensité glaçante, les mâchoires crispées. Les poings serrés. Prêt à rendre coup pour coup.
Une main amicale se posa sur mon épaule, me ramenant soudainement à la réalité. Qu’est-ce qui m’arrive, merde ?
― Désolé, mec. Je suis à cran en ce moment, soufflai-je en passant mes doigts dans mes cheveux humides et baissant la tête.
Ethan se détendit aussitôt, retrouvant son sourire et son attitude nonchalante.
― Apporte des bières pour ce soir et on s’ra quitte ! me lança-t-il avant de disparaître dans la vapeur des douches.
***
― Putain ! C’est chaud, mec ! s’exclama Ryan en faisant les cent pas devant moi.
Garder cette histoire pour moi était devenu trop lourd. Trop difficile. Il était essentiel que j’en parle. Pour me libérer. Pour ne pas sombrer dans la folie et la solitude. Je m’étais puni bien trop longtemps. Alors, j’avais enfin tout avoué à mon meilleur ami : le plan de mon père pour mon avenir, l’implication de mes frères dans sa stratégie d’entreprise, l’intervention de ma mère… Bien que la situation me déchire encore chaque minute, je sentais déjà le poids sur mes épaules s’alléger.
― Et tu comptes faire quoi ?
Les yeux dans le vague, je bus une gorgée de bière avant de laisser échapper un profond soupir de lassitude.
― Me barrer le plus loin possible de ses conneries. Je compte bien obtenir une bourse qui me permettra de trouver une université dans un autre état… et peut-être changer de nom, aussi…
― Tu penses vraiment qu’il va juste accepter ? Désolé de te dire ça, mec, mais ta famille me fait penser à une putain de mafia. Et d’après tous les films que Steve et Ethan nous obligent à mater, on n’échappe pas à la mafia…
Un rire nerveux me secoua les épaules. Ryan et ses théories complètement dingues… Il m’avait manqué !
― Mon père est peut-être un connard froid et autoritaire, mais faut pas exagérer. Et puis, je vois mal ma mère rester avec un taré de la gâchette.
― Ouais, t’as raison… Ta mère est géniale et douce. Elle ne tolèrerait jamais d’être impliquée dans des tueries et autres magouilles. Mais quand même… Tu sais qui ton père veut que tu épouses ?
― Aucune idée…
Ryan se laissa tomber sur le fauteuil devant moi et descendit sa bière.
― Quel genre de père pourrait accepter de vendre sa propre fille comme s’il s’agissait d’une simple transaction commerciale ? s’interrogea mon meilleur ami.
C’était une excellente question à laquelle je n’avais pas la moindre réponse. Et je préférais ne pas trop y penser ; j’espérais sincèrement avoir disparu avant même de rencontrer un tel connard.
Ryan déposa la bouteille vide sur la table entre nous d’un geste brusque qui fit vibrer le verre ambré, se leva avec détermination et annonça d’une voix résolue et sévère :
― Ce soir, tu vas oublier toutes ces conneries. Tu vas boire, te trouver une bonne petite chatte qui va t’aider à te détendre – je suis sûr que la belle Tina en serait ravie ! – et on essaiera de trouver une solution à partir de demain.
Il me fit un clin d’œil, fier de lui, attendant avec impatience que j’acquiesce à mon tour.
― Ouais… soufflai-je. Demain…
Je suis resté assis quelques minutes, perdu dans mes songes, seul face à mon avenir incertain. Je réfléchissais à tous les sacrifices et l’énergie que j’avais investis ces dernières années : les entraînements intensifs pour devenir le meilleur joueur de la région et surpasser mes frères ; les innombrables heures à étudier pour m’assurer un dossier irréprochable et une place parmi l’élite…
Mes pensées dérivèrent malgré moi vers cette magnifique brune dont le regard me hantait. Les plans de Ryan pour ce soir étaient bien dérisoires. Aucune autre fille ne saurait me faire oublier ou avancer. Pas depuis que je l’avais aperçue le jour de la rentrée, souriante et timide. Pas depuis que je l’avais observée se déhancher, perdue dans sa danse, libre et insouciante. Pas depuis que j’avais respiré son parfum alors qu’elle me résistait, forte et obstinée. Pas depuis qu’elle avait posé sa main sur ma joue, envoûtante et réconfortante.
― Et pour ton info, il n’y a rien entre elle et Steve, m’informa Ryan en quittant la pièce. Pour le moment. Et elle est comme une sœur pour moi. Pour lui, je suis pas certain… J’étais surpris qu’il lui demande de porter son maillot ce soir. Et encore plus qu’elle accepte. Mais je crois pas qu’elle voit Steve autrement qu’en ami. Alors, ne fais rien de stupide. Surtout avec toute cette merde qui te colle aux basques…
Après une brève hésitation, il poursuivit :
― Elle est brisée… D’après Anny, elle fait souvent des crises d’angoisse. En soirée, même avec nous, elle refuse un verre si elle ne nous a pas vus le servir. Et je n’ai vu aucun mec rôder autour d’elle sans se faire jeter violemment par Anny. À tel point qu’on s’est demandé s’il n’y avait pas quelque chose entre elles. Mais tu connais Anny…
Ryan parlait toujours, mais tout ce que je pouvais percevoir, c’était le fracas infernal de mon propre sang à mes oreilles et le grincement sinistre de mes mâchoires. Qu’était-il arrivé à Lili ? Après toutes ces heures passées à l’observer, comment avais-je pu être aussi aveugle ? Les mots de Ryan résonnaient dans mon esprit, faisant naître une colère brûlante. Qui avait osé lui faire du mal ? Et surtout, pour quelle raison ?
***
La soirée battait son plein, mais j’étais incapable d’en profiter. La bière et les cocktails coulaient à flots, la musique pulsait à travers toute la maison. L’ambiance était électrique et festive. Mais tout ceci ne faisait que souligner mon propre malaise. À une époque, j’aurais savouré chaque instant avec mes camarades et quelques jolies nanas, mais à présent, je me sentais englué dans un vide insupportable. Mon sourire n’était qu’une ombre morose. Cette joie et cette assurance qui m’animaient autrefois grâce au football étaient désormais éteintes, étouffées par la fatigue et le doute. Merci, papa !
J’aurais aimé pouvoir éviter l’entrée principale et me faufiler dans le salon où je savais trouver la bande, mais le QB des Faucons ne passait jamais inaperçu. Je redressais alors les épaules, affichant une mine faussement réjouie derrière mes lunettes noires, avant de franchir la porte aux côtés de Ryan. À peine arrivés chez Ethan que toutes les têtes se tournaient vers nous. Des sifflements et des hurlements de joie fusaient. Les mecs nous applaudissaient, nous tapant dans le dos ou serrant nos mains avec un enthousiasme exagéré. Les nanas nous faisaient les yeux doux, s’efforçant désespérément d’attirer notre attention pour quelques minutes de gloire.
―Laisser passer les héros, cria Ethan qui nous attendait dans le couloir, deux grands gobelets rouges remplis à ras bord. Je parie qu’ils sont assoiffés ! Vous pourrez leur parler plus tard !
La foule se dispersa, abandonnant quelques filles trop collantes. J’acceptai avec plaisir le verre qu’Ethan me tendait, et après une bonne gorgée de bière, je le suivis dans cette pièce réservée à notre groupe.
Loïc flirtait avec une petite rousse que je ne connaissais pas, tandis que Steve était avachi dans le canapé, l’air morose malgré la blonde sur ses genoux.
― Ça va, mec ? lâcha Ryan en se laissant tomber à côté de lui.
Steve se redressa lentement pour chuchoter à l’oreille de la fille assise sur lui. Celle-ci pesta et, d’un bond, attrapa la rouquine avant de s’éloigner. Après un dernier coup d’œil dans notre direction et un jeté théâtral de leur longue chevelure par-dessus leur épaule, elles s’en allèrent d’un pas aguicheur, probablement persuadées que l’un de nous les retiendrait.
― Tu fais chier, mec, s’énerva Loïc en le frappant derrière la tête. Tu pouvais pas juste lui dire de venir me voir ? On laisse pas filer un cul pareil…
― J’en déduis que ta discussion avec Lili ne s’est pas passée comme tu l’espérais, dit Ryan en souriant.
L’attitude de mon meilleur ami me déconcerta. Que je sois soulagé qu’il n’y ait rien entre Lili et Steve était normal : l’imaginer dans les bras d’un autre me rendait malade. Mais Ryan… Il se montrait bien trop protecteur envers Lili, d’une manière que je ne lui avais jamais connue avant. Pourtant, de tous les mecs de l’équipe, Steve était le plus sérieux et le plus respectueux de tous. Lili n’avait rien à craindre avec lui.
― Non, souffla Steve.
L’air abattu, il se passa la main dans les cheveux et soupira profondément avant de continuer :
― On est juste amis. En même temps, à quoi je pensais ? Putain ! Au moins, j’ai eu la chance de la voir porter mon maillot pendant le match ! Et c’était putain de sexy, les mecs !
J’observais Steve, scrutant chacune de ses réactions pour tenter de saisir ses véritables intentions vis-à-vis de Lili. Il affichait un sourire rêveur, même si ses yeux trahissaient une déception indéniable, mais je ne saurais dire si le sentiment était authentique ou purement hypocrite. Était-il amoureux ou jouait-il simplement avec elle ? Rien qu’à cette idée, un grognement de rage m’échappa. Je pris une profonde inspiration, mes poings se refermant avec une telle force que mes ongles creusaient mes paumes, mais la douleur me permettait de garder mon calme. Peu importe ce qu’il avait en tête, Lili l’avait repoussé. C’était tout ce qui comptait.
― Et elle est où, maintenant ?
L’inquiétude soudaine dans la voix de Ryan suffit à étouffer ma colère, me ramenant à l’instant présent.
― À ton avis ? lança Ethan en soupirant. Sur la piste avec Anny, à faire bander les mecs. J’ai croisé Marc et ses potes. On va devoir encore frapper quelques crétins éméchés, ce soir…
― Pourquoi ? demandai-je surpris par la tournure de la conversation.
Nous n’étions pas du genre à nous battre. Les occasions ne manquaient pas, une équipe rivale, des gars jaloux de notre popularité, particulièrement lors des soirées bien arrosées comme celle-ci. Malgré tout, aucun de nous n’était prêt à risquer sa place sur le terrain. Surtout pour un connard tel que Marc, ancien Faucons en deuxième année à l’université qui continuait à se prendre pour une star du football.
― Parce que ce sont tous des hommes des cavernes incapables de comprendre quand une fille leur dit non…
Je ne pus m’empêcher de sourire en entendant l’air faussement irrité de ma cousine. Elle m’avait manqué. Plus que je ne voudrais l’avouer.
Sans hésitation, je me retournai pour l’accueillir et la serrer dans mes bras.
― Anny… soufflai-je. Comment vas-tu ?
― Tu le saurais si tu ne jouais pas au con trop bien pour traîner avec nous !
Je reculai, penaud, me frottant nerveusement l’arrière de la nuque, les yeux rivés au sol. Oui, j’avais merdé. Avec l’équipe. Avec Ryan. Avec elle. Et surtout avec Lili. Mais j’avais l’espoir, peut-être un peu fou, de pouvoir réparer les choses.
― Je sais… Je suis désolé pour ça…
― Ça va ! s’exclama ma cousine. Les Faucons ont gagné grâce à toi, ce soir. T’es pardonné !
À ces mots, j’eus l’impression que le poids sur mes épaules s’allégeait faiblement. Elle s’avança pour m’embrasser sur la joue, m’enveloppant de son parfum familier et réconfortant, et, d’une voix presque inaudible, elle me murmura à l’oreille.
― T’approche pas d’elle. Elle est pas intéressée !
Cette remarque fit tressaillir le coin de mes lèvres. J’aimais Anny et je respectais et appréciais son dévouement envers ses amis, mais seule Lili pouvait me repousser et m’empêcher de l’approcher.
Je lui rendis alors son étreinte en silence, avant que mes yeux ne se posent sur la magnifique brune qui l’accompagnait. Elle rayonnait, vêtue d’un simple jean délavé taille haute et d’un pull en cachemire noir qui épousait merveilleusement ses formes. Ses cheveux étaient lâchés et légèrement bouclés, entourant son doux visage.
Lorsque Anny s’éloigna enfin, impossible de détacher mon regard de Lili. Je lui offris mon sourire le plus charmeur et ouvris les bras en sa direction pour lui proposer un câlin.
Elle leva les yeux au ciel avant de m’envoyer promener :
― Dans tes rêves, Logan ! maugréa-t-elle avant d’aller s’asseoir sur l’accoudoir à côté de Ryan.
Mon meilleur ami se pencha vers elle et lui chuchota une phrase manifestement hilarante. Son rire était doux. Solaire. La plus belle mélodie que j’aie jamais entendue. Et à cet instant précis, j’aurais tout donné pour être à la place de cet enfoiré.
Je serrai les mâchoires et respirai profondément, m’efforçant de repousser la rage et la jalousie qui menaçaient de me submerger. J’étais responsable de tout ceci et si je voulais avoir une chance avec elle, je devais garder mon calme.
― On se retrouve sur la piste de danse ? s’exclama soudainement Anny alors qu’une nouvelle musique retentissait dans toute la maison. Lili, j’adore ce morceau. Viens, ma belle. On va s’éclater !
Sans attendre de réponse de sa part, ma cousine lui attrapa la main et l’entraîna dans la pièce d’à côté.
Ryan et Steve se levèrent aussitôt et les suivirent sans hésiter, les bras croisés sur la poitrine et le visage fermé, comme deux gardes du corps, parés à faire face à n’importe quel affrontement. Loïc, après avoir posé son verre vide sur la table, les rejoignit en riant. Ethan s’approcha de moi avec un grand sourire et me donna une tape amicale dans le dos.
―Que la fête commence, mon pote. J’espère que tu es prêt pour ce qui t’attend là-bas !
POV Lili
Après le match, Anny et moi n’avions pas traîné devant le stade comme toutes les groupies de l’équipe. Nous étions rentrées chez moi pour nous maquiller et nous coiffer, puis avions filé chez Ethan. Nous nous étions proposées pour ranger la maison avant qu’une foule de lycéens surexcités ne débarque, alors nous avions prévu de nous habiller là-bas après avoir déplacé tous les meubles et objets de valeur.
À notre arrivée, Steve et Loïc étaient déjà là, occupés à pousser les divans contre les murs pour libérer de l’espace dans le salon, tandis qu’Ethan verrouillait les placards contenant l’argenterie et les verres en cristal de sa mère.
― Hello ! s’écria Anny en entrant. Je vais t’aider, Loïc. Steve, tu peux aller récupérer les fûts de bière que mon frère nous a achetés, s’il te plaît ? Lili, je te laisse l’accompagner ?
Elle m’adressa un clin d’œil avant de s’éclipser. Quelle garce ! Je n’avais qu’une envie : l’étrangler avec le maillot de Steve que je malmenais entre mes doigts.
Steve s’approcha lentement, les mains dans les poches. Visiblement tout aussi mal à l’aise que moi.
― Tu es absolument magnifique ce soir, Lili. Ce maquillage te donne une allure sauvage et mystérieuse, me complimenta-t-il alors que nous nous dirigions vers la voiture stationnée dans l’allée.
― Merci, répondis-je nerveuse. Écoute… Steve… je…
Je m’interrompis un instant, prenant une profonde inspiration avant de lui faire face.
― Tiens, ton maillot…
Je le lui tendis d’une main tremblante, mais il me fit non de la tête avant de le repousser vers moi.
― Garde-le s’il te plaît, me supplia-t-il avec un sourire timide qui ne se reflétait pas dans ses beaux yeux bleus. Pour le match prochain.
Et merde ! Anny, tu vas me le payer !
― Les gens pourraient se faire de fausses idées. Et ta réputation de tombeur pourrait en prendre un sacré coup. T’imagines si tes groupies pensaient que tu n’es plus sur le marché ? Tu ne tiendrais pas deux jours !
Je souris, espérant que mon ton léger suffirait à adoucir le message. Oui, il me faisait rire et me sentir en sécurité, mais je n’avais jamais songé à quelque chose de romantique entre nous. Pour moi, il était un peu comme un grand frère et je ne voulais pas perdre notre complicité. Je ne voulais pas le perdre, lui.
Il leva faiblement les mains en signe de reddition avant de déclarer avec tendresse :
― J’ai compris, Lili. Ne m’en veux pas d’avoir tenté ma chance… Amis ?
Il ouvrit doucement ses bras, m’accueillant dans un câlin réconfortant. Même si son regard trahissait la déception, il semblait sincère dans sa proposition. Il tenait suffisamment à moi pour respecter mes sentiments et ne pas forcer les choses. Juste ce dont j’avais besoin à ce moment. Soulagée, je hochais la tête et me blottis contre lui quelques instants.
― Merci, Steve, marmonnai-je heureuse.
― Pas de souci. Et tu peux garder le maillot. Juste pour faire chier Logan.
Ses épaules tressautèrent d’un rire silencieux qui me réchauffa le cœur. Je lui donnai un petit coup affectueux sur le torse, feignant un air choqué, avant de m’échapper de son étreinte d’ours.
***
Danser était sans nul doute devenu l’une de mes activités préférées. J’aimais cette sensation de liberté. Libérée du regard des autres, de mes pensées obsédantes, de mes tracas du quotidien. Depuis ma rencontre avec Anny, je me sentais renaître. Je n’avais jamais rien connu de semblable en Californie. Je n’avais jamais eu d’ami avec qui partager ces moments précieux. Tout était nouveau pour moi. Nouveau et inestimable.
Les yeux fermés, je me laissais porter par la musique, mon être vibrant au rythme des basses. Je pouvais percevoir Anny qui se trémoussait à mes côtés. Elle venait de prendre la place d’un mec trop collant. Un « homme des cavernes » comme elle s’amusait à les appeler. Depuis que mon père lui avait révélé mon sombre secret, elle jouait les gardes du corps. C’était vraiment fascinant de voir ce petit bout de fille menacer tous ces garçons de leur « broyer les noix » quand ils s’approchaient un peu trop. Même si je savais pertinemment que ce qui les incitait à reculer, c’étaient les visages dangereux de Ryan, Steve et Ethan sur le bord de la piste lorsqu’ils entendaient la voix d’Anny tonner au-dessus du brouhaha.
Une main étrangère vint soudain se poser sur ma taille, brûlant ma peau malgré le tissu soyeux de mon pull, et un souffle chaud caressa mon oreille, faisant hérisser les poils de ma nuque. Avant même de réaliser qui avait osé me toucher, je réagis par réflexe et lançai ma tête en arrière percutant dans le nez de l’imbécile bien trop téméraire.
― Putain, Lili !
Je me retournai pour découvrir Logan, le visage ensanglanté, un sourire aux lèvres malgré la douleur. Sans réfléchir une seconde, je l’attrapai par le bras, bredouillant des mots d’excuse, et je le traînai jusqu’à l’une des salles de bain à l’étage. Une fois à l’intérieur, je le fis s’asseoir et lui tendis une serviette pour la presser contre son nez avant de fouiller les placards à la recherche de n’importe quoi pouvant stopper les saignements.
Perché sur le bord de l’immense baignoire en marbre blanc, Logan m’observait avec un calme déconcertant, presque amusé, alors que je m’agitais dans tous les sens ne sachant quoi faire.
― Détends-toi, Lili. Je n’ai rien de cassé. Je te le promets. Si tu pouvais juste me donner du coton et un peu de glace, s’il te plaît.
― Oui… Bien sûr… marmonnai-je en attrapant deux boules de ouate dans l’un des bocaux en verre posés sur le lavabo. Voilà… Et de la glace…
― Dans la cuisine, m’indiqua Logan en se redressant.
― Non, bouge pas d’ici, lui ordonnai-je en le forçant à se rasseoir. Je reviens. J’en ai pour cinq minutes.
Je pris une serviette propre et sortis. Les couloirs et les escaliers dégueulaient de couples dont les gémissements obscènes se mêlaient à la musique assourdissante. Je me frayai un chemin avec difficulté à travers ce chaos, jouant des coudes à plusieurs reprises pour avancer. Arrivée à la cuisine, je découvris quelques mecs éméchés parlant et riant trop fort, renversant leur verre sur le sol déjà collant. Tout semblait si normal. La fête se poursuivait comme s’il ne s’était rien passé. Comme si je n’avais pas explosé le nez du QB des Faucons en plein milieu de la piste de danse.
Je jouais la scène encore et encore dans ma tête, me demandant ce qui clochait chez moi. N’importe quelle fille se serait laissé séduire. Elle se serait blottie contre le torse musclé de cet Adonis, sans la moindre hésitation. Ou elle l’aurait simplement repoussé. Mais moi, j’avais choisi de réagir comme si j’avais été agressée, utilisant un geste d’autodéfense violent. Je savais pourtant que je n’avais rien à craindre. Je n’étais pas en danger. Ni les gars ni Anny ne permettraient à quiconque de me blesser. Mais, lorsque j’avais ressenti la chaleur de son corps dans mon dos, j’avais paniqué.
― De la glace, vite… marmonnai-je en plongeant la main dans l’énorme glacière sur le plan de travail.
Je déposai la serviette à plat sur la table pour y jeter plusieurs glaçons, espérant que ça suffise, avant de la replier avec soin. Sans perdre une seconde de plus, je retournai auprès de Logan.
En ouvrant la porte de la salle de bain, je fus surprise de constater qu’il n’avait pas bougé. Il était resté là où je l’avais laissé, la tête légèrement inclinée en arrière pour stopper le saignement. Beau comme un dieu, malgré les taches écarlates sur son t-shirt blanc et le coton rouge qui dépassait de ses narines. Lorsqu’il tourna les yeux vers moi, un sourire éclatant illumina son visage, rendant mes jambes aussi molles que de la guimauve. Comment pouvait-il avoir un tel effet sur moi ? Je le connaissais à peine. Tout ce que j’avais découvert sur lui aurait dû me mettre en garde. Me faire fuir pour préserver mon misérable cœur bien trop sensible.
Qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ? Pourquoi avait-il fallu que je craque pour le bad-boy du lycée ? Le sportif adulé qui collectionnait les conquêtes et qui flirtait avec la cheffe psychopathe des pom-pom girls. Tous les drapeaux rouges étaient levés, et pourtant, je ne parvenais pas à le sortir de mon esprit. Quelle idiote ! À croire que j’aimais me faire du mal. J’aurais pu choisir Steve, le gendre idéal selon les critères de mon père. Un mec bien et sérieux, même sous ses airs de dragueur. Pas du genre à briser des cœurs. Tout le contraire de Logan et Ryan.
― Où as-tu appris ce mouvement ? me demanda Logan en posant délicatement la poche de glace improvisée sur son visage.
― Au cours de selfdefense. Je m’y suis inscrite dès mon arrivée en ville. J’en avais marre d’être une victime, confessai-je. Je suis vraiment désolée… je…
D’un mouvement fluide, il se leva et s’approcha lentement de moi, tel un prédateur, laissant tomber la serviette ensanglantée et les glaçons dans le lavabo. Ses yeux verts me dévoraient, comme s’ils tentaient de percer mon âme. Ils me scrutaient avec une intensité qui embrasait ma peau déjà rougie d’embarras.
― Tu n’es pas une victime, Lili, murmura-t-il en caressant ma joue du bout des doigts.
Je ris, un son amer et légèrement hystérique.
― Tu ne sais rien de moi, lui rétorquai-je sèchement en reculant.
Mon dos vint heurter le mur froid de la salle de bain.
― Je ne demande que ça…
Il avança vers moi, ne me laissant aucune échappatoire. J’étais prise au piège. Mon cœur battait la chamade, pourtant, je n’étais pas effrayée. Sa présence me rassurait, m’appelait. Il se pencha jusqu’à ce que je sente ses lèvres effleurer le lobe de mon oreille et susurra :
― De quoi as-tu peur, Lili ?
Il fit glisser lentement la pulpe de son pouce le long de ma gorge dénudée. Je retins ma respiration, déjà superficielle, alors qu’il tirait sur ma nuque pour m’attirer contre lui. Un faible gémissement se fraya un passage, mais je parvins à le maintenir prisonnier dans ma poitrine, refusant de lui montrer le plaisir que me suscitait sa caresse.
― De rien, réussis-je enfin à articuler d’une voix rauque chargée de désir. Tu ne m’intéresses pas…
― Ce n’est pas ce que ton corps me dit…
Il s’inclina et effleura mon cou d’un baiser léger, là où mon pouls pulsait avec ferveur. Ensuite, d’un geste délicat, il tira sur l’encolure de mon pull pour dévoiler ma clavicule qu’il embrassa avec une passion brûlante. Cela suffit à me faire frissonner, bien que je ne puisse pas déterminer si c’était de la peur ou de l’attirance ou bien un mélange séduisant des deux.
Je n’osais plus ciller. Mes pensées s’évanouissaient dans un tourbillon d’incertitudes. Oh, comme j’aurais aimé être capable de le repousser, d’exiger qu’il s’éloigne de moi. J’aurais tellement voulu souhaiter qu’il arrête, mais la vérité me frappa : je n’étais pas assez ivre pour me tromper moi-même. J’avais tant rêvé de son contact. De sa chaleur.
Cependant, étais-je réellement prête à me laisser consumer ?
Texte de L.S.Martins (120 minutes chrono, sans relecture).
Image par Pete Linforth de Pixabay

