

Chapitre 31 : L'un est emprisonné, l'autre est libre
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Chapitre 31 : L'un est emprisonné, l'autre est libre
Imaginez une toute petite salle sombre, sans aucune lumière, perdue au fin fond des mers... Même l'eau semblait grise et sans vie tant la pièce respirait la mort.
Attaché par plusieurs chaînes métalliques, le jeune homme avait décidé depuis bien longtemps d'arrêter d'essayer de s'échapper. Ses cheveux noirs étaient devenus très longs depuis le temps... Quel âge avait-il ? Il ne s'en rappelait pas, il avait cessé de compter les jours depuis qu'on l'avait capturé et enfermé ici. Il avait beaucoup grandi, enfermé dans le noir, mais il n'en avait pas tellement conscience. Ce n'est que quand il sentit sa barbe pousser légèrement qu'il comprit qu'il était devenu adulte.
Il tenta à nouveau d'appeler à l'aide, sans succès :
- Qu'on me tue à la fin... Je n'en peux plus de rester ici... Mettez fin à mes jours, je vous en supplie...
L'un des gardes s'approcha de lui, discrètement.
- Tant que le roi triton ne nous donne pas l'ordre de vous libérer, nous ne pouvons rien faire, vous le savez très bien.
- Oh, c'est encore vous ? Il fait tellement sombre que je ne vous ai reconnu que grâce à votre voix... Pas de leçon aujourd'hui ?
- Non... Mais demain, je vous lirai quelques légendes de la mer de l'Est, si cela vous va, prince des mers.
- Arrêtez de m'appeler comme ça ! Combien de fois dois-je vous le répéter, bon sang... Et sortez-moi de là à la fin, je n'ai rien fait de mal !
- Nous ne faisons qu'écouter les ordres de notre roi... Selon lui, vous n'êtes qu'un bâtard, alors il doit vous cacher, vous comprenez ? Comment réagirait le peuple s'il apprenait que le roi avait eu une liaison avec une autre sirène ?
- Vous répétez toujours la même chose ! Ne m'avez-vous pas dit que la reine avait disparu, de toute façon ? Et son amante aussi, par la même occasion ? En quoi ça me concerne ?
- Moi-même, je ne sais pas pourquoi on ne vous a pas libéré plus tôt, mais le roi est intransigeant sur la question, on n'y peut rien. Attendez encore un peu, et vous aurez peut-être une belle surprise. Depuis le temps, vous êtes devenu adulte, et votre demi-sœur Poema, la fille légitime du roi triton, a quitté le château... Peut-être vous confiera-t-on le royaume ?
- Ah, mais j'en ai marre ! Si je ne suis qu'un bâtard, pourquoi me confier le royaume ? J'ai dit que je n'en voulais pas, de toute façon ! Et je suis sûr que si le roi m'a enfermé, il ne le veut pas non plus...
- Quand vous êtes né, votre mère, l'amante cachée du roi, vous a envoyé sur terre afin de vous protéger. Quand le roi a appris cela, il vous a fait rechercher partout sur terre. Il a mis quelques années à vous retrouver, mais a fini par mettre la main sur vous. Vous n'étiez encore qu'un enfant, mais maintenant que vous êtes adulte, peut-être que le roi changera d'avis...
- Arrêtez de me raconter cette histoire en boucle !
Le prisonnier soupira avant d'ajouter d'une voix plus basse :
- De toute façon, je ne suis pas son fils, je ne suis même pas un triton... Cet idiot de roi a dû utiliser sa magie pour me transformer car je ne pouvais pas le faire... Comment n'a-t-il toujours pas compris qu'il se trompait...? Je ne suis qu'un simple humain, pas un triton banni par la mer, comment me suis-je retrouvé mêlé à tout ça...?
- Vous avez dit quelque chose, prince des mers ?
- C'est rien... Je me dis juste que j'avais à peine une dizaine d'années quand vous m'avez capturé... Vous n'avez pas honte ? Ah...
- Je suis désolé... Le roi doit avoir une explication...
- Taisez-vous ! Je me sens de plus en plus mal chaque jour, quand allez-vous me relâcher, à la fin ? Je... Je n'ai rien fait... Pourquoi est-ce arrivé à moi... Pourquoi personne ne vient m'aider... Pourquoi...
- On vous a rapporté de la nourriture, prince.
- Je ne veux rien, allez-vous-en... Je n'en peux plus de vos plats faits de poissons et d'algues...
- Cela fait des jours que vous avalez à peine de quoi survivre, il faut que vous mangiez...
- Peut-être que me laisser mourir va faire réagir votre roi ? Bref... N'insistez pas, je n'ai pas faim... Vous pensez vraiment que cette ambiance lugubre, digne de la cellule du plus grand criminel, me donne envie de manger ?
- Le roi a voulu punir votre mère et vous... Vous avez peut-être raison sur le fait que sa punition est exagérée mais...
- Enfin quelqu'un le remarque ! Je suis enfermé ici comme si j'avais tué des milliers de personnes... Vous m'avez amené des livres, ne pouvez-vous pas... me donner de la lumière, un miroir, un couteau pour que je puisse me raser ? Je veux me regarder...
- Normalement, c'est interdit, comme tout ce que j'ai fait pour vous... Mais c'est d'accord. J'ai déjà transgressé plusieurs règles, une de plus ne changera rien. Je me suis pris d'affection pour vous depuis le temps que je surveille cette cellule... Je reviens tout de suite, et tant pis si je me fais sermonner par la suite. Surtout, n'utilisez pas le couteau pour vous tuer, ou cela retombera sur moi.
Le jeune homme soupira :
- Merci, même si vous auriez pu m'aider plus tôt...
- N'oubliez pas que je suis celui qui vous a appris de nombreuses choses, qui vous a lu des livres, qui vous a éduqué malgré le fait que c'était interdit...
- Oui, je ne vous remercierai jamais assez pour cela, mais...
- Vous avez raison, j'aurais dû faire bien plus, je le sais. Un enfant comme vous n'a pas sa place ici. J'ai beau essayer de trouver un justification à son comportement, je ne comprends pas les choix de notre roi... Il vous garde ici, mais il n'a pas voulu vous éduquer... Pourquoi vous laisser prisonnier...? J'espère qu'il a une bonne raison de vous avoir oublié ici... Je reviens dans quelques instants.
Le garde partit puis revint avec une fleur phosphorescente, un petit couteau et un morceau de miroir cassé.
- Tenez, prince, c'est tout ce que j'ai trouvé. J'ai dû choisir des choses assez petites pour ne pas me faire prendre. Je ne pouvais ni vous ramener un grand miroir, ni de lampes marines...
- Ça devrait faire l'affaire...
Le garçon approcha la fleur de son visage et regarda dans le miroir en tremblant.
"Au moins, en me regardant, je peux voir ma sœur... On se ressemblait tellement, je me demande si c'est encore le cas aujourd'hui, même si je doute que ses cheveux soient aussi longs que les miens, elle a toujours voulu les couper pour ressembler à un prince... Ah... Je suis là depuis si longtemps que j'ai perdu la notion du temps...
Si seulement je pouvais les revoir... Ils ont dû m'oublier... c'est certain. Ma sœur, mes amis, mon... mon meilleur ami... Jamais je ne parlerai d'eux au roi triton, quand il m'interroge, je me tais à chaque fois... Je risquerais probablement de mettre en danger les seules personnes qui sont importantes pour moi... Mais à cause de cela, on ne veut pas me relâcher... Il aurait suffi que j'avoue être le prince de la terre pour qu'ils comprennent que je ne suis pas le fils du roi triton ! Ils pensent sûrement que des humains m'ont adopté enfant, mais que je suis réellement le fils du roi des mers... Moi, je sais que ce n'est pas le cas, même si je n'ai pas connu mes parents... Comme j'aimerais, rien qu'une fois, tous les revoir... Maudit royaume marin, maudit roi, maudites sirènes !
Maintenant que je connais cet affreux monde marin, je peux affirmer une chose... En plus du garde qui m'aide en cachette, il n'y a qu'une seule personne ici qui a été gentille avec moi. Mon meilleur ami qui vient de la mer... Il vit sur terre, mais il est originaire de ce royaume, je le sais... En fait, je suis persuadé que c'est lui, le fils perdu du roi triton, mais jamais je ne le dirai au roi. Ni au roi, ni à lui si je le revois un jour... Il a déjà assez souffert comme ça, je préfère mille fois endurer tout cela pour éviter qu'il ne tombe en les mains de ce tyran complètement fou... S'il s'avère que mon ami est bien le fils du roi triton, il ne faudrait en aucun cas que ce dernier l'apprenne... Cet homme enfermera mon ami ici, à ma place, s'il découvre qu'il est son fils. Ne jamais trahir ses amis et sa famille, c'est ce en quoi je crois. Pour tenir, je me force à me rappeler que tant que je suis ici, le roi triton ne trouvera jamais son vrai fils ni ma sœur.
Il ne faut surtout pas qu'ils découvrent que je mens, sinon, ils se remettront à chercher son vrai fils, et trouveront mon ami ! Je... Je dois abandonner l'idée de retrouver la liberté un jour, pour le bien des seules personnes que j'aime, que j'aime mais qui m'ont sûrement oublié..." pensa le jeune homme en se regardant d'un air triste.
Qui était-il ? De qui parlait-il ?
Personne ne le savait à part lui-même.
Il coupa ses cheveux noirs tout en les laissant assez longs, ils lui allaient désormais jusqu'aux côtes, puis se rasa le visage avant de rendre le couteau au gardien. Il résista à l'envie de se poignarder pour mettre fin à ses souffrances et se résigna au dernier moment, ne voulant pas causer de problèmes au seul homme qui avait eu la bonté de l'aider.
Le roi triton s’était effectivement trompé : sa mémoire trouble lui jouait des tours. Il savait qu’il avait un fils illégitime, mais il ne savait pas à quoi il ressemblait ni quel était son nom. De plus, son enfant avait disparu alors qu’il venait à peine de naître. Pourquoi ? Parce que l’amante du roi, la mère de l’enfant, avait voulu protéger son fils en l’envoyant sur terre. Le roi devait éliminer l’enfant, pour cacher à son épouse sa liaison secrète avec son amante. Quand il voulut capturer son fils, celui-ci avait disparu ! Il mit des années à le retrouver et ne s’était pas rendu compte de son erreur. Le roi croyait retrouver son fils dans les eaux de la mer, mais quelle ne fut pas sa surprise de le retrouva sur terre ! Il ne savait rien du plan ingénieux de son amante de cacher leur enfant au royaume terrestre.
Qu’était-il arrivé à l’épouse du roi triton et à son amante ? Seul le roi aurait pu s’en souvenir, mais lui-même ne parvenait pas à s’en rappeler.
- Ah !
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- Prince, j’entends du bruit, ils viennent ici ! Donnez-moi cette fleur, je dois éteindre la lumière dans votre cellule, seules celles du couloir sont autorisées à briller… Et cachez le miroir ! Si je me fais prendre…
- Pas de panique, je ferai ce que vous me dites, je ne voudrais pas vous causer du tort... Ce n'est pas la première fois que je suis obligé de m'arrêter en pleine lecture à cause de cette interdiction idiote concernant la lumière... marmonna le garçon en tendant la fleur au garde.
Le garde s’empressa d’éteindre la lumière de la fleur et la jeta dans le couloir, en espérant que personne n’allait la remarquer.
- Nous vous apportons un prisonnier. Le roi veut le mettre dans la même cellule que cet homme, annonça l’un des soldats du roi des mers.
- Vous ne l’enchaînez pas ? s’enquit le garde.
- Pas besoin, il ne pourra pas s’échapper. C’est cet homme qui peut être dangereux, ajouta le soldat en pointant le supposé fils du roi du doigt.
- Ouvrez la cellule, ordonna un deuxième triton.
Le garde s’exécuta sans broncher, sceptique.
Ils poussèrent Morgan dans la cellule et fermèrent la porte à double tour.
Les soldats quittèrent les cachots, laissant le garde (plutôt âgé), surveiller la cellule. Celui-ci ne tarda pas à s’endormir, car il faisait confiance à l’enfant, maintenant adulte, qu’il aidait en cachette. Il espérait secrètement qu’un jour, on allait libérer ce pauvre jeune homme qui n’avait rien demandé, et qui avait passé une bonne partie de son enfance dans cette cellule sans vie.
Morgan soupira.
Il n’aimait pas l’idée de partager sa cellule avec un triton inconnu.
"Il fait si sombre que je ne distingue même pas son visage… J’aurais bien aimé savoir à qui j’ai affaire…" pensèrent-ils tous les deux.
Au bout de plusieurs longues minutes de silence, le supposé prince des mers se racla la gorge et demanda pour briser la glace :
- Qui es-tu ? Pourquoi on t’a enfermé ici ?
Sans savoir pourquoi, le ton du prisonnier rassura Morgan, et il lui répondit :
- Je ne sais pas vraiment, j’ai ramené la fille du roi triton, mais maintenant, il me suspecte. Je suis juste un triton ordinaire… Et toi ?
- Ha ha... Pour une fois que j'ai de la compagnie... Je vais te raconter un secret, mais n'en parle pas, d'accord ? Je n'en peux plus de garder ça pour moi, et je ne pense pas que le roi te croira si tu lui révèles mon secret, alors voilà. Le roi des mers est persuadé que je suis son fils perdu, et comme ce fils est illégitime, il souhaite le cacher en prison. Mais moi, je sais bien que je ne suis pas son fils. C'est drôle, dis comme ça, ça fait des années que je suis ici pour un crime que je n'ai pas commis. D'ailleurs, même son fils n'a rien fait, c'est uniquement de la faute du roi d'avoir eu une liaison interdite avec une autre sirène !
- Drôle ? C’est tout sauf drôle.
À nouveau, sans savoir pourquoi, Morgan se sentit en sécurité, et parlait avec une facilité incroyable à ce prisonnier qu’il ne connaissait pas, lui qui ne parlait jamais avec les autres.
- J’aime penser que je me trouve dans une histoire complètement folle, ce genre de situation, ça n’arrive que dans les livres, n’est-ce pas ? rit le prisonnier.
- Tu n’as pas tort…
- Au fait, le garde qui dort, là, c'est mon ami... Il m'aide en secret, mais ne le répète pas. Ah, voilà que je te déballe tout alors qu'on se connaît à peine... C'est sûrement la solitude qui me fait parler sans m'arrêter !
- Je ne peux rien te reprocher, je ressens la même chose que toi, j’ai peur d’en dire trop, mais je ne peux pas m’empêcher de parler.
- On est deux, alors. Regarde ça, ah, tu ne vois rien, c’est vrai. Même mes yeux habitués au noir distinguent à peine ta silhouette, comment pourrais-tu le voir ?
- Voir quoi ?
Le jeune homme s’approcha de Morgan et tenta de lui attraper la main, mais au lieu de cela, il toucha les épaules du garçon. Le contact brûla la peau du bras-droit du prince, qui sursauta.
- Pardon… Où est ta main ? s’enquit le prisonnier.
- Ici, répondit Morgan en l’agitant devant lui.
Il attrapa la main du nouveau venu et y glissa le morceau de miroir.
- Toi qui n'es pas attaché, approche-toi des barreaux, puis grâce au miroir, dévie la lumière des fleurs dans le couloir, et dirige cette lumière vers moi si tu veux voir mon visage.
Morgan fit ce que lui disait le prisonnier et découvrit à sa grande surprise un jeune triton très beau, aux yeux aussi brillants que des étoiles et aux cheveux plutôt longs d'un magnifique noir ébène. On voyait mal, mais ce visage lui disait vaguement quelque chose. Il était assis à même le sol, les bras croisés, et était enchaîné de telle sorte à ce qu'il puisse un peu bouger dans sa cellule sans pouvoir s'approcher des barreaux.
- À ton tour, maintenant. On ne sait pas combien de temps tu resteras ici, alors j’aimerais bien voir le visage de mon nouveau colocataire, sourit le prisonnier.
Cette fois-ci, c’était le supposé fils du roi qui ne savait pas pourquoi l’arrivée de ce garçon dans sa cellule lui redonnait vie. Il devait se sentir si seul que voir quelqu’un dans la même situation que lui l’avait rendu curieux, mais aussi attiré par cet inconnu qui avait eu la malchance de tomber sur la colère du souverain des mers, comme lui quelques années auparavant. Pourquoi le destin s’acharnait-il sur eux ?
Morgan se mit près du miroir et laissa le prisonnier l’observer. Il sentait le regard perçant du jeune homme sur lui, mais cela ne le mit pas mal à l’aise.
- Tu es vraiment beau… murmura le garçon, ce qui fit instantanément rougir le bras-droit du prince.
Il ne répondit pas, trop gêné par ce qu’il venait d’entendre. Lui aussi trouvait le prisonnier plutôt attirant malgré le peu de lumière dont ils disposaient.
- Ces mèches grises… J’ai cru comprendre que c’est un truc de triton ? Moi, je suis humain.
- Quoi ? Tu es… un humain ?
Morgan se tut : il détestait les humains. Mais maintenant qu’il avait vu la cruauté des sirènes, ces sirènes qui l’avaient abandonné quand il était petit, quelle différence cela pouvait faire ? S’il devait détester une personne, c’était Aaron. Et puis cet homme lui semblait fort sympathique (pour un prisonnier). Peut-être que le destin voulait réunir deux personnes aux mêmes problèmes ? Si tout le monde le méprisait, peut-être qu’un prisonnier allait lui parler normalement ? Morgan décida donc de ne pas faire attention à ce détail : lui aussi, il a été humain, même s’il venait de la mer.
- Il y a un problème ? demanda le prisonnier.
- Non, non… Ce n’est rien.
- Tu sais, ça m’a fait bizarre, tout à l’heure… Quand je t’ai touché. Je n’ai pas l’habitude de… rencontrer des gens en dehors de ce garde.
- Quand as-tu été emmené ici ?
- Je crois que j'avais une dizaine d'années environ.
- Tu veux dire que tu es ici depuis l’enfance ?! Je pensais que tu es ici depuis environ deux ans, mais pas plus !
Le garde s’était réveillé, et, les entendant converser ainsi, décida de s’éclipser et de les laisser seuls. "Enfin un ami pour le jeune prince…" pensa-t-il en souriant.
- Oh, crois-moi, je ne sais pas pourquoi je suis encore en vie.
- Ce n’est pas pour rien, peut-être que tu seras bientôt libéré… Tu me fais de la peine, je ne pensais pas que le roi triton était fou à ce point.
Disant cela, Morgan s’approcha du jeune homme.
- C’est dommage qu’on ne puisse pas se voir un peu mieux, je sens à peine ta présence, souffla-t-il.
- Je suis bien d’accord… Sans lumière, on est vite déprimé… Mais maintenant que j’ai quelqu’un avec moi ici, je ferai mieux de manger au lieu de me laisser mourir de faim.
- Tu dois garder espoir ! Je sais, je suis mal placé pour dire ça, comme j’ai moi aussi mes raisons pour ne plus croire en la vie mais… Peut-être que tout peut encore changer, lui dit Morgan.
- Je l’espère, je l’espère…
Le bras-droit du prince se posa près du prisonnier puis se passa une main dans les cheveux. Voir quelqu'un dans une situation pire que la sienne lui donnait envie de garder espoir pour eux deux.
- Comment tu t’appelles ?
- Je ne peux pas te le dire, ça mettrait en danger les personnes que j’aime, alors je me suis juré de me taire, peu importe si on continue à me prendre pour le fils du roi… Mais tu peux m’appeler "le prisonnier", si tu veux.
- Ah non, je préfère encore t’appeler compagnon…
- "Compagnon" ? Je suis donc devenu ton ami ?
- Je n’ai pas dit ça ! Mais t’appeler "prisonnier", c’est trop !
Pris d’un élan soudain, le jeune homme essaya à nouveau d’attraper la main de Morgan et y parvint assez rapidement. Celui-ci rougit en sentant la chaleur de la main du prisonnier dans le noir, ici, dans cette cellule aussi froide que la mort.
- Dis-moi si ça te dérange, mais… J’aimerais sentir un peu de chaleur, j’ai tellement froid…
- Tu… Tu peux, ça ne me dérange pas. J’ai froid, moi aussi, alors je n’imagine même pas rester ici des années tout seul.
Le prisonnier finit par poser sa tête sur l’épaule de son nouveau compagnon. Ils étaient sur le même bateau : tous deux plongés dans un malheur similaire. Après quelques minutes, il demanda en chuchotant :
- Tu as… déjà embrassé quelqu’un ?
Morgan faillit hurler.
- Qu-Quoi ?! fit-il enfin, surpris.
- Ne sois pas si choqué ! Je... Pardonne-moi si c'est trop indiscret. C'est juste que j'y pense souvent, quand je m'imagine avoir une vie normale. Dans les livres que m'a rapporté ce garde, que je lisais à la lueur d'une fleur phosphorescente, il y avait parfois des histoires d'amour qui me faisaient rêver... Alors ? Tu as déjà embrassé quelqu'un ? C'est comment ?
- Ce n'est pas parce que je ne suis pas en prison comme toi que j'ai forcément quelqu'un qui m'aime ou des amis... Moi aussi je suis seul, comme je te l'ai déjà dit.
- Oh, je vois... Quand j'étais libre, c'était pareil... En fait si, j'avais un ami, un seul véritable ami qui en valait des milliers. Mais même lui, je l'ai perdu.
Morgan ne pouvait pas supporter de sentir la tristesse de cet inconnu, qui semblait visiblement être quelqu'un de bien. Il n'osait pas le croire, mais une force invisible l'attirait définitivement à ce prisonnier, comme à un aimant. Son esprit lui criait d'alléger la peine de cet homme qu'il ne connaissait que depuis quelques minutes. Alors, il se résolut à demander :
- Et… Et si c’était un homme qui t’embrasserait, que dirais-tu ? balbutia-t-il.
- Peu importe qui, tant que je vis ça au moins une fois avant de mourir.
Alors, sentant un vent de courage souffler sur sa peau, Morgan déposa un baiser dans les cheveux du prisonnier qui était encore posé contre son épaule.
Le jeune homme se redressa immédiatement.
Effrayé par la réaction du prisonnier, et pensant avoir fait une erreur, le bras-droit du prince s’écarta.
- Ah… J’ai mal compris, pardon, je…
Mais il n’eut pas le temps de continuer qu’il sentit la chaleur des mains de l’homme sur lui, ces mains douces qui le parcouraient le firent frissonner, et elles semblaient chercher quelque chose.
Quand les mains du jeune homme trouvèrent ce qu’elles cherchaient, à savoir le visage de Morgan, elles le capturèrent et l’approchèrent de la bouche de leur propriétaire. Celui-ci se pencha en avant pour embrasser maladroitement Morgan.
- Mmm, fit le prisonnier en posant ses lèvres sur celles du triton dont il tenait le visage bien fermement entre ses deux mains.
Morgan gémit et se laissa embrasser. Plus rien n’allait de toute façon, et cela lui apportait un réconfort immense. Voilà qu’il embrassait un parfait inconnu, peut-être même un criminel, et qu’en plus, il aimait ça. Comme s’il avait attendu ce moment toute sa vie, comme s’il écoutait enfin ses désirs refoulés.
Le prisonnier passa une main dans le dos de Morgan, et caressait les cheveux du garçon de l’autre, tout en le serrant de plus en plus fort.
- Ah, continue, soupira le bras-droit du prince en s’abandonnant au plaisir que cela lui procurait, le cœur battant à toute vitesse.
Le prisonnier ne se fit pas prier et continua à l’embrasser avec force, le plaquant contre le mur de la cellule, ce qui fit tinter ses chaînes de métal.
- C’est froid… chuchota Morgan en sentant l’une des chaînes le frôler.
Ils s’arrêtèrent quelques instants plus tard pour se regarder dans le noir, l’un haletant, l’autre le souffle coupé. On n’y voyait rien, mais de ce fait, les sensations étaient plus fortes. Le prisonnier l’embrassa encore une fois avec douceur, posa une main sur son propre front en soupirant, puis fit s’asseoir Morgan sur lui, dans ses bras.
- C’est mon jour de chance, j’ai enfin pu embrasser quelqu’un, dit-il en riant.
- Tu veux savoir comment je m’appelle, au moins ?
- Bien sûr, j’aimerais connaître le nom de celui qui a été mon premier, et peut-être dernier, baiser.
- Morgan.
Le prisonnier sentit son cœur s’arrêter.
- Répète ça ?
- Morgan.
- C’est peut-être une coïncidence, mais… Je connaissais un garçon nommé Morgan quand je vivais sur terre… Il avait les mêmes mèches grises que toi… Non, ce n’est pas possible…
- Quel est ton nom ? s’enquit immédiatement Morgan d’une voix presque inaudible, les lèvres tremblantes, comme espérant quelque chose qu’il savait impossible.
Le prisonnier se décida finalement à lui révéler son nom et chuchota dans son oreille :
- Aaron…
- Non… Je ne peux pas y croire, tu ne peux pas être Aaron, je le…
- Tu connais mon nom ?! Alors c’est toi, Morgan… C’est forcément toi, mon ami d’enfance, je ne vois pas d’autre explication…Mais oui, tu viens de la mer ! Dis-moi que je ne suis pas fou… Tu ne m’as pas oublié ? Tu… Je t’en supplie, dis-moi que je ne me trompe pas… Dis-moi que tu es ce Morgan que je connais…
- Je…
Mais le prisonnier ne le laissa pas terminer sa phrase et l’embrassa à nouveau, ne sachant pas comment montrer autrement son affection, tant l’excitation le gagnait.
Il l’embrassait dans le cou quand Morgan se reprit et tenta de s’écarter. Il s’en voulait de se sentir si bien quand cet homme l’embrassait.
- Non… Non ! Lâche-moi !
Aaron parlait tout en l’embrassant, sans écouter ce que lui disait Morgan :
- C’est toi… Tu ne me contredis pas… J’en suis certain de par ta réaction… Tu veux m’écarter, mais tu ne me repousses pas vraiment… Maintenant que je t’ai retrouvé, je compte bien ne pas te laisser… Si je savais que j’allais te revoir un jour… Je… Mmm… Je suis probablement fou à te sauter dessus comme ça, mais j’ai tellement attendu, je pensais à la mort, et là… Je veux t’exprimer mon amitié, mais je le fais en t’embrassant… Mais si je suis fou, alors toi aussi, n’est-ce pas ? Je vois que tu es attiré par moi, tout comme moi je le suis… C’est notre malheur qui nous uni, nos vies sont-elles si tristes que nous ne pouvons penser qu’à ce type de réconfort ? Ou bien… Ah…Est-ce parce que nous nous ressemblons tellement que nous avons fini par ne pas pouvoir nous décoller l’un de l’autre ? Ah, dis-moi que je ne suis pas le seul à ressentir ça… C’est… C’est sûrement l’espoir qui me fait délirer, cet espoir qu’on avait perdu…
La tête de Morgan bourdonnait alors qu’il continuait à ressentir le plaisir des lèvres d’Aaron. Il n’arrivait pas à se dire qu’il avait haï toutes ces années son ami d’enfance, et que d’un coup, celui-ci était redevenu "normal". C’était beaucoup trop à avaler d’un coup.
"Je me trompe peut-être… C’est une illusion ? C’est ce que je désire au fond de moi, et du coup, je suis devenu fou ? Moi qui le déteste, je suis en réalité obsédé par lui ? Comment puis-je avoir ce genre de pensées vis-à-vis de mon ami d’enfance ? Oui, je suis fou, c’est certain ! Reprends-toi, bon sang…" pensa Morgan en tremblant sous l’étreinte du prisonnier.
- Mais je déteste Aaron, je le déteste ! Et puis, que ferait Aaron ici si je l’ai laissé pour mort au palais terrestre ?! Tu ne peux pas être celui qui m’a abandonné, celui que je déteste ! Je…
- Je ne t'ai pas abandonné, on m'a capturé le soir avant lequel tu devais être nommé mon bras-droit, et moi, je devais être nommé futur prince officiellement... Je n'ai plus jamais pu te revoir après t'avoir quitté près de la fontaine du palais !
- Tu… Tu mens ! Comment peux-tu être ici et là-bas en même temps, et pourquoi tu ne te rappelles de moi que maintenant ?! C’est mon esprit qui me joue des tours en me montrant mes propres désirs que je ne peux même pas avouer avoir…
- Moi aussi, j'ai eu ce genre de pensées... Je ne connaissais que toi, alors je... J'ai parfois pensé à toi en m'imaginant des choses ni pures, ni innocentes... Je nous ai vus tous deux adultes en train de s'enlacer, de... Je suis pire que toi...! Tu as toujours été le plus timide d'entre nous, et j'ai osé rêver de toi de cette manière... Mais si tu dis me détester à ce point, ai-je tort de penser que tu ne parvenais pas à m'ôter de ton esprit ?Je t'en prie, dis-moi que je ne me trompe pas !
Aaron enfouit son visage dans les cheveux de Morgan, puis glissa sa main sur les écailles du triton.
- Tes écailles sont si douces…
- Arrête de profiter du fait que personne ne nous voit ! C'est donc bien la solitude qui te fait délirer !
- Tu ne me repousses toujours pas ? Je vois… Tu avais vraiment envie que quelqu’un t’embrasse de cette façon, surtout si cette personne, c’est cet Aaron que tu dis détester mais dont tu ne peux détourner le regard…
Morgan posa sa main sur la bouche du prisonnier, gêné par les propos de ce dernier. Il trembla en sentant que le jeune homme embrassait sa main.
- Ce doit être la noirceur de la cellule qui m’a fait perdre la tête ! Qu’est-ce qui me prouve que tu es bien Aaron ?! Tu as changé du jour au lendemain, je ne peux pas te pardonner aussi facilement, tu n’étais plus toi-même ! Oh…
Morgan s’arrêta : "Il n’était plus lui-même pile après cette nuit… Ne me dites pas qu’il dit la vérité ?!".
Le prisonnier retira la main de Morgan de sa bouche pour parler :
- Tu as enfin compris que quelque chose n'allait pas dans ton histoire, n'est-ce pas ? Quelqu'un a pris ma place ?
- Tu veux dire que le prince actuel n’est pas le vrai Aaron, et que personne n’a remarqué l’échange ?
- Il y a donc bien un autre Aaron ?! Et qu’en plus, il t’a fait souffrir ?! Et… Et ma sœur, où est-elle ?
- Quelle sœur ?
- La princesse Perla !
- La princesse Perla… Tu n’as jamais pu me la présenter, si je me souviens bien… Oh mais, certains se rappellent encore qu’elle a disparu il y a des années, et je crois bien qu’il s’agit de la même nuit où tu as disparu ! Si ce n’est pas le vrai Aaron, cela expliquerait pourquoi le prince actuel semble se ficher de sa sœur qui lui a été enlevée et qu’il ne la fait pas rechercher… De toute façon, personne n’ose le lui rappeler.
- Mais… Je me pose une question… Avons-nous disparu le même jour, ou… Suis-je le seul à avoir été enlevé ? Et si les gens se seraient trompés et auraient pensé que la personne disparue, c’est elle et pas moi ? Tu sais, nous nous ressemblons énormément… À moins que cela ne soit dû à la magie, je pense savoir qui est le prince Aaron que tu connais. Car nous sommes jumeaux.
- Tu veux dire que… Ta sœur aurait pris ta place ?!
- Ce n’est pas si étonnant que cela, non ? Elle me ressemble, elle a toujours voulu être prince à ma place, elle a peut-être profité de la situation, me pensant mort ? Car au royaume terrestre, c’est le bras-droit qui succède au prince s’il lui arrive malheur, les femmes ne peuvent hélas pas régner… Ici, chez les sirènes, c’est plutôt l’inverse, et les reines sont apparemment nombreuses.
- Mais j’ai bien vu qu’Aaron… Pardon, que cet imposteur, était un homme ! Je... Je n'ai pas pu blesser ta sœur...
- Tant que nous ne sortirons pas d’ici, nous ne pourrons pas en savoir plus… Et peut-être que nous ne le saurons jamais. J’espère bien que c’est ce à quoi je pense, car ma sœur mérite de régner plus que moi. Je me demande bien ce qu’il s’est passé, cette nuit-là.
- Au moins, nous sommes ensemble, j’ai… J’ai fait énormément d’erreurs… Mais s’il s’agit bien d’un vulgaire imposteur, ma haine n’était pas vaine… Cet homme a même changé de nom, il n’a jamais dû aimer le fait de s’appeler par un nom qui n’étais pas le sien. La fille du roi des mers, Poema, avait fugué avec cet Aaron-là, qui s’appelle maintenant Blake. Je… Je suis content de savoir que ce n’était pas toi qui m’ignorais ainsi… J’avais beau être très jeune quand je t’ai rencontré, je ne faisais que penser à toi, même quand tu as changé, tu étais la raison de tout ce que je faisais… Ton amitié m’avait fait tant de bien que la perdre m’a blessé bien plus fort que je ne le pensais… murmura Morgan timidement.
- Tu admets enfin que tu ne me détestes pas…
- Mais... Et si cet imposteur est réellement ta sœur...? J'ai peur de lui avoir fait du mal... Je...
- Ma sœur va bien, elle est forte, tu sais ? Si c'est bien elle, tu n'as pas pu la tuer, je n'y crois pas une seule seconde... Mais ça me rend triste que tu as cru que cet homme était moi…
- C’est vrai… Il n’avait pas tes yeux, les tiens sont si brillants… On aurait dit que tu étais fasciné par moi.
- Que veux-tu, j’ai toujours été fasciné par la mer et… hum, ses habitants…
- Je ne te vois pas, mais je suis sûr qu’un vilain sourire est affiché sur ton visage… Tu sais, vous avez une autre grande différence : tu es bien plus collant que lui. Comment n’ai-je pas compris qu’il ne s’agissait pas de toi ?
- C’était un compliment ?
- Que tu es collant ?
- Oui.
- Pas vraiment. Tu n’arrêtais pas de te jeter à mon cou quand nous étions petits, comme si tu ne pouvais pas te passer de moi. Le regard indifférent de cet imposteur m'a blessé...
- Mais apparemment, tu aimais ça, non ? Tu étais toujours seul, comme moi. Ne fais pas semblant d’aimer la solitude. Tu n’aimes pas que je sois collant, mais tu en réclames encore en secret… Je savais que tu adorais jouer avec moi, malgré tes protestations…
- C’est…
- Tu n’es pas embêté que ton seul ami soit devenu… ton amant ?
- Quoi ?! Quel amant ?!
- Ce que nous faisons, là…
- Tais-toi, Aaron !
- Non… Fais-moi taire toi-même. Sinon, je vais continuer à raconter plein de choses bêtes… Tu te rappelles quand je t’ai dit que je voulais me marier avec toi quand je serais grand ?
- Ce sont juste des paroles d’enfants, ce n’était pas sérieux…
- Peut-être, mais vu comment se passent nos retrouvailles, c’est peut-être le destin ?
- Tu es fou !
- Pas autant que toi.
- L… Lâche-moi un peu…
- Tu es sûr que c’est ce que tu veux ? murmura Aaron en prenant les mains de son ami dans les siennes.
- Ne m’oblige pas à le dire…
- Tu vas me dire que je saute sur le premier venu, mais c’est toi qui m’as embrassé le premier.
- J’ai à peine posé mes lèvres sur tes cheveux ! C’est toi qui…
- Tu m’as dit de continuer…
Morgan, étant assis sur son ami, sentait son souffle dans son cou, car Aaron avait la tête posée sur sa poitrine, et son cœur (oui son cœur, car maintenant, il savait qu’il en avait un) battait aussi vite que celui du prisonnier. La voix grave de son ami, une voix de chien battu… Son insolence et son côté sans-gêne… Tout le faisait vibrer si fort qu’il finit par répondre :
- Oui… Je t’ai dit de continuer… Pourquoi tu ne continues pas ?
Aaron sourit dans le noir.
- Je le savais. Tu es aussi fou que moi. Tu crois au destin ? Si oui, tu as dû t’imaginer des milliers de fois comme je venais m’excuser et que je t’enlaçais comme quand nous étions enfants, n’est-ce pas ?
- Oui… Je… Je ne pouvais pas m’endormir sans serrer quelque chose dans mes bras… Tu as retourné mon esprit, Aaron… Depuis que tu m’as montré ce qu’est l’amitié, j’en veux plus… Et comme si cela ne suffisait pas, tu me montres ce qu’est l’amour aujourd’hui… Qu’est-ce que je vais faire si tu disparais à nouveau ? Comment suis-je censé retrouver la chaleur de tes lèvres si tu n’es pas là ?
Aaron le serra contre lui en chuchotant :
- Je suis là, oublie tout ça…
Ils restèrent longtemps ainsi, deux âmes brisées qui se soignaient l’une l’autre. Deux hommes fous, mais liés. De vrais fous à lier. Seul quelqu'un d'aussi fou que Morgan pouvait soigner un fou tel que lui. Mais… Qui n’aurait pas fait la même chose après tant d’années de complète solitude et de chagrin ? Qui n’aurait pas suivi cette attirance démesurée, cette attirance si forte qui les liait ?
- Allez, fais-moi taire… Je sais que tu as du mal avec les compliments, alors je me lance… Tu es beau, j’aime ton corps, ta chaleur, j’aime tes mains… J’aime le parfum salé de tes cheveux… J’aime tes lèvres, j’aime… Mmm…
Morgan venait de l’embrasser pour le faire cesser de parler : exactement ce qu’attendait Aaron.
- Ah... Je te pensais plus innocent que ça... Je suis le seul à vouloir te dévorer ? Je suis le seul à m'être imaginé ce genre de choses avant même de te revoir ? C'est parce que je suis devenu un prisonnier complètement fou, que je ne pouvais penser à rien d'autre ? C'est seulement parce que je ne vois personne de la journée ? Non... Ce n'est pas la seule raison... Tu me rends complètement dingue, Morgan, je le sens... Toi, tu voulais seulement m'enlacer à nouveau, mais à cause de moi, tu veux maintenant beaucoup plus que ça... N'est-ce pas ?
- Oui, c’est à cause de toi, Aaron. Alors prends tes responsabilités… Et comment peux-tu dire que je suis innocent alors que j’étais prêt à tuer pour toi, que j’ai fait tant de mal juste parce que je pensais avoir perdu ton amitié ? Je voulais tellement te montrer ma force que je t’ai blessé, enfin pas vraiment toi, mais ton imposture…
- Comparé à ce que j'imaginais depuis quelques temps déjà, ce n'est rien... Oublie cet Aaron, pense à moi... JE suis Aaron... Je vais finir par être jaloux de moi-même si tu continues... Que ce soit ma sœur ou non, je t'ai tellement attendu que je m'en moque... Je suis amoureux de toi depuis que je suis enfant, ne l'as-tu pas compris ? Pourquoi est-ce que je voulais dormir avec toi chaque soir, à ton avis ? Ah... Je te veux, Morgan.
Les mots de son ami résonnèrent dans la tête du triton, et son désir pour lui grandit, comme si ce désir qu’il s’était mis à ressentir en lui n’était pas déjà assez grand.
- Je suis heureux de savoir que ce n’est pas toi que je détestais et que ça n’a jamais été toi qui m’a brisé le cœur…
- Moi aussi, je suis heureux de te retrouver… Je ne pensais pas te voir ici un jour, et de… de pouvoir te faire toutes ces choses… Je suis seulement inquiet à propos d’une chose : pourquoi le roi triton t’a-t-il mis dans cette cellule ? lui demanda Aaron.
- Je te l’ai déjà dit…
- Il y a une chose que tu ignores, Morgan. Et j’ai peur que cet affreux type s’en soit rendu compte, d’où ta présence ici, dans la même cellule que la mienne. Le roi triton a un fils caché, et ce fils caché, il pense que c’est moi. Mais moi, je ne suis pas un triton qui a été envoyé chez les humains pour être caché. Je suis un humain. Or toi… Tu m’as dit venir de la mer. Tu vois où je veux en venir ?
- Pas vraiment.
- Je n'ai rien dit toutes ces années pour vous protéger, toi et ma sœur. Je ne leur ai pas révélé ma véritable identité car je pense savoir qui est le fils illégitime du roi des mers. Si je leur disais que j'étais le prince Aaron, ils seraient partis à ta recherche. Ils seraient venus s'en prendre à toi.
- Que dis-tu…?
- Je ne voulais pas te le dire, mais si ce monstre l’a deviné, mieux vaut que tu le sache aussi. Ta mère a voulu te protéger en t’envoyant sur terre… Je pense que tu es le fils du roi triton. Et qu’ils m’ont capturé ici à ta place.
Morgan ne répondit rien et se contenta de serrer Aaron contre lui, tel un enfant. Le prince lui caressa doucement les cheveux, et soupira, apaisé, tout en le berçant.
- Nous en parlerons plus tard, pour le moment, je veux seulement t’enlacer, te sentir contre moi, dans mes bras… Je n’en pouvais plus du froid de cette cellule…
- Mmm… marmonna Morgan en signe d’accord avant de fermer les yeux et de se blottir contre le torse de son ami.
Tandis qu’Aaron déposait de doux baisers sur la peau du triton, ce dernier oublia tous ses problèmes durant un instant.
"Ah… Bon sang… Je crois que je l’aime trop…" pensa le prince en se passant une main dans les cheveux.
Mais s’il était le vrai Aaron, qui était donc Blake ?

