Glückwunsch! Deine Unterstützung wurde an den Autor gesendet
avatar
Caramel

Caramel

Veröffentlicht am 26, Aug., 2025 Aktualisiert am 26, Aug., 2025 Drama
time 9 min
0
Liebe ich
0
Solidarität
0
Wow
thumb Kommentar
lecture Lesezeit
1
Reaktion

Auf Panodyssey kannst du bis zu 10 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 9 articles beim Entdecken.

Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten. Einloggen

Caramel

CARAMEL

(Jacques Koskas)



Debout devant la fenêtre, l’homme suit des yeux le vol d’une hirondelle. L’oiseau file entre deux rangées de lauriers-roses, débouche sur la place bordée de maisons basses aux murs flamboyants sous la lumière de midi et va frôler de son ventre blanc la surface du lac, accablée sous le poids du soleil brûlant.

L’homme passe la main sur son crâne. Ses cheveux commencent à repousser. Au-dessus de l’oreille droite, il suit, du bout des doigts, le contour d’une longue cicatrice au souvenir obsédant. Aussitôt, les images défilent, impitoyables. L’avant de la voiture zigzague, la route se hérisse, le talus se précipite, les freins hurlent, la voiture s’envole, et, brusquement, le film se casse. Silence. Écran noir éclaboussé par une tache blanche, aveuglante.


L’homme prend sa casquette. Son fils portait la même ce jour-là. Ils en avaient eu deux pour le prix d’une. Sa fille préférait les chapeaux cloches, plus jolis, affirmait-elle. Il se couvre la tête. La peur que la blessure de son crâne ne s’ouvre à la chaleur du soleil le hante depuis sa sortie de l’hôpital. Le chirurgien l’a rassuré, mais mieux vaut être prudent.


A-t-il été imprudent ?

La route était dégagée. Peu de monde pour un jour de départ en vacances. Il roulait à une vitesse raisonnable, comme toujours quand ses enfants se trouvaient dans la voiture. Ils ont été éjectés sous le choc ! lui a reproché le policier venu le voir à l’hôpital pour des papiers à signer. Ils n’étaient donc pas attachés, mais cela n’avait plus d’importance, il ne le mentionnerait pas dans son rapport.

L’aube pointait à peine. Les enfants dormaient sur la banquette arrière, lovés l’un contre l’autre, parmi leurs jeux, leurs biscuits, leurs jus de fruits. C’était la première fois, depuis des mois, qu’il les avait tout à lui. Des mois qui avaient duré des siècles. Une semaine nouvelle s’ouvrait. Une semaine entière à vivre avec eux, se coucher avec eux, se lever avec eux, manger des pâtes et des frites et des beignets de poissons carrés, raconter des histoires, jouer, rire... La perspective l’effrayait autant qu’elle le réjouissait. Depuis la séparation, il ne les avait pas revus. Des mois sans fin à attendre, à se morfondre dans son bureau, transformé chaque soir en campement de fortune, à regarder le téléphone à défaut de l’entendre sonner. Le monde s’était renversé. Lui, le père, s’était senti comme un enfant abandonné par ses parents. L'univers avait viré au gris. Et sa vie s’était rétrécie, dissoute, liquéfiée en une flaque informe qui s’évaporait chaque jour un peu plus. Face à lui, désormais, s’élevait un mur sombre suffisamment épais pour qu’il s’y fracasse le crâne et mette fin à cet amas de souffrance, tumeur monstrueuse qui ne cessait d'enfler.


L’homme quitte la pénombre de sa chambre, sort en courbant le dos pour supporter le poids de l’air suffocant sur ses maigres épaules.


Il restait moins d’une heure de route pour rejoindre le village de vacances, au bord de la mer, où il avait loué un bungalow. À mesure qu’il s’en approchait, une angoisse diffuse l’avait étreint. Ses enfants ne trouveraient-ils pas le temps long, loin de leur mère ? Ne s’ennuieraient-ils pas auprès de lui ? Trop réservé, peu bavard, sa compagnie n’était pas des plus stimulantes. Mais, au village de vacances, il y aurait d’autres enfants, des animateurs, des activités, des jeux, la plage. À la fin de la semaine, ils seraient tout surpris du temps passé. Ils refuseraient de partir. Ils voudraient rester. Rester avec lui ? Cette phrase avait résonné longtemps dans sa tête. Les garder. Les garder auprès de lui. Chaque jour, chaque minute, chaque seconde. Ne plus succomber à la morsure glaciale de l’abandon, de la solitude. À quel moment a-t-il pensé à l’après, au retour des vacances, à la séparation inéluctable ? Les enfants rentreraient chez leur mère et lui, se retrouverait dans son bureau, roulé dans son duvet, sur un matelas de fortune d’épaisseur qu’il faudrait cacher tous les matins avant l’arrivée de ses clients.


L’homme se dirige vers le bois qui s’étend depuis le lac jusqu’à la colline, ronde comme le sein d’une femme. Leur promenade favorite. Ici le gros chêne, aux branches solides, sur lesquelles son garçon aimait jouer à Tarzan. Là, le buisson de mûres que sa fille cueillait consciencieusement. Elle en remplissait son panier, et les mangeait, une fois rentrée à la maison, saupoudrées de sucre blanc. Sur l’allée qui serpente parmi les touffes de genêts, les enfants faisaient la course avec Caramel, leur chien, qu’ils avaient sauvé de la noyade en l’adoptant dès sa naissance. Pourquoi Caramel ? Parce qu’on adore le caramel ! répondaient-ils en égrenant leurs rires complices. C’était un beagle, têtu et malicieux, charmeur et débordant de tendresse. Mais surtout, c’était le compagnon de jeu et le fidèle confident des enfants. L’homme se souvient des moments privilégiés vécus grâce à lui. Caramel réclamait ses promenades. Papa, tu viens avec nous dans le bois, maman ne veut pas qu’on y aille tout seuls. Avec quel plaisir il s’exécutait, ravi de ce moment volé au temps, auquel elle ne participait pas. Merci Caramel.


À quoi pensait-il juste avant ?

Vous vous êtes sans doute endormi, ça arrive, avait avancé le policier. S’il s’était endormi, avait-il rêvé ? Quel rêve ? Un beau rêve. De ceux qui réalisent les désirs impossibles dans une vie peuplée d’avocats, de juges, de pensions, de cuillers à partager, de visites autorisées ou pas, de rencontres programmées, prévues dans des agendas comme des rendez-vous professionnels. Tel jour, vous prenez les enfants. À telle heure, vous les ramenez. Aucun retard ne sera toléré. Un rêve où il se voit entouré de ses enfants pour toujours. Si c’est impossible dans cette vie, dans quelle vie est-ce possible ? Dans quel ailleurs ?

Est-ce à ce moment que la voiture a quitté la route ? Quatre tonneaux ! avait précisé le policier, presque admiratif, en lui montrant la photo d’un amas de tôles froissées au bord d’un talus.


L’homme marche sur le sentier. Quelques feuilles mortes craquent sous ses pieds. En cette fin d’été, les frondaisons hésitent entre le vert et le roux. Il s’approche du vieux micocoulier, plusieurs fois centenaire. Son tronc puissant et lisse déborde d’inscriptions que plusieurs générations de promeneurs ont gravées pour l’éternité. Les enfants avaient tenu à y inscrire leur prénom, celui du chien, de papa, de maman.


Vous vous en êtes bien tirés, avait conclu le policier, exprimant l’avis d’un connaisseur.

À l’hôpital, les infirmières les avaient surnommés les miraculés. Une coupure sur le front pour la petite. Elle en gardera une cicatrice dissimulée sous sa frange. Une luxation de l’épaule pour le garçon. Il en restera un cal, à peine visible. Une plaie béante au crâne, pour lui. Pour chacun, la trace de ce jour inscrite dans sa chair. Lien indéfectible les unissant à jamais.

Cela aurait pu être pire, avait encore dit le policier avant de prendre congé. À la place du mort, votre chien n’avait aucune chance. À croire qu’une bonne étoile veille sur lui. Le vétérinaire, lui-même, n'en revient pas. Caramel a repris conscience. Il sera bientôt sur ses pattes. Vous pouvez annoncer la bonne nouvelle à vos enfants.


lecture 4 Aufrufe
thumb Kommentar
1
Reaktion

Kommentar (0)

Du musst dich einloggen, um kommentieren zu können. Einloggen

Dir gefallen die Artikel von Panodyssey?
Unterstütze die freien Autoren!

Die Reise durch dieses Themengebiet verlängern Drama
Les monstres d’Elisa
Les monstres d’Elisa

— Tout le monde, vous savez qu’Elisa revient aujourd’hui, n’est-ce pas ? Vous savez qu’e...

Camila De Miranda
6 min
Estafilade
Estafilade

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joieEn surin*

Bernard Ducosson
1 min
Faibles
Faibles

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joieAcc...

Bernard Ducosson
1 min

donate Du kannst deine Lieblingsautoren unterstützen

promo

Download the Panodyssey mobile app