

Chapitre 30 : Oublié ?
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Chapitre 30 : Oublié ?
Morgan avançait dans le château des mers avec Poema, escorté par quelques gardes.
"Je touche au but, alors pourquoi cet endroit m'oppresse autant ? Ce n'est pas chez les humains qui m'ont rejeté, alors je devrais me sentir soulagé, non ? Quelle est cette atmosphère ? Ah... Je n'arrête pas de me remémorer les yeux de Blake... Il a changé à ce point ? Depuis le jour où il fait semblant de ne pas me reconnaître, son regard est étrange, comme si ce n'est pas lui... Comme si... Il était devenu quelqu'un d'autre... Le revoir m'a fait plus de mal que je le pensais. Je n'arrête pas de me l'imaginer, blessé sur le sol, quand je l'ai frappé puis abandonné... Je... Je ne dois plus y penser ! De toute façon, c'est bien fait pour lui ! Et... Je n'ai pas pu le tuer, j'en suis certain !" se disait-il en fermant les yeux un instant.
Au lieu de continuer à penser à ses sentiments mitigés, le bras-droit du prince se mit à rire, puis chuchota :
- Quel beau château ! Dire que tu as eu la chance de vivre ici, mais que tu t’es enfuie, petite idiote. Au moins, le roi devrait me croire et comprendre que tu as été enlevée contre ta volonté par cet humain…
- Il ne te croira pas !
- Il pensera qu’on t’a lavé le cerveau, alors. Aucun problème.
- Tais-toi ! fit-elle en lui donnant un coup de coude.
- Nous voici devant les appartements du roi triton ! s’exclama alors l’un des soldats en frappant à la porte.
- Vous pouvez entrer, tonna le roi depuis l'intérieur.
Le souverain des mers n’était plus totalement affecté par la magie de Lohan, seule son envie de faire la guerre avait disparu.
Bizarrement, la réaction du roi n’était pas celle qu’attendait Morgan. Le triton semblait plus intrigué par celui qui accompagnait sa fille que sa fille elle-même.
- C’est toi, Poema ? Ah… Et qui est ce jeune triton ?
Le roi semblait dans la lune, comme si son esprit était fatigué, embrumé…
Poema ne voulant pas ouvrir la bouche, Morgan parla à sa place.
- Votre Majesté, je vous rapporte votre fille Poema. Vous connaissez sûrement mon nom : je suis Morgan, son prétendant. Est-ce que vous vous rappelez de mes lettres ?
- Oh, Morgan, je vois…
- Voici la bague que je devais lui offrir... Excusez mon impertinence, mais... N'êtes-vous pas heureux de revoir votre fille ? demanda-t-il en posant le bijou sur la table la plus proche.
- Hmm ? Oh, pardonnez-moi… Je ne sais pas ce qu’il m’arrive depuis quelques heures… Concernant ma fille, je venais tout juste d’abandonner l’idée de la revoir un jour, alors… Je ne sais quoi dire… Elle m’a trahi après tout, puis-je encore la considérer comme ma fille ? Morgan, vous me rappelez quelqu’un…
- Je venais justement vous annoncer que votre fille n’est en rien fautive ! C’est le prince terrestre qui l’a rendue ainsi. Voyez-vous, elle est probablement sous l’emprise d’un sort. Je l’ai sauvée des griffes de cet homme dangereux, vous n’avez plus besoin de vous inquiéter pour elle !
- Blake n’est pas un homme dangereux, il…
Morgan fit taire Poema en la tirant discrètement par le bras.
- Gardes, emmenez ma fille dans sa chambre et enfermez-la. Je dois m’entretenir avec ce jeune triton.
- Entendu, Votre Altesse !
Et les soldats du royaume marin emmenèrent Poema malgré ses protestations, laissant le roi et Morgan seuls.
- Vous… Vous vouliez me parler ? s’enquit le bras-droit du prince, perplexe.
- Oui… Assieds-toi là, sur ce coussin d’algues, veux-tu ?
- Bien sûr…
- Toi… Tu es un humain, n’est-ce pas ? Ou du moins, tu viens du monde terrestre... On m’a prédit ta venue.
- Comment… Non, je… Je suis un triton !
- Récemment, j'ai invité un homme voyant à la cour des sirènes. Il m'a expliqué que le jour où je retrouverai ma fille, je retrouverai aussi un autre membre de ma famille que j'ai perdu il y a des années, quelqu'un qui aurait vécu sur terre durant de longues années. Je n'en croyais pas un seul mot jusqu'à ce que je te vois. Je ne sais pas qui tu es, mais tes cheveux, ta queue de triton trop brillante... Tout laisse à penser que tu fais partie de la famille royale des sirènes : ici, nous avons soit les cheveux noirs comme ma fille, soit les cheveux d'un gris d'argent, comme moi... Les tiens sont sombres, grisâtres, et striés de mèches d'argent, j'ai rarement vu un tel assemblage... Je ne peux nier le fait que tu me ressembles, surtout ton regard de glace. Tu as beau avoir les yeux extrêmement clairs contrairement à la noirceur des miens, ils paraissent tout aussi froids que ceux de toute notre famille, même si j'ignore ton identité. Peut-être es-tu un enfant de mon frère, je n'en sais rien. J'ai... J'ai la mémoire plutôt trouble, au point où je ne me rappelle pas du visage de ma femme, la reine des mers, aujourd'hui décédée.
Morgan écoutait les paroles du roi sans broncher, seulement en fronçant légèrement ses sourcils. "Impossible." pensa-t-il simplement avant de secouer la tête. Le garçon avait entendu parler des sautes d’humeur du roi triton, mais tout ce qu’il voyait devant lui était un souverain au regard vide, bien plus calme qu’on le lui avait décrit. Avait-il changé, ou bien les rumeurs que l’on racontait sur lui étaient fausses ?
Soudain, pile à ce moment-là, le visage du roi se transforma, ce qui fit légèrement trembler Morgan. "Oh. Ces rumeurs ne sont peut-être pas infondées, après tout... J'aurais dû plus me méfier de lui..." se dit-il en reculant prudemment.
- Votre Altesse…?
- "Morgan"… Ton nom… Tu ne me plais vraiment pas… Tu sembles être un triton de ma famille, mais tu viens forcément de la terre ferme... Dans ce cas, tu as sûrement été banni des mers ! Tu me ramènes ma fille comme par magie, soi-disant après l’avoir sauvée… Vous voulez tous les deux me berner ?! Je vais aller la voir sur-le-champ… Mais avant, viens par ici.
- Nous ne voulons tromper personne… Je… Je pensais que vous seriez heureux de la revoir, j’ai…
L'ombre menaçante du roi se projeta sur le garçon tel un nuage d'orage.
- Comme je te l’ai déjà dit, j’ai la mémoire trouble… Et si tu étais ce fameux prince qui l’a enlevée, et que maintenant, tu te fais passer pour le prétendant de ma fille pour que je t’accepte comme gendre ?
- Quoi…? Non…!
- Pire encore, et si j’avais raison de penser que tu es humain, pas un triton banni, mais bien un humain ? Pourquoi ressembles-tu aux membres de ma famille ? Je ne peux croire sur parole les prédictions du maître voyant de ma cour… La meilleure décision est de vous mettre tous les deux en prison, ne crois-tu pas ? Le temps que je prenne une décision concernant votre sort… Toi, je vais te mettre dans la même cellule que ce maudit garçon, vous êtes de la même espèce !
Morgan ne sut quoi répondre, il ne pouvait utiliser ni la force ni la magie contre un triton si puissant, qui dirigeait les mers. Il pensait le vaincre, mais après l'avoir vu, toute sa confiance s'était brisée. S'il aurait été un véritable sorcier, aussi entraîné que ceux du clan des mages, peut-être aurait-il pu rivaliser contre le roi triton, mais lui, que pouvait-il faire ? Lui qui avait appris seul, et qui venait à peine de devenir l'élève d'un grand magicien... Il n'avait aucune chance. Il voulut au moins s'enfuir, mais le roi le retint par le bras et l'emmena lui-même vers ses gardes pour ordonner à ceux-ci de l'enfermer dans les souterrains du château des sirènes.
"Tout est allé trop vite... Je n'ai même pas eu le temps de m'y opposer... Moi qui pensais être récompensé, je me suis lourdement trompé... Je ne croyais pas qu'il était si instable... Mais... Quitte à dire la vérité, je préfère mille fois rester dans cette prison sous-marine en tant que triton que vivre à nouveau sur terre sous forme humaine... Depuis ce que m'a dit Poema, j'aurais bien trop mal à rester dans ce palais terrestre, mieux vaut m'éloigner de là-bas tant que je ne pense pas trop à lui. Si je le revois, je risque de sombrer, je l'avoue... Je... Si seulement notre rencontre n'était jamais arrivée..." pensait Morgan, résigné.
Sans le vouloir, le bras-droit du prince se remémora sa rencontre avec Aaron, au palais terrestre, alors qu’ils avaient un peu moins d’une dizaine d’années tous les deux.
Vous rappelez-vous de la rencontre entre Poema et le prince ? C’est arrivé quelques mois après ce que je vais vous raconter maintenant, car oui, Morgan avait rencontré le prince avant que celui-ci ne connaisse Poema.
- Ils se moquent encore de mes mèches argentées… soupira le petit garçon en regardant la surface de l’eau.
Morgan toucha le sable de ses doigts. Bien sûr : la plage était déserte. Tout le monde détestait les gens comme lui, "ceux qui venaient de la mer"… On le lui avait répété maintes et maintes fois. Même la famille qui l’avait adopté ne l’avait fait que par pitié. "Ils m’ont adopté pour que je sois leur servant, sinon, pourquoi d’autre ? Bon… Au moins, c’est mieux que l’orphelinat… Même si je vais sûrement bientôt devoir y retourner…" pensait l’enfant, ravalant sa tristesse.
Il leva la tête vers la lune, aussi belle qu'une perle immense qui brillait dans le noir.
Chaque fois que quelqu’un l’adoptait, il n’y restait que quelques jours, pour être ensuite de nouveau envoyé à l’orphelinat. Et ce mode de vie le fatiguait, il était encore bien trop jeune pour subir toute cette haine. Alors parfois, il sortait de chez lui quand tout le monde dormait afin de regarder la mer, toucher le sable… Personne ne s’inquiétait pour lui, alors pourquoi ne pas en profiter ? L’air frais de la nuit le remplissait de liberté et lui redonnait un peu d’espoir, même s’il perdait petit à petit l’étincelle qui le maintenait en vie.
Soudain, il entendit du bruit derrière lui.
Il se retourna. C’était un garçon de son âge, aux beaux cheveux noirs.
- Qui es-tu ? demanda Morgan.
- Je suis Aaron. Qu’est-ce que tu fais ?
- Je… Je regarde la mer, marmonna l’enfant, surpris de voir quelqu’un d’autre que lui fréquenter la plage censée être déserte.
- Oh ! Je viens faire la même chose que toi ! C’est la première fois que je vois la mer… Ils ne me laissent jamais m’en approcher par précaution, alors j’ai décidé de fuguer. Comment tu t’appelles ?
- Je m’appelle Morgan. Euh… Tu n’as pas peur de la mer ?
- Je ne vois pas pourquoi je devrais être effrayé. Je dis la même chose à ma sœur jumelle : les sirènes, ce sont des fées de l’eau ! Elles ne peuvent pas être méchantes, je l’ai lu dans un livre.
- Vous avez des livres qui parlent de gentilles créatures marines ?!
- Bien sûr ! Je ne suis pas le seul à douter des gens qui disent que les sirènes sont méchantes, quel est le fondement de ces rumeurs ? Aucun !
- Mais alors, pourquoi les gens me détestent ?
- Comment ça ? Qui te déteste ? Pourquoi ?
Aaron s’accroupit près de Morgan, les yeux écarquillés.
- Mon prénom signifie "qui vient de la mer"… Bien sûr que les humains me détestent après toutes ces rumeurs sur le peuple aquatique…
- Tu viens du peuple aquatique ?! s’écria Aaron, un sourire éclatant sur le visage.
La réaction du garçon avait tellement étonné Morgan que ce dernier en resta bouche bée : c’était la première fois que quelqu’un était si content d’apprendre qu’il venait de la mer.
- Tu sais parler aux poissons ? Tu sais nager dans la mer ? C’est pareil que nager dans son bain ou c’est différent ? Tu es une sirène ou juste un humain aquatique ? À moins que tu ne sois une créature marine avec des super pouvoirs, oui, c’est forcément ça ! Sinon, tes cheveux ne brilleraient pas autant ! J’adore tes mèches argentées !
Ahuri, Morgan observait Aaron : l’enthousiasme contagieux du garçon le fascinait. En effet, Aaron semblait plus intrigué par lui que par la mer qui se trouvait juste devant eux alors qu’il disait ne jamais l’avoir vue.
- Tu poses trop de questions ! Je n’ai pas le temps de te répondre ! s’écria-t-il enfin.
- Pardon ! J’ai toujours rêvé de rencontrer quelqu’un comme toi…
- Tu devrais regarder la mer au lieu de me regarder moi, c’est plus intéressant qu’un banal garçon comme moi…
- Je ne pense pas que tu sois banal, bien au contraire ! Un humain qui vient de la mer, c’est magique !
Morgan rougit de plaisir. Il ressentait de la fierté de venir du peuple aquatique, et ce pour la première fois de sa vie. Cependant, il se rappela bien vite d’un autre problème.
- J’ai beau aimer la mer et en venir, ça n’efface pas le fait qu’elle m’a abandonné… Même les sirènes n’ont pas voulu de moi, apparemment.
- Tu dis n’importe quoi, il doit y avoir une autre raison ! Qui voudrait abandonner quelqu’un d’aussi cool que toi ? J’adorerais avoir tes mèches argentées, je trouve ça très beau.
Tant de compliments gênaient Morgan, lui qui n’y était pas du tout habitué. Mais la gêne n’était pas la seule chose qu’il ressentait malgré son cœur endurci.
- Je... Ce n'est pas la peine de me dire autant de choses gentilles... Enfin, je... Merci, dit-il en reniflant.
- Ce n’est rien, je ne fais que dire la vérité. Je peux être ton ami, Morgan ?
Aaron lui tendit la main.
- Alors ? ajouta-t-il.
Après avoir réfléchi quelques minutes, Morgan répondit timidement :
- Oui, je veux bien.
- Parfait ! sourit Aaron.
- J’espère qu’on se reverra, alors…
- Tu sais quoi, si les gens sont méchants avec toi ici, pourquoi tu ne viendrais pas avec moi ? L’endroit où je vis est immense !
- Quoi ?! Non… Je ne peux pas !
- Pourquoi ?
Morgan regarda l’air dépité de son nouvel ami, et ne trouva pas de réponse.
- Tu as raison. Rien ne m’empêche de venir avec toi, conclut-il, résigné à accepter la proposition d’Aaron.
- Super ! On m’a toujours dit que j’étais quelqu’un de très convaincant.
- Tu parles ! C’est pas comme si j’avais vraiment le choix…
-Tu as beau faire semblant de râler, je vois bien que tu es content de venir avec moi, n’est-ce pas ?
- Peut-être bien, fit Morgan en essayant de cacher son sourire.
Aaron l’aida à se lever et l’entraîna par la main. Il fallait avouer qu'il avait une personnalité très solaire, capable de dérider les personnes les plus tristes.
- Suis-moi ! Au fait, j’ai oublié de préciser : je suis le prince, et chez moi, c’est le palais terrestre. Mais ça, ce n’est qu’un tout petit détail.
- Quoi ?! Qu’est-ce que tu as dit ?!
- Je ne voulais pas te révéler mon identité tout de suite, après tout, je ne suis pas censé me promener la nuit en dehors du palais ! Et puis… Pardonne-moi de te l’avoir caché, mais je voulais avoir un véritable ami. Pas quelqu’un qui n’est avec moi que parce que je suis prince. D’ailleurs, presque tous les autres enfants ne veulent pas jouer avec moi, ils ont trop peur de faire une bêtise et je les intimide sans le vouloir… J’espère que tu ne te comporteras pas différemment avec moi maintenant que tu sais que je suis le futur prince de ce royaume…
- Oh… Je vois… Ne t’inquiète pas, ça ne change rien pour moi. Tu as dit qu’on est ami, n’est-ce pas ? C’est tout ce que j’avais besoin d’entendre.
Aaron sourit à nouveau. Il avait fait le bon choix.
Depuis cette nuit, l’amitié des deux enfants grandit à vue d’œil, ils étaient devenus inséparables et avaient remarqué qu’ils se ressemblaient beaucoup. Tous deux s’étaient retrouvés seuls à cause de leurs origines, et trouver un ami digne de confiance était la plus belle chose qui leur soit arrivée.
Quelques mois plus tard, Aaron invita Morgan à aller se promener dans le jardin royal, près de la plus grande fontaine à minuit.
Quand Aaron arriva sur les lieux, il vit son ami assis sur le bord de la fameuse fontaine, dont les éclats d’eau brillaient au clair de lune.
- Salut ! J’ai enfin pu me libérer de mes devoirs royaux, je savais que j’allais finir tard, mais tout de même… J’imagine même pas ce que ce sera quand je serais adulte ! Pardon pour le retard…
- C’est pas grave, je regardais l’eau de la fontaine… C’est joli, n’est-ce pas ?
- Très !
- Pourquoi tu n’as fait venir ici, Aaron ?
- J’ai quelque chose à te dire, et les membres du conseil m’ont dit qu’ils sont d’accord avec ma proposition. Bref, ça te dirait de devenir mon bras-droit ?
- C’est-à-dire ?
- En gros, j’ai besoin de quelqu’un pour m’épauler en tant que futur souverain. Quelqu’un qui me suivrait toute la journée, qui m’aiderait, jusqu’à ce que mon règne se termine. Autrement dit, tu veux bien être mon ami pour la vie ?
- Je suis déjà ton ami pour la vie, tu le sais. Je ne vois pas pourquoi je devrais refuser...
- Quoi ?! Vraiment ? Tu veux bien être mon bras-droit ?! Tu auras beaucoup de responsabilités et…
- Je n’aime pas rester ici sans rien faire, alors s’il y a un moyen de t’aider et de te rendre ta gentillesse, j’accepte avec plaisir. Tu n’as pas besoin d’en dire plus.
Les yeux d'Aaron brillaient si fort que Morgan crut rêver. Le prince l'enlaça soudain et le garçon se laissa faire, heureux d'avoir rencontré Aaron. C'était la première fois que tous les deux ressentaient la chaleur de l'amitié, ayant toujours été seuls auparavant. Avoir un ami, c'était la chose la plus précieuse au monde, et tous deux le savaient très bien depuis qu'ils s'étaient rencontrés.
Oui. Leur amitié était si forte que rien n’aurait pu la briser.
Rien, à part ceci. La chose qui chamboula l’avenir de tout le royaume terrestre.
- Morgan, tu veux venir ? Je vais me promener près de la plage. Demain, on te nommera officiellement mon bras-droit. D’ailleurs, je serai moi aussi officiellement nommé futur prince. On m’appelle prince, mais je ne le serai vraiment que le jour de ma majorité… Ici, au palais, peu de gens savent que tu viens de la mer, ils t’accepteront tous un jour, je te le promets. J’ai déjà convaincu les membres du conseil de te choisir toi, car tu es mon seul véritable ami, et tu es le seul capable de rester avec moi toute la vie.
- Merci, Aaron… Si c’est demain qu’on me nommera ton bras-droit, alors je ne peux pas t’accompagner. Je ne veux pas être fatigué lors de la cérémonie. Traîne pas trop, toi aussi, la cérémonie est pour nous deux ! Tu m’as dit que tu as une sœur, mais je ne la vois jamais. Elle est trop occupée ?
- Ah, ma sœur ? Normalement, elle aurait dû te sauter au cou en apprenant que tu viens de la mer, car elle aime la mer autant que moi, mais… Je crois qu’elle est jalouse, peut-être que demain, elle voudra enfin te parler ? Il faut dire qu’en tant que princesse, elle est très occupée à cause de tous les cours qu’elle doit prendre. Même moi, je ne peux venir te voir que le soir très tard ou le matin très tôt ! Elle m’a dit un jour qu’elle aurait préféré être prince, comme moi… Bref… Tu es sûr que tu ne veux pas m’accompagner à la plage ?
- Non, désolé. Je t’ai tellement attendu que je meurs de sommeil.
- Ah, c’est ma faute, pardonne-moi ! Demain, viens au lever du soleil me rejoindre dans ma chambre, les gardes te laisseront entrer comme d’habitude, je les ai prévenus. On se préparera ensemble, d’accord ?
Aaron serra son ami contre lui, et le visage boudeur de Morgan se transforma en sourire.
- Bon, alors j’y vais. À demain, Morgan !
- À demain, Aaron !
Ils se souhaitèrent une bonne nuit et se séparèrent chacun de son côté.
Morgan regarda le prince partir, regrettant de ne pas l’avoir accompagné. Il ne savait pas que sa décision avait tout changé. Jamais il n’aurait dû laisser partir Aaron.
Le lendemain, Morgan se leva le sourire aux lèvres. Il se dépêcha de se préparer et fila vers la chambre du prince.
Ne sachant pas ce qui était arrivé la nuit même, il toqua et entra sans attendre la réponse de son ami, comme il le faisait souvent avant que le prince ne parte étudier pour la journée.
- Eh, qu’est-ce que tu fais ? s’écria Aaron en le voyant entrer.
- Euh, je…
- Qui es-tu ?!
Morgan se figea sur place en entendant ces mots. Il croyait s’être trompé, mais hélas, ce n’était pas le cas.
- Je suis…
- Tu es celui qui sera mon bras-droit ? Mon conseiller m’a prévenu de ta visite...
- …
- En tout cas… Tu n’as pas le droit de rentrer dans la chambre d’un prince comme ça ! Ça ne se fait pas, n’oublie pas que je serais le dirigeant de ce royaume.
Morgan ne répondit rien, mais sentit quelque chose oppresser sa poitrine, quelque chose de lourd et de très désagréable. Il venait de perdre foi en l’humanité quand il comprit qu’Aaron n’était pas, ou n’était plus, celui qu’il connaissait.
Il venait de perdre son seul ami qui lui donnait la force de se battre pour s’intégrer aux humains. Il le sentait : un énorme fossé s’était créé entre lui et le prince, et ce qui blessa le plus le jeune triton était le fait qu’Aaron ne lui parla plus jamais comme à un ami.
"Ce n’est plus le même… Ses yeux ne brillent plus comme les siens quand il me regardait… Maintenant, il me regarde de la même façon que tous les autres. Il me méprise, pire encore… Il me parle comme si j’étais son serviteur, alors que je suis son ami… Non, que j’étais son ami… Si c’est ce qu’il veut. Je pensais que les humains pouvaient faire preuve de gentillesse, mais je me suis trompé. Je suis exclu et je le serai toujours." pensa-t-il avec amertume.
De jour en jour, sa haine grandissait. Il regardait Aaron de loin, sans intervenir, et l’indifférence totale du prince le blessait de plus en plus. Morgan avait définitivement été effacé de l’esprit du prince : il avait été oublié. "Moi, je chérissais notre amitié. Mais apparemment, c’était à sens unique. J’aurais dû m’en douter, personne ne veut un ami qui vient de la mer… Je lui montrerai un jour, que je peux me débrouiller sans lui… Il doit penser que je suis pitoyable, à n’avoir que lui pour ami et à toujours être seul. S’il pense que je suis faible, je vais lui montrer le contraire, et il s’inclinera devant moi…" se disait Morgan, le cœur serré.
Le jour où Aaron rencontra Poema arriva peu après.
Morgan aimait suivre en cachette le prince, même s’il se sentait trahi. Il avait vu qu’Aaron avait un nouvel ami pirate, Jack, et les avait entendus parler de la fameuse sirène que le prince avait rencontrée.
Morgan ne comprenait pas : "Non seulement il a un nouveau meilleur ami, mais en plus, il parle avec une sirène… Il veut la tromper en lui faisant croire qu’il est son ami, comme il l’a fait pour moi ? Ou… A-t-il fait exprès de m’oublier moi en particulier ?".
Cette fois-ci, il décida de définitivement faire une croix sur Aaron, et cessa de croire que le prince allait lui demander pardon un jour comme il l’imaginait. Même si au fond de son cœur, il espérait toujours que ça arrive. Jusqu’au bout il avait voulu penser à un malentendu, mais il dut se faire à l’idée que son ami l’avait abandonné, comme tous les autres. Aaron était parti, et le soleil avec lui.
Morgan secoua la tête pour effacer ses douloureux souvenirs d’Aaron. Le prince qu’il détestait était autrefois son meilleur ami. "Je n’étais qu’un enfant, j’avais à peine une dizaine d’années… J’ai dû me mentir à moi-même tant je voulais être accepté par les humains. J’avais ce désir caché en moi, et les mensonges d’Aaron étaient tout ce que je désirais entendre, alors je l’ai cru. C’est tout. On croit ce que l’on veut entendre. Oublie-ça, Morgan…" se dit-il en avançant.
Petit à petit, il sentit que l’endroit où les gardes l’emmenaient était proche : plus ils touchaient au but et plus il faisait sombre.
Ils arrivaient aux cachots.

