Une petite silhouette se tient au milieu de la salle d'entraînement, qui

est assez bruyante. Il demande alors le silence et finit par l’obtenir

après un certain temps. Il s’agit d’un vieux teckel que peu de Canins reconnaissent.

— Veuillez m’excuser, je n’en aurai pas pour longtemps. Il

est temps de présenter les nouveaux équipements que nos

braves soldats emporteront avec eux au front, dans quelques jours. Pour affronter le

souffle de feu des panthères, l’Amiral m’a demandé de concevoir une protection

adéquate. … Au fait, je ne me suis même pas présenté ? Quel malpoli je suis… On

me surnomme « l’Orfèvre ».

Des murmures retentissent dans la salle. Malgré ça, le teckel ouvre le carton et

poursuit avec un sourire malicieux :

— Ces derniers jours, j’ai fabriqué un nouveau modèle de bouclier, inspiré de

ma gamelle à croquettes, et…

— C’est pas une gamelle qui va arrêter des flammes ! se moque un Canin, sans

se douter que l’on pouvait l’entendre.

Sans un mot, l’Orfèvre se tourne vers le Canin et le dévisage. Puis il se met à

siffler, comme pour donner une sorte de signal. Quelques-uns de ses associés

apportent une énorme machine : un lance-flammes. L’Orfèvre reçoit ensuite un large

bouclier métallique. En s’adressant à un complice, qui est posté au lance-flamme, le

teckel crie :

— Envoie la sauce !

Un torrent flamboyant surprend la Révoltruffe. Les flammes crachées par la

machine illuminent toute la salle mais, devant les yeux ébahis de tous les Canins, le

petit vieux reste immobile avec son sourire fidèle. La chaleur qui est dégagée par le

lance-flamme transforme la salle d'entraînement en fournaise.

À la fin du spectacle, tout le monde a le souffle coupé : l’Orfèvre n’a pas bougé

d’un poil et tient toujours son bouclier ! Il est visiblement amusé par la situation et

se met à rire aux éclats en touchant sa barbichette, avant d’expliquer :

— Je me suis dit que rien ne valait une petite démo ! Ce nouveau bouclier, il me

semble, sera assez efficace pour dévier les boules de feu et supporter leur chaleur.

Comme ma gamelle, il se constitue d’aluminium et j’ai pu constater que cela résiste

parfaitement au feu ! Mais ce n’est pas tout…

Les Canins se demandent bien ce qu’il va encore se passer. Un bruit de moteur

retentit.

— Sachez qu’il n’y a pas que les armes qui m’intéressent. J’adore contribuer

aussi à la construction des véhicules et des vaisseaux en tous genres. Mes machines

préférées sont les aéro-niches !

À ces mots, un magnifique vaisseau argenté survole le public, avec grâce, et se

pose tranquillement à côté de l’Orfèvre. Il n’y a pas de doute : ce n’est pas une simple

aéro-niche…

— Entièrement recouverte de plaques d’aluminium, j’ai conçu ce modèle d’aéroniche pour résister au feu, évidemment, ainsi qu’aux éventuels coups de griffes des

panthères. Deux inconvénients toutefois : son aspect brillant la rend moins discrète

aux yeux de l’ennemi et elle demande beaucoup de ressources métalliques. D’autant

plus qu’on ne l’a jamais essayé sur de longues distances ! On ne sait pas vraiment si

tout fonctionnera comme prévu, avec ce prototype… Alors, par précaution, l’équipe

sera répartie dans deux aéro-niches différentes : une en aluminium et une autre

classique. Voilà, j’ai fini mon intervention. C’est tout pour moi, je vous remercie

pour votre attention.

Sous les applaudissements de toute la Révoltruffe, l’Orfèvre repart modestement

à son atelier, le sourire aux lèvres, en grattant sa barbichette. Il ne peut retenir un

petit bâillement, après toutes ces nuits dédiées à ses ouvrages. Cette fois-ci, pour la

première fois depuis longtemps, il va prendre le temps de se reposer un peu…