

Chapitre 35 : Un cœur libéré des ténèbres qui le hantaient
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Chapitre 35 : Un cœur libéré des ténèbres qui le hantaient
- Déjà ?!
- Bien sûr, je suis le maître des mages, après tout !
Lohan sourit face à l’air surpris du prince et de ses autres compagnons.
- Le fidèle de mon ancien maître n’est plus, ma propre magie n’en est devenue que plus forte. Et puis cette fois-ci, nous n’avons pas le temps ! Si j’ai tenu à rallonger le voyage lors de nos précédentes missions, c’était pour nous laisser réfléchir. Peu importe la puissance dans la magie si on n’a pas d’idées ni de plan en tête. Vous savez très bien qu’il ne faut pas l’utiliser à la légère, et encore moins s’en servir pour des banalités.
- Tu as peur de te transformer en fainéant ? se moqua Blake.
- On peut aussi dire ça comme ça… Bref, retenez bien que quand on utilise une forte énergie à un endroit, elle diminue à un autre. Il faut bien trouver cette force quelque part, et cela peut amener à des déséquilibres.
- Tu n’as pourtant jamais eu de problèmes, non ?
- Là, par contre, tu as tort. Souvent, en créant un sort, je me sens épuisé, mais c’est moins le cas depuis que l’énergie magique de ce monde me vient en aide. Je n’utilise pas seulement ma magie, mais aussi toutes les autres magies. Je te rappelle qu’elles m’obéissent, et je ne dois surtout pas prendre ça pour acquis. Si la magie ne me respecte plus, elle me quittera.
Aliénor posa sa main sur l’épaule de son amant.
- Je pense que tu peux te détendre. Si la magie de ce monde t’a choisi, c’est que tu prends les bonnes décisions. Maintenant, elle te voue une confiance aveugle, je le sens. Connaissant un peu la magie, elle n’est pas seulement sérieuse, elle aime jouer et faire des farces de temps à autre.
- Tu veux dire que je peux lui demander son aide pour n’importe quoi ? Même si ce n’est pas assez important pour la déranger ? Je ne veux pas l’embêter avec mes futilités. Je commence à m'inquiéter de l'avoir utilisée tant de fois simplement pour m'amuser...
- N’y pense plus, et fais comme tu le sens, Lohan. Ton ancien maître et son fidèle sont les seuls à avoir abusé de la magie, et elle ne leur a jamais tourné le dos. Enfin sauf quand elle a décidé de t'appartenir à toi seul. Je ne vois pas pourquoi cette magie voudrait arrêter de t’obéir alors qu’elle a enfin trouvé un gardien approprié, responsable de ses actions.
- C’est bien beau tout ça, mais où se trouve Morgan, plus exactement ? Lohan nous a amenés devant le château des mers, mais je ne le vois nulle part... s’enquit Blake en jetant un regard vers Poema.
- Normalement, il se trouve en prison, tu t’en souviens, maintenant ? C’est pour ça que Lohan ne nous a pas téléportés directement près de lui, répondit celle-ci.
- Ah ! Pardonne-moi. Toutes ces discussions avec les membres de la garde sur le bateau, devoir tout leur expliquer, ça m’a perdu…
"Mais oui… Dis plutôt que les paroles de ton ancien conseiller t'ont rappelé de mauvais souvenirs. Des souvenirs si forts que ton esprit a préféré les enfouir au fond de toi, de telle sorte à ce que tu ne puisses même plus y accéder… J’aimerais vraiment que tu te confies plus à moi, mais je ne veux pas non plus te faire du mal en évoquant ce sujet. Après tout, je n’étais pas là à ce moment-là, et je n’ai aucun droit de te juger… Tu as peut-être du mal à te souvenir de ce qui s’est passé, mais ça te blesse, ça ne fait aucun doute ! Comment puis-je t’aider à surmonter tout ça ? J’aimerais vraiment le savoir…" pensa Poema, inquiète.
Comme vous l'aviez compris, la magie de Lohan les avait transportés tout droit en face de l'immense château des mers, demeure du roi triton. Avec le contact de l'eau salé, la magie leur avait permis de se transformer en sirènes (permettant à Blake de mieux nager, lui qui avait des difficultés à le faire). En effet, à cause du roi triton, les humains ne pouvaient pas vraiment se transformer même s'ils apprenaient leurs origines marines car le souverain des mers les repoussait, ou les bannissait à souhait comme il l'avait fait avec sa propre fille au début de notre histoire. Son bannissement avait été levé par le roi lorsqu'il la laissa quitter son château, et elle n'avait donc plus besoin de se faire aider par la magie du vieux sorcier. Cependant, il fallait tout de même l'aide de leur ami mage pour pouvoir transformer tout le monde sans causer de problèmes.
Au final, Lohan et Aliénor gardèrent leur forme humaine, mais les autres préférèrent retrouver leur apparence aquatique. Nos amis, accompagnés par le puissant maître des mages, n'avaient plus à craindre qu'on découvre leur apparence humaine et pouvaient choisir à quoi ils voulaient ressembler : ils avaient simplement besoin de pouvoir respirer librement sous l’eau. Comme vous le savez, les mages vivaient autrefois dans le royaume marin eux aussi, et la grande majorité n’avait pas besoin de queue de sirène et de branchies pour vivre au cœur de l’océan. Décidément, la haine des humains et du peuple marin n’avait aucun sens, vu comment ses habitants étaient similaires à la base.
Précédemment, la présence du prince sur le navire avait grandement étonné la garde royale, mais ils purent bien vite leur expliquer la situation et ne rencontrèrent aucun souci : la plupart aimait Blake, et ils avaient foi en son amour pour le royaume terrestre.
Après s’être reposés quelques instants, ils avaient finalement pu avertir la famille du pirate de leur réussite avant de se faire immédiatement téléporter le plus près possible de l’endroit où se trouvait Morgan grâce à leur ami magicien.
Et avant de quitter les lieux, Blake promit à sa sirène de lui parler de ce qui pesait sur son cœur plus tard, comme lui-même avait du mal à se rappeler de ce qui s’était passé il y a quelques années.
"Je n’ai besoin que de ton soutien, Poema. À présent, laisse-moi m’occuper de tout. Tu as assez souffert, et je ne veux pas être un poids pour toi. Du moins pas pour le moment. Fais-moi confiance, je te raconterai tout plus tard. Absolument tout. Tu me connais, je préfère penser à nos priorités, et mes sentiments ne le sont pas. Quand j’ai dû fuir à ta recherche le jour de notre départ, j’ai aussi choisi la priorité : être avec toi pendant ces moments difficiles. Alors je ne changerai pas d’avis : la priorité maintenant est de sauver ce monde pour que nous puissions enfin avoir une vie normale. Je supporterai la douleur, tant que tu restes avec moi. Pour mon propre bien et le tien, ne me pose plus de questions, et ne me regarde pas de cet air suppliant. Je suis faible face à toi et tu le sais. J’ai déjà bien assez de mal pour me retenir de t’emmener loin d’ici, et t’embrasser bien plus que ça… N’en rajoute pas, je t’en prie. Et pardonne mes paroles, elles ne sont pas blessantes intentionnellement. C’est juste que je ne sais pas comment te le dire autrement…" lui avait-il murmuré en lui faisant un baise-main, sans cesser de l’enlacer.
Elle ne lui avait pas répondu, mais hocha légèrement sa tête en signe d’accord, et le prince comprit qu’elle ne le forcerait à rien.
"Poema est bien trop parfaite pour moi. J’ai du mal à croire en ma chance de l’avoir rencontrée…" avait-il alors pensé, à deux doigts de tout lui révéler, ému par sa preuve d’amour. Elle l’avait compris, sans rien attendre en retour. Elle lui faisait confiance, aussi simplement que cela.
"S’il juge que c’est la bonne chose à faire, je ne peux pas le contredire, ni le forcer à faire l’inverse, et à tout me raconter au lieu de garder ses secrets. J’attendrai." s’était-elle dit dans son esprit avant de le regarder en souriant, toujours en silence. Un silence réconfortant et plein d’amour.
Le groupe allait s’approcher de l’enceinte du château, mais des cris se firent entendre et cela les figea sur place.
- Vous entendez ça ? Qu’est-ce qui se passe… se demanda Blake.
- Je crois bien que les soldats des mers sont en train de traîner quelqu’un hors du château, et ça n’a pas l’air de plaire à cette personne, constata Lohan.
Poema fut la première à s’en rendre compte.
- Il ressemble à… Mais oui ! Je crois que c’est Morgan ! s’écria-t-elle, les yeux plissés vers l’agitation qui régnait devant la porte d’entrée du château.
- Ils l’auraient sorti de prison ? Parfait, j’ai des comptes à régler avec lui ! Ne t’inquiète pas, Poema. Je ne lui ferai pas trop de mal, c’est censé être ton demi-frère après tout.
- Blake, il semble avoir des problèmes, n’en rajoute pas ! Ce n’est pas le bon moment pour te disputer avec lui…
- Bon, si tu le dis… Mais au moindre signe louche de sa part, j’interviendrai, répondit le prince avec assurance, pas totalement convaincu par ce que lui disait Poema, mais résigné à faire comme elle le souhaitait.
Quand la grande porte d’entrée se referma, nos amis distinguèrent effectivement Morgan qui se tenait devant, l’air à la fois triste et désespéré.
Ils entendirent le jeune triton jurer, exprimant sa colère en frappant les barreaux de la porte.
- Ces idiots…! Une porte sous l’eau ?! Je peux facilement entrer à nouveau dans le château ! Il me suffit d’attendre que vous partiez, vous m’entendez ?! Je reviendrai et personne ne me verra entrer ! À quoi ça sert, franchement ?! Qui a construit cet endroit ?! Des escaliers, une barrière avec une porte fermée à clé… Vous êtes au courant qu’il suffit de nager pour… Argh…! Sérieusement !
- Mais qu’est-ce qu’il raconte… marmonna Lohan en fronçant les sourcils.
- Eh, Morgan ! lui cria alors Blake, lui faisant un signe de la main.
Celui-ci se retourna en sursaut, et aussi vite qu’il vit le prince accompagné de Poema et de leurs autres compagnons, se précipita vers eux.
- Aidez-moi, je vous en supplie ! Je ferai tout ce que vous voulez, je… Même ma magie ne fait pas le poids contre lui…
Essoufflé, il parlait à toute vitesse, le visage de plus en plus marqué par la détresse. Il semblait avoir oublié toute sa colère, qui n’était sûrement qu’une manière pour lui d’exprimer son désespoir.
- Aidez-moi à entrer dans ce maudit château, sinon, il va le détruire ! Il va le…
- Calme-toi, qu’est-ce qui t’arrive ?! le coupa Blake, intrigué par le comportement de Morgan.
C’était la première fois qu’il le voyait comme ça. D’habitude, son bras-droit ne montrait aucune émotion, et s’il en affichait une, c’était de la colère. Rien d’autre. Mais jamais il ne l’avait supplié, jamais Blake ne l’avait vu avec ce regard si insistant et inquiet qu’il avait aujourd’hui.
- Tu n’as pas dit que c’est facile d’entrer dans…
- Même si j’entre, ils vont me dégager de là ! J’ai essayé de concentrer ma magie, de les éloigner… J’ai tout essayé ! Je dois le rejoindre, à tout prix… Sinon, ce sera trop tard ! Mais la magie de ce fou doit être plus forte ici, c’est son territoire et mes forces me quittent ! Comme un idiot je m’accrochais à l’une des colonnes de la salle principale, mais ils ont appelé des renforts et m’ont jeté hors du château ! Je vois que le maître des mages est avec toi, il me faut son aide, et vite ! Il faut que je revienne là-bas, ce malade va le détruire !
Morgan attrapa le bras de Blake d’une force inhumaine, et le serra si fort que son bras devint rouge.
- Mais de qui parles-tu, bon sang ?
- Du roi triton ! De qui d’autre, sinon ?! Personne n’est aussi fou que lui, personne…!
- Ça, je l’avais compris… Je parlais de…
- Si tu as compris, aide-moi !
- Je parlais de la personne que tu veux rejoindre.
- J’ai pas le temps, tu veux avoir ma mort sur ta conscience ?!
- Sache que je n’en ai que faire de ta mort, alors explique-nous tout. Sinon, on ne va pas pouvoir t’aider.
Morgan le fusilla du regard, et c’était visible qu’il faisait un immense effort pour se contenir, conscient du fait que seul, il ne parviendrait à rien. Il voulut tout lui dire, mais il se rappela d’un détail. Comme il pensait que Blake était un imposteur ayant pris la place du véritable Aaron, il craignait qu’en révélant l’identité de la personne qu’il voulait rejoindre, celui-ci allait refuser de l’aider. Pourquoi un imposteur voudrait sauver le véritable héritier du royaume terrestre ? Blake allait perdre sa couronne !
- Écoute, je me moque de qui tu es réellement, mais si tu m’aides, je ferai tout pour toi. Je le promets ! Dépêche-toi de…
- Blake, que dis-tu de lire les pensées de cet homme ? Histoire d’y voir plus clair, l’interrompit Lohan.
- Non…! Tu ne peux pas… Moi aussi, j’ai la magie de mon côté ! Je n’ai qu’à fermer mon esprit, et la plus puissante des magies n’y pourra rien !
- Ah, j’avais oublié cette histoire de mage de la nuit que m’a raconté le fidèle de mon maître avant de mourir. C’est un problème, car si c’est la vérité, moi et Morgan avons des pouvoirs équivalents. Cependant, lui n’est pas soutenu par toutes les magies du monde comme moi, et il n’est pas le maître des mages…
- Le vieux est mort ? Ah, vous m’embrouillez, arrêtez de changer de sujet et aidez-moi ! Une minute de plus et…
La voix de Morgan se brisa. Tout le monde se tut en le voyant prendre sa tête entre ses mains en frissonnant, comme si tout espoir était en train de s’effondrer devant lui. Il avait l’air si fragile, tremblant ainsi de son corps frêle et maigre… La prison l’avait-elle rendu comme ça, ou avait-ce été toujours le cas et il le cachait ? Ce qu’il avait vécu l’avait sans doute affaibli plus qu’il ne l’était d’habitude, mais tout de même, il faisait peine à voir.
Blake se rongea un ongle, incapable de savoir quoi faire pour le faire cesser de trembler. Il finit par poser la main sur son épaule, mais Morgan le repoussa violemment, le visage soudain concentré d’une colère intense. Puis brusquement, il s’agrippa à nouveau au prince, tête baissée. Il serait tombé à genoux devant Blake s’ils avaient été sur terre.
- Fais ce que tu veux de moi, mais rends-le-moi ! Frappe-moi, tue-moi si ça te chante, défoule-toi sur moi, jette ta colère sur moi… Je m’en moque, mais sauve-le ! Oui, je suis devenu fou ! Et cesse de me regarder avec ton visage qui lui ressemble tant ! J’ignore qui tu es, et je ne sais pas pourquoi tu lui ressembles autant, mais arrête. Ça me fait mal rien que de te regarder… Je me moque de ton identité, mais aide-moi ! Je t’en supplie, pardonne-moi et sauve-le ! Même si tu ne me pardonnes pas, la vie d’un innocent est en jeu, tu ne peux pas rester indifférent à ce que je dis !
Morgan s’arrêta pour fixer Blake de ses yeux perçants, comme si son esprit était devenu complètement dérangé : il était incapable de penser à autre chose.
- Prends… Prends tout ce que j’ai ! Fais tout ce que tu veux de moi mais… Je ne supporterai pas de vivre en ayant sa mort sur le cœur, vivre seul comme avant, vivre alors qu’il est dans cette prison de malheur ! Ou pire… Qu’est-ce qu’il est en train de lui faire alors que je perds mon temps avec vous, hein ?! Qu’est-ce qu’il lui fait ?! Réponds-moi ! Argh ! J’en peux plus ! S’il-te-plaît, fais quelque chose, ne reste pas planté là… Il va le tuer je te dis ! Il va le…
- Calme-toi ! lui ordonna le prince, voyant que Morgan avait du mal à respirer à cause du stress.
- Je ne peux pas me calmer ! Comment veux-tu que je me calme ?! Aide-moi, sinon... Je vais... Je ne veux pas vivre, voilà ! Tu as gagné, tu ne me reverras plus après ça ! Ah... Ce serait tellement mieux si je ne l'avais jamais rencontré, il ne serait pas emprisonné à ma place... Il n'aurait pas tout abandonné pour moi...
- Qu’est-ce qu’on fait ? Il ne nous écoute même pas… De ce que j’ai compris, quelqu’un est retenu ici en prison, et est en danger à cause du roi triton, mais je ne sais rien de plus… résuma Lohan.
Poema regardait son demi-frère le cœur lourd. Elle n’était pas partie longtemps ! Que s’était-il passé depuis ces quelques heures pour que Morgan en ressorte si bouleversé ? Il ne l’avait même pas vue tant il semblait inquiet.
- Allons voir mon père, je ne vois pas d’autre solution, conclut-elle en attrapant Morgan par la main.
Celui-ci s’arrêta net de pleurer, et ne dit plus rien.
- Lohan ? fit la sirène en se tournant vers le mage.
- Oui. Ce sera fait, lui sourit ce dernier en agitant sa main vers la porte avant de l’ouvrir d’un claquement de doigts.
- On s’en fiche de la porte, il faut éliminer les gardes, ronchonna Morgan.
- Quel mauvais charactère ! Même pas un merci, rit le prince.
- Merci. Maintenant, dépêchez-vous de me ramener en prison !
- Tu vois quand tu veux. Et je te ramènerai là-bas avec plaisir, c’est la place qui te correspond le mieux, n’est-ce pas ? ajouta-t-il avec sarcasme.
- Très drôle.
- Sache que sans Poema, je t’aurais déjà éliminé depuis longtemps, mais comme elle veut absolument te laisser une chance de t’expliquer… Je te rappelle que tu m’as trahi, même si tu n’as tué personne. Mais bon, je vois que tu t’es un peu calmé... Tant mieux, fit-il en se raclant la gorge.
Le prince détestait Morgan, mais une once d'affection pour lui restait dans son cœur : après tout, il le connaissait depuis longtemps... Et comprendre qu'il ne voulait finalement pas le voir souffrir ainsi le rendait gêné. Blake soupira, puis lança un regard mécontent vers les mains entrelacées de Poema et Morgan, mais ne fit pas d’autre remarque. Il n’avait pas besoin d’être jaloux de cet homme.
Bien vite, grâce à la force de Lohan, ils entrèrent au château sans se faire importuner par les soldats de garde et les habitants marins. Mais plus ils avançaient, plus la peur se lisait sur le visage de Morgan. Une fois devant l'entrée au sous-sol, le triton finit par être bien trop effrayé pour faire un mètre de plus et lâcha la main de Poema, se figeant sur place.
- Alors, tu as peur de l’aider maintenant qu’on est presque arrivé ? Tu as perdu ton courage ? le charria Blake.
Mais quand il vit les yeux de Morgan, il comprit.
Son bras-droit n’avait pas peur d’affronter le roi triton. Il avait peur d’être arrivé trop tard et de voir ce qu’il ne voulait pas. C’était exactement ce qu’il avait ressenti pendant une seconde quand il était parti secourir Poema au repère du maître de Lohan. Il voulait la retrouver au plus vite, mais et s’il arrivait devant le pire des spectacles ? Ce qu’il ne voudrait voir pour rien au monde ? Blake était plus qu’étonné de le voir si mal, comme s’il se revoyait lui-même à cet instant mais de l’extérieur, et il s’en voulait d’avoir si vite compris ce que ressentait Morgan. Ce n'était pas censé être possible, pas pour quelqu'un comme son bras-droit. "Ce traître peut-il vraiment ressentir ce genre de choses, lui aussi ?" se demanda le prince, troublé.
- Oh, pardon… C’est pas ce que je voulais dire… Je…
- A-Allons-y, balbutia alors Morgan.
Le triton avait un sourire crispé sur le visage, et sa lèvre tremblait, mais il ouvrit la porte et entra en premier.
Aucun garde.
À la place, un atroce cri accompagné d’un bruit métallique au fond du couloir.
Morgan manqua de s’évanouir en l'entendant, s'imaginant le pire.
Car il l’aurait reconnu entre mille : c’était la voix d'Aaron.
Il l'aurait reconnu entre mille, et pourtant, il n'avait jamais compris que le prince actuel n'était pas Aaron. "J'ai été tellement bête... Et je le suis encore plus maintenant, à rester là sans bouger !" se dit-il, le cœur grimaçant de douleur.
N’y tenant plus, il se jeta en direction de la cellule en hurlant :
- N-Non !! Aaron !!! Laissez-le !
Surpris, Blake regarda Poema.
- J’ai bien entendu ? Il a dit "Aaron" ? Mais je suis ici !
- Je n’en sais pas plus, hélas… Le roi m’a dit qu’il voulait enfermer son fils en prison, si Morgan est là, l’homme qui a crié est peut-être cette fameuse personne qu’il a confondue avec son fils… Bref… Suivons-le, et nous le saurons, lui dit-elle en retour.
Morgan arriva devant la cellule d’Aaron, le souffle coupé. C’était bien ici, aucun doute là-dessus.
La porte de fer était entrouverte, mais on n’y voyait toujours presque rien. Seulement, à la différence de quand il était parti, une odeur de sang flottait. Il espéra de tout son être qu’il s’agissait de l’odeur du fer rouillé, et qu’il se trompait.
Il poussa la porte d’un coup sec et se cogna contre quelqu’un.
- Tu es revenu ? Comment tu as fait ? fit le roi triton, étonné.
Mais Morgan ne l’écoutait pas. Il avait le regard fixé sur une masse sombre par terre.
Soudain, il sentit le souverain des mers le pousser violemment sur le côté. Quand le jeune triton compris que le roi était en train de lever une sorte de lame métallique au-dessus d'Aaron (car il n'avait aucun doute que c'était bel et bien lui qui gisait au sol) dans le but de l'achever, il n'hésita pas un instant.
Cette fois-ci, il allait enfin agir. Il avait manqué bien des occasions de venir en aide à son ami et il ne pouvait pas en laisser filer une de plus. Car quand il prenait une décision, il n'abandonnait pas et suivait fermement ce en quoi il croyait. Peu importe les obstacles, peu importe ce qui suivait.
Nos amis arrivèrent avec quelques secondes de retard : Morgan avait le bras plein de sang, une énorme lame plantée dans la peau, ancrée bien trop profondément pour parvenir à la retirer. Et comme s'il ne sentait pas le moins du monde la douleur puissante qui l'accablait, il se baissa vers le corps en-dessous de lui sous le regard incrédule du roi triton.
- Tout mais pas ça… murmura Morgan.
Tout à l’heure, alors qu’on l’emmenait hors du château, il avait fait ce que jamais auparavant il n’avait fait : il avait prié les étoiles.
"Si seulement quelqu'un pouvait venir m'aider... Je donnerai tout... Je ferai tout, tant que ça peut me permettre de sauver Aaron... Je n'ai jamais cru aux étoiles, mais pour lui, je vais essayer. Et si ça ne marche pas, je ne croirai plus en rien." s’était-il dit.
Le regard de Morgan était sans vie, il s'était littéralement éteint à la seconde où il avait quitté Aaron, le laissant à la merci du roi dans sa cellule respirant la mort, aussi froide que la glace. Lui qui venait tout juste de retrouver cette lumière que le jeune prince était le seul à lui avoir donnée durant leur enfance. Cette lumière qui lui était si précieuse... Cette lumière qui avait disparu dans les ténèbres de la prison marine. Et il aurait bravé tout au monde, préférant les enfers si cette lumière lui était rendue.
Il ne le savait pas, mais sa douleur était accentuée par sa vie antérieure solitaire, où il vivait incomplet. Un esprit coupé en deux, divisé par l’absence de son âme-sœur.
Aaron n’avait pas pu le rejoindre, mais ses larmes le pouvaient. Aussi bien dans sa vie antérieure que quand il a été séparé de lui deux fois durant cette vie.
Figé devant le portail du château, alors que nos compagnons le regardaient sans comprendre, Morgan ressentait de tout son être, malgré la distance, les larmes d’Aaron. Son lien avec la mer accentuait la douleur que lui procuraient les larmes de son ami alors qu’elles entouraient son corps tremblant, frémissant à cause de la souffrance. Ces larmes de tristesse le collaient et le brûlaient, il les ressentait de tout son cœur comme s’il venait de traverser un brasier enflammé.
Il avait cédé à la folie et au désespoir quand il comprit ce qu’il venait de perdre : son seul espoir dans ce monde, Aaron. Sa seule lumière : son prince. Et face à cela, perdre un bras n’était rien pour lui. Il avait déjà tout perdu en perdant Aaron.
C’est pourquoi quand Lohan écarta le roi triton, le mettant hors d’état de nuire, et éclaira la cellule, Morgan ne fut pas surpris de constater qu’Aaron ne bougeait plus quand il le prit dans ses bras. Il le savait déjà. Oui, il le savait déjà, mais ce fut l'effet d'un coup de poignard pour lui : son prince allait mal, et il ne pouvait rien faire pour l'aider, même avec sa magie.
Il sentit son ami s'agiter légèrement, mais c’était à peine s’il respirait.
Du sang coulait de son torse blessé, se mélangeant à l’eau avec leurs larmes à tous les deux. Non, ce n’étaient plus que les larmes de Morgan car Aaron ne pleurait plus.
Le prince avait senti les bras de son ami autour de lui au même moment que la douleur des coups s’était arrêtée, son ange était arrivé pour le délivrer de sa vie douloureuse.
- Morgan…? Je suis mort ?
- Non... Tu n'es pas mort.
"Du moins, pas encore..." pensa-t-il, se retenant de dire à voix haute, le visage crispé par la tristesse.
- Alors pourquoi je vois un ange ?
- Oublie-ça. Je suis là… C’est fini, tout va bien, murmura le garçon en prenant la main du prince pour la mettre sur sa joue.
Après quelques minutes, Morgan lâcha la main d'Aaron et toucha le torse de celui-ci en essayant de sourire pour ne pas l'effrayer. Il lui insuffla sa magie pour réduire sa douleur, essayer de le soigner. Mais peut-être que ça ne servait à rien. Aux portes de la mort, toute magie était impuissante, même si sa blessure sur son torse guérissait.
Il finit par enfouir son visage dans les doux cheveux noirs d’Aaron, ne voulant plus le regarder dans cet état.
- Ton bras... murmura le prince en remarquant la lame plantée dans le bras de son amant.
- Ce n'est rien, ferme les yeux, le coupa Morgan.
Lohan fit signe aux autres de reculer, et ils s’éloignèrent, emportant le roi triton avec eux. Personne ne fit de remarque sur la ressemblance plus qu’étrange de Blake et du prisonnier. Ce n’était pas du tout le moment d’y penser.
Le mage attendit qu'ils partent, et retira la lame qui blessait le bras du triton, mais ne parvint pas à refermer la blessure, faisant seulement cesser le sang de couler.
- Pars... murmura Morgan à Lohan, sentant la présence du mage derrière lui, ne se retournant pas pour éviter de quitter l’étreinte de son prince.
- Tu vas perdre ton bras si je ne fais rien !
- Je m'en moque ! Laisse-moi seul avec lui, et pars...
- Bon... Nous t'attendons là-bas, ramène-le si...
- Ne dis pas un mot de plus.
Le mage soupira, mais l'écouta, et sortit de la cellule sans bruit.
Aaron avait l'esprit embrumé, et avait à peine suivi ce qu'il s'était passé. Il finit par ouvrir les yeux à nouveau, et vit avec horreur que le bras gauche de Morgan pendait dangereusement dans l'eau. Il eut un hoquet de surprise, ce qui avertit son ami.
- Je suis sûr que tu as ouvert les yeux ! Je t'avais dit de les fermer... Ce n'est pas important, alors... marmonna Morgan, toujours sans oser regarder le prince, préférant respirer son parfum rassurant en gardant sa tête cachée dans son cou.
- C-Comment ça pas important ?! Tu... Comment tu t'es fait ça ?! Et pourquoi tu sembles si triste ? lui demanda Aaron, tentant de se relever un peu.
- Reste allongé dans mes bras, et ne me parle pas de mon bras alors que... alors que c'est peut-être notre dernière conversation... Je ne veux pas que tu me quittes…
- Notre... Notre dernière conversation ?! Mais nous sommes ensemble, non ? Je ne vois plus le roi… Alors tout va s’arranger, n’est-ce pas ? À moins que... Tu es sur le point de mourir, c'est ça ?! Tu veux me laisser seul ici ?!
- Non ! Je vais très bien, c'est juste mon bras qui... Oublie-ça, je te dis ! Nous allons pouvoir vivre ensemble pour toujours, alors ne t'inquiète plus ! mentit Morgan, incapable de dire la vérité sur l’état de son ami.
Son bras ? Il s'en fichait éperdument. "Aaron ne voit pas qu'il est en train de mourir alors que je l'enlace ?! Et il me parle de mon bras ?! Sérieusement ? Ne peut-il pas penser à lui-même pour une fois ? Même en mourant, il s'inquiète pour moi, alors qu'il devrait s'inquiéter pour lui..." se disait Morgan, la poitrine serrée.
Il soupira, et caressa les cheveux d'Aaron de son bras valide. Faisant cela, il jeta un œil sur les mains du prince plus en détails, et remarqua enfin que les chaînes de son ami avaient disparu, sûrement un autre coup de Lohan avant de partir. Comme Morgan ne tenait le prince que d'un bras, il fut surpris que celui-ci ne s'effondra alors qu'il lui caressait les cheveux. En effet, il avait lâché Aaron, mais le prince s'était accroché à lui, et le tenait désormais fermement contre lui. "J'aurais presque cru qu'il va mieux, à me serrer ainsi..." pensa Morgan, tremblant à nouveau.
- Si c’est le cas, pourquoi es-tu toujours aussi triste ? redemanda le prince en souriant légèrement.
Cette fois-ci, Morgan fondit en larmes et répondit :
- Tu m’as promis de rester avec moi, et voilà que tu n’as pas attendu que je te sauve ! Tu aurais tenu une minute de plus, et tu ne serais pas en train de mourir devant moi ! Tu… Tu m’avais promis…! Tu es tellement égoïste ! Tu meurs en m’ayant à tes côtés, mais dès que tu partiras, qui sera être là pour moi ? Autant mourir maintenant… Je vais rester ici avec toi, et personne ne me fera bouger d’ici jusqu’à ce que je meure moi aussi !
- Qu’est-ce que tu racontes ?!
Morgan, ne voyant rien depuis qu’il avait caché son visage dans le cou d’Aaron, n’avait pas remarqué que plus les minutes passaient et plus le prince reprenait des forces. Il se contentait de pleurer en frottant son corps à la manière d'un chat contre son ami, passant son bras droit dans le dos d'Aaron.
- J’ai même prié les étoiles, mais ça n’a rien fait ! Ni ma magie, ni ces idiots n’ont pu m’aider à te sauver… Je ne vois plus pourquoi je devrais croire en quelque chose alors que…
Aaron dû le secouer pour lui faire reprendre raison, et Morgan ne s’arrêta de parler que quand il vit que non seulement les bleus et les blessures sur le corps du prince avaient disparu, mais en plus, celui-ci semblait avoir repris de l’énergie !
- Aaron ! s’écria-t-il en l’embrassant sans attendre, le renversant par terre.
- Aïe ! Je sais que je t’ai manqué, mais quand même, fit son ami en riant.
- Comment est-ce possible ?! Tu… Tu bougeais à peine, tu ne respirais presque plus !
- J’ignore si c’est ta magie, ton étreinte, ou les étoiles que tu as priées, mais plus je sentais ta chaleur, et plus je m’éveillais du sommeil qui voulait m’emporter. Ça devait bel et bien être le sommeil de la mort si ça t’a rendu si triste… Pardonne-moi, j’ai bien failli t’abandonner alors que…
- Ne dis plus rien, tu n’imagines pas à quel point je suis heureux de savoir que tu vas mieux… Je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Tu n’as pas intérêt à me refaire ça, c’est compris ?!
- Oui, je ferai plus attention, je te le promets.
- Donne-moi ton petit doigt !
- Pour quoi faire ?
- Pour sceller notre promesse. Sinon, je vais croire que tu mens à nouveau.
Aaron pouffa de rire en entendant la requête enfantine de Morgan, mais son ami avait l’air si sérieux qu’il s’exécuta sans broncher.
- C’est bon, comme ça ? Tu me crois maintenant ?
- Oui…
Aaron soupira et prit le visage de Morgan entre ses mains, avant de poser son front sur le sien, soulagé.
- Je n'en reviens toujours pas... Tu es vraiment là avec moi ? Je ne suis pas mort et toi non plus ?Je... J'ai cru m'être éveillé au paradis en te voyant tant j'avais perdu tout espoir de nous en sortir tous les deux... Je pensais me sacrifier pour te sauver, mais tout a été vain... Quand tu es parti, le roi m'a dit qu'il allait te tuer après m'avoir tué... Au lieu de mourir ensemble, nous serions morts dans la solitude à cause de moi, comment ai-je pu croire que le roi allait t'épargner ? J'ai été tellement bête... J'ai cru que mon cœur allait s'arrêter en entendant ses paroles... J'ai eu tellement peur, j'aurais dû rester avec toi, je...
- Chut... Tout va bien, maintenant. Mais tu as raison sur un point : ne te sacrifie plus jamais pour moi, tu as bien failli nous séparer à jamais ! Mourir sans toi à mes côtés... C'est pire que tout... Je n'aurais pas supporté de t'avoir laissé mourir tout seul dans ta cellule soi-disant pour me protéger. Ne refais plus jamais ça, tu m'entends ?!
- Je te le promets, je ne te laisserai seul pour rien au monde, lui répondit Aaron en prenant la main valide de Morgan entre ses mains pour l'embrasser.
Ne pouvant pas se quitter des yeux, toute la tension que les deux amis avaient ressentie s'envola pour laisser place à l'amour. Morgan avait complètement oublié Blake et les autres, qui étaient partis pour les laisser seuls, tant il était obnubilé par le sourire d'Aaron et ses yeux brillants.
Ils soupirèrent de bonheur en sentant la chaleur de leurs corps enlacés, heureux d'être ensemble.
- C’est agréable d’être dans tes bras, murmura Aaron en fermant les yeux et en caressant la joue de son ami.
Morgan ne répondit pas, mais passa sa main sur le torse du prince pour s’assurer que celui-ci n’était plus blessé.
- J’ai encore un peu mal, marmonna Aaron en grimaçant.
- Où ça ?! s’écria son ami, paniqué.
- Hm, ce n’est rien, mais embrasse-moi, ça ira tout de suite mieux.
- Ouf, tu n’as rien… Ne fais plus ce genre de blagues avec…!
Aaron venait de coller ses lèvres sur celles de Morgan, n’écoutant pas ses protestations. Celui-ci finit par rire de l’insistance du prince et se laissa faire. Il avait beau prétendre le contraire, il n’attendait que ça dès l’instant où Aaron avait posé un regard passionné sur ses lèvres.
Soudain, le prince s'arrêta, se rappelant du bras de Morgan.
- Attends ! Je vais te faire mal ! Il faut vite faire quelque chose pour ton bras ! Comment t'es-tu retrouvé avec cette blessure ?!
- C'est le roi qui m'a blessé, mais on y pensera plus tard, je...
- On ne peut pas attendre, tu vas...
Morgan le fit taire en l'embrassant, et murmura :
- Tu n'imagines pas à quel point je me sentais mal, j'ai besoin de toi maintenant... Le sang ne coule plus de ma blessure, et je ne ressens plus ni mon bras ni sa douleur, alors je pense que c'est déjà trop tard pour faire quelque chose. Alors s'il-te-plaît, embrasse-moi encore une fois pour que mon cœur cesse de me blesser, parce que là, c'est ici que j'ai le plus mal, fit le triton en désignant sa poitrine de son bras valide.
Il lança un regard désespéré à son ami et ajouta :
- Si tu ne me prends pas tout de suite, je vais finir par croire que tu ne m'aimes plus. Alors serre-moi fort contre toi, et donne-moi un peu de ta chaleur si tu veux que j'aille mieux, d'accord ?
Incapable de le contredire, Aaron hocha la tête et le pris dans ses bras.
Aucun des deux ne pouvait résister à l'appel de l'amour qu'ils avaient cru perdu.
Morgan pensa défaillir de bonheur : il croyait que son ami d’enfance était mort, et voilà que celui-ci se retrouvait à l’embrasser de partout, comme s’il n’avait jamais été blessé. Aaron ne semblait pas du tout fatigué par les évènements, au contraire ! Revoir Morgan était si incroyable pour lui qu’il ne put s’empêcher de vouloir le dévorer tout entier. Non, il n’allait pas finir sa vie dans la solitude, ni mourir de la main du roi triton : son rêve de sortir de prison et de vivre avec celui qu’il aimait tant était en train de se réaliser ! Tous les deux avaient tant de mal à y croire que seuls des gestes d’affection physique parvenaient à leur faire ressentir la réalité de ce rêve qui prenait vie.
- Touche-moi encore… J’ai besoin de sentir tes mains sur moi, sinon, je… Je vais croire que tu vas à nouveau disparaître, bégaya Morgan, le regard fiévreux et la respiration saccadée.
- Ah… Je t’ai à peine embrassé et regarde dans quel état tu es… Je n’ai plus ces chaînes qui me retiennent, es-tu sûr de vouloir que je continue ce que je fais ? Je ne pense pas pouvoir être aussi gentil que la dernière fois…
- Je m’en fiche… Dépêche-toi !
- En partant, tu m’as dit que tu m’aimais… Répète-le… J’ai l’impression de n’avoir rien entendu !
- Je t’aime, Aaron, lui dit Morgan en rougissant.
- Encore…
- Je t’aime ! Je t’aime tellement, je t’adore… Je… Aïe, ça fait mal !
Aaron avait mordu son oreille, et son sourire était éclatant.
- Ça t’amuse de me voir comme ça, hein ? soupira-t-il en regardant le prince d’un air boudeur.
- Oui. Je suis le seul à pouvoir te voir comme ça… Je t’aime si fort, si tu savais…
Petit à petit, la lumière qui éclairait la cellule s’affaiblit, l’énergie de la magie de Lohan s’épuisant.
Aaron embrassa Morgan encore et encore jusqu’à le faire tressaillir et trembler de partout. Il passa ses mains sur le corps de son ami, et le toucha sans retenue, suscitant des réactions et des sons qu’il trouvait plus adorables les uns que les autres chez son amant. Il laissa plusieurs marques de son amour sur le teint blanchâtre de Morgan, en signe de promesse. Il était à lui. Tout comme lui, il lui appartenait corps et âme. Le triton était allongé d’une manière si séduisante, légèrement éclairé par la faible lumière du couloir, que le prince ne put se contenir.
- Tu ne me trouves pas... un peu repoussant ? Je suis très maigre, et je n'aurais peut-être même plus de bras... murmura Morgan.
- Pas le moins du monde. Tu seras toujours magnifique pour moi...
Le voir ainsi, s’offrant complètement à lui, le rendait fou. C’était bien la première fois qu’Aaron ressentait autant de bonheur à la fois. Car cette fois-ci, il savait qu’ils n’allaient pas se quitter. Ils n’avaient plus besoin de s’inquiéter du futur, seulement de l’instant présent. L’instant présent où Aaron, penché au-dessus de lui, déposait des milliers de baisers sur le corps de Morgan, comme s’il était un dieu qui semait des fleurs de toutes les couleurs sur une prairie blanche. Le son qui s’échappait de leurs lèvres, c’était le chant des oiseaux. Les doux cheveux noirs d’Aaron qui effleuraient le corps allongé de son amant, c’étaient les fleuves qui traversaient les terres de ce monde. Et Aaron, à la manière d’une vague s’échouant sur sa rive, lia une fois de plus son corps à celui de Morgan. Enfin, l’amour les entoura à la manière d’une pluie de chaleur, les faisant trembler et tressaillir l’un l’autre.
En perdant l'usage de son bras, Morgan avait aussi perdu les ténèbres qui obscurcissaient son cœur, et toute la jalousie et le mal qu'il avait jadis ressentis le quittèrent alors qu'Aaron l'embrassait de son amour inconditionnel, transformant l'obscurité en lumière.

