Glückwunsch! Deine Unterstützung wurde an den Autor gesendet
avatar
Humeurs
Taxi noir, ou le cancer à l'envers #movember

Taxi noir, ou le cancer à l'envers #movember

Veröffentlicht am 18, Nov., 2025 Aktualisiert am 18, Nov., 2025 Gesundheit
time 8 min
0
Liebe ich
0
Solidarität
0
Wow
thumb Kommentar
lecture Lesezeit
1
Reaktion

Taxi noir, ou le cancer à l'envers #movember

À lire jusqu'au début

Hier

Je referme la porte du cabinet du docteur. Je n’entends pas le claquement, moi qui attends toujours le clac.

L’air est doux. Il est 21 h 10 et je décide de rentrer à pied à la maison. C’est la seule décision. J’ai si chaud, c’est bizarre, je reste de longues secondes immobile.

Je suis vivant. Si vivant. J’ai échappé à l’inéluctable. J’ai retardé, cette année encore, l’arrivée du taxi noir.

15 minutes plus tôt

« Monsieur, vos résultats sont bons, un excellent bulletin que vous avez là ! Marqueurs PSA négatifs, glucides OK, diabète nul : vous avez aussi perdu un kilo. Allongez-vous pour l’examen… »

La tension est bonne. La palpation est un peu douloureuse, le cancérologue remet mon slip en place. Pressé comme toujours : « Rhabillez-vous. » Engourdi par ces résultats rassurants, je suis sourd à son discours sur je ne sais quelle profession ou sur la déliquescence de la Belgique.

Six semaines plus tôt

L’ordonnance d’analyse traîne sur mon bureau, je reporte le rendez-vous pour ma prise de sang. C’est ridicule, mais je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qui m’est arrivé voici 15 ans.

Novembre 2012

« Rhabillez-vous, monsieur. »

« Les résultats, Docteur ? »

« Tout est OK, le taux de mauvais cholestérol est un peu trop élevé, mangez moins riche. Vous êtes stressé en ce moment ? Vous avez besoin de médicaments ? »

Novembre 2010

« Ça fait combien de temps que nous nous voyons ? »

« 11 ans, Docteur… »

« 11 ans, comme le temps passe. »

Novembre 2003

« Votre prise de sang est OK, votre radio du thorax aussi. » Sachez qu’après cinq ans, le risque de récidive diminue chaque année de façon exponentielle, je suis donc rassuré pour vous. Désormais, une visite par an suffira. Vous l’avez échappé belle, hein ? »

« En effet, Docteur. »

Mars 1999

Je reprends le travail après plus de trois mois d’absence. AXA Belgium et la Royale Belge fusionneront bientôt. J’ai manqué les grands travaux de préparation et je m’en veux… L’équipe m’accueille avec joie. La directrice communication m’envoie un mot. Je l’ai conservé. Elle me reçoit dans son bureau encombré. Pour un événement à venir, je lui souffle l’idée d’un rallye familles en forêt de Soignes. Cette idée m’est venue lors de ma convalescence. Elle sera retenue.

À l’hôpital, je croise quelques encore vivants ou presque morts. Le couloir de la mort, comme je l’ai surnommé. Des silhouettes livides, sans âge. Je n’ai pas ma place ici. Pourtant, c’est à mon tour. Première étape : une grille dessinée au feutre, depuis mon bas-ventre jusqu'à mon thorax. Je ne pourrai prendre de douche jusqu’à la fin des séances. Première séance de rayons. On me prévient : des nausées suivront chaque séance. Elles seront terribles. Après quelques semaines, je décide d’aller plutôt les matins à la clinique Cavell. Ainsi, les effets s’estompent sur la journée et la soirée est plus supportable.

La directrice me donne des chèques taxis. À l’aller, comme au retour, c’est un taxi qui m’emmène. Un taxi vert.

Quelques semaines avant

Un matin, en plein hiver, sur un coup de tête, je quitte la maison surchauffée pour une balade de 25 kilomètres. Seul. Inconscient (je manque de m’évanouir à mi-parcours), je réalise que je suis toujours vivant. Et utile. Je décide de reprendre le travail.

Quelques semaines plus tôt

Le téléphone sonne à la maison. « Bonjour, je suis votre cancérologue. Pour une guérison complète, je vous propose une chimiothérapie. Rendez-vous dans une semaine chez mon confrère. » Il me rappelle 10 minutes plus tard. « Non, je pense qu’une surveillance simple suffit. » Un troisième appel me laisse effaré. « Finalement, j’en ai discuté avec mon confrère : vous allez subir 20 séances de rayons. »

Janvier 1999

Je suis convalescent. Cela va durer trois mois. Je souffre, je n’ai plus d’énergie. Le pire, c’est la solitude. Chaque parole que l’on m’adresse me semble déplacée. Un ami, à m’écouter, prend peur… pour lui.

Mon épouse est à mes côtés. Enceinte. Elle accouchera dans quelques mois. Dans son ventre a poussé un œuf. Qui grandira, magnifique. Le mien était mortel. Je reste en pyjama des jours entiers. Abandonné. Toujours sonné.

Trois semaines plus tôt

Mon épouse et moi nous rendons chez le chirurgien. « Voilà, j’ai fait analyser la tumeur. C’était effectivement malin. Un séminome. Vous avez eu une chance incroyable. La tumeur était de la taille d’un petit œuf. À ce stade, vous ne pouviez pas avoir mal. Avec le temps, l’œuf aurait grandi et aurait contaminé tout votre corps. Un peu comme pour Lance Armstrong. Vous ne vous seriez pas cogné ? Jamais nous n’aurions pu le détecter si tôt. Un cancérologue va vous contacter la semaine prochaine pour la suite à donner au traitement. »

Ma femme roule pour rentrer, nous restons silencieux durant le trajet.

Cinq semaines plus tôt

« Monsieur, je dois ouvrir et voir ce que c’est… Vite. »

« Ouvrir ? »

« Oui, j’appelle l’hôpital, vous rentrez dans deux jours. »


Je téléphone au bureau pour annoncer mon hospitalisation. Ma collègue ne comprend rien : mes pleurs recouvrent ma voix. Je raccroche. Je regarde par la fenêtre. J’ouvre le rideau. Je regarde la circulation dans ma rue. Un taxi noir passe. Je refuse de monter dedans.

Je n’ai que 34 ans. C’est injuste. Je commence à peine à réussir ma vie familiale et ma carrière. Que m’arrive-t-il ? Qui peut m’écouter ? Qui va m’expliquer ?

Un jour plus tôt

À la demande de mon urologue, je passe une radio des testicules. Je suis inquiet, mais pas trop. Le radiologue me badigeonne un liquide sur mes bourses et passe avec son appareil. Il fait son job, impassible. Et lâche : « Monsieur, je vois une boule. Ce n’est pas normal. Contactez au plus tôt votre docteur. » Je quitte l’hôpital, tel un zombie. Je vais y revenir souvent dans les prochaines semaines.

Trois semaines plus tôt

Aïe ! Je me cogne l’entrejambes sur un coin de bureau.

Pourquoi Taxi noir

Cette histoire est dédiée à tous les passagers forcés du taxi noir, qui l’ont quitté, guéri ou meurtri, et pour leurs proches.

La technique de narration est basée sur l’épisode télé The Betrayal de la série télé américaine Seinfeld. L’épisode est monté à l’envers.

Pour aller plus loin

  1. La fondation Movember
  2. Une note d’humour… noir : « Noël au scanner, Pâques au cimetière. » (Pierre Desproges)


lecture 9 Aufrufe
thumb Kommentar
1
Reaktion

Kommentar (0)

Du musst dich einloggen, um kommentieren zu können. Einloggen

Dir gefallen die Artikel von Panodyssey?
Unterstütze die freien Autoren!

Die Reise durch dieses Themengebiet verlängern Gesundheit
Proctologue
Proctologue

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joieUn psychologue vite poussé à met...

Bernard Ducosson
1 min
Dentier    -3-
Dentier -3-

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joieEn général à pareil âge pour per...

Bernard Ducosson
1 min
Philosopher sur la mort ??
Philosopher sur la mort ??

On est le week-end de la Toussaint. On pense à nos morts.....un jour par an !L'actualité est morbide tous les jours,...

Bruno Druille
3 min
Déterré
Déterré

Un mot d'un dictionnaire, ma définition, votre sourire, ma joieL'expression "avoir une mine de...

Bernard Ducosson
1 min

donate Du kannst deine Lieblingsautoren unterstützen

promo

Download the Panodyssey mobile app