

Au bord du monde, au bord d’elle-même…
Auf Panodyssey kannst du bis zu 10 Veröffentlichungen im Monat lesen ohne dich anmelden zu müssen. Viel Spaß mit 7 articles beim Entdecken.
Um unbegrenzten Zugang zu bekommen, logge dich ein oder erstelle kostenlos ein Konto über den Link unten.
Einloggen
Au bord du monde, au bord d’elle-même…
♦ Souffle d’aube.
La mer s’avance depuis l’origine — peut-être avant même le temps — et son souffle patient glisse dans mes veines comme une mémoire que nul n’a choisie. Sous la lumière lente du matin, tout semble suspendu : le sable retient son élan, les pierres sommeillent encore, mais je sais leurs songes porter l’ombre des vagues. Derrière la ligne tremblée de l’horizon, un je-ne-sais-quoi sourd — attente sans nom. L’air s’épaissit, se gorge de sel et de promesses muettes.
Le silence se lève, prend forme entre deux éclats d’écume, et m’atteint sans bruit. C’est là que tout s’ouvre : la mer se dresse à peine, comme pour embrasser le monde, puis retombe, laissant sur ma peau un frisson d’aube — une caresse liquide, presque intime. La lumière se plie, m’enveloppe, me tient. Et dans ce repli tranquille, tout veille encore — rien ne dort vraiment. Je marche, et chaque pas devient une île que la marée vient entamer. Lorsque le soir approche, l’horizon se densifie, s’alourdit. Et déjà je suis ailleurs, là où la mer respire en dedans, comme si elle portait mon nom — ou le murmure d’un corps qui m’attend.
♦ Veille du vent.
La marée monte comme un souffle ancien, emportant les vestiges de la veille et les secrets laissés sur la roche mouillée. Je marche dans cet espace mouvant, où chaque pas ressemble à une promesse oubliée. Le vent m’enlace comme un amant invisible, familier, qui connaît davantage mes silences. Le jour se creuse, et dans les plis discrets de l’horizon, les premiers éclats de la nuit apparaissent. Une odeur métallique naît lorsque l’eau se retire et que la pierre, enfin, respire. Derrière ce murmure confiant, je pressens une parole que nul ne saisit. Peut-être le monde glisse-t-il vers la nuit sans jamais quitter tout à fait le jour. Et moi, je demeure dans la lumière oblique, tentant de retenir ce qui s’efface chaque fois que je tends la main. Le vent se calme. Reviendra-t-il effacer mes pas ou les embrasser ?
♦ Brume intérieure.
La bruine s’installe si doucement sur le rivage qu’on croirait qu’elle vient du dedans : un souffle tiré des pierres elles-mêmes. Tout devient flou, tendrement indéchiffrable. Cette opacité illisible, comme un monde secret, hésite à se livrer. Les ombres se tordent, se plient et se déplient, cherchant un passage à travers le voile mouvant. Je marche le long de la ligne tremblée où la mer rejoint la terre en un baiser. Il n’y a déjà plus de mer, plus de terre — seulement un horizon qui n’en est déjà plus un. Les sons deviennent pulsations lentes, métamorphoses animales. Je les sens, là, dans ma poitrine : battements mêlés, comme si une autre respiration s’était glissée en moi. Et parfois, dans ce souffle mêlé, je crois sentir encore la chaleur d’une main sur ma peau, un souvenir qui ne m’appartient plus tout à fait. Par instants, le voile se déboutonne : éclat d’algues, reflet argenté, soupirs en vagues. Puis tout se referme. Alors je comprends : la brume ne cache pas le monde — elle révèle ce qui attend dans son ombre, peau contre peau.
♦ Lumière d’absence.
Dans la lumière d’avant-midi, une lenteur me retient, comme si chaque grain de sable sur mon corps pesait plus qu’un souvenir. Et ce poids, parfois, réveille en moi le trouble d’un souffle ancien, celui qui jadis faisait trembler ma peau sous la sienne. Je suis là, immobile, et pourtant tout se déplace. Les oiseaux esquissent dans l’air des trajectoires que je ne suivrai pas. Le vent dépose sur ma peau la respiration du large, et ma poitrine respire à son rythme — et au sien. Présence diffuse, troublante, comme si le monde me regardait à travers ses éléments. Au loin, une distance m’appelle — fine ligne suspendue entre deux bleus. Je tremble, sentant qu’elle remue en moi des strates de veille que je croyais éteintes. Les vagues avancent et reculent. Elles hésitent à franchir le seuil où je me tiens. Entre leurs élans : des silences pleins, des silences lourds, des murmures — à peine des murmures. Ils disent mieux que les mots ce qui jamais ne change. Peut-être est-ce cela que la lumière veut m’apprendre : la fidélité secrète des choses à leur propre absence — et à ce frisson d’étreintes et de chairs qu’elles laissent sur la peau.

