Episode 8 : piégés
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Episode 8 : piégés
- Ysak ! Qu'as-tu fait ?
Ysak fut réveillé en sursaut par l'intrusion de la jeune femme dans sa chambre. Encore endormi, il ne comprenait pas pourquoi elle s'agitait ainsi. Elle tournait en rond en effectuant de vastes mouvements, espérant visiblement une réponse de sa part. Devant le mutisme du garçon, elle se rapprocha de lui, plongea son regard bleu acier dans le sien comme si elle tentait de lire en lui.
- Je ne peux pas croire que tu nous aies trahis. Non... pas toi...
Elle sortit en pleurant, laissant Ysak confus. De quoi parlait-elle ? Il se leva sans attendre et la suivit dans le salon. Des armes et des objets magiques jonchaient le sol et la table. Que se passait-il ?
Lorsqu'il voulut ouvrir la bouche pour poser la question, une main s'abattit derrière sa nuque et le fit décoller du sol. L'homme qui se prétendait son père était devenu un monstre de rage. Le visage couvert de sang, les habits déchiquetés, il était dans un piteux état. Mais le plus effrayant était la colère qui dansait dans ses yeux. Une colère sombre et si soudaine.
- Tu les as prévenus... Nous t'avons accueilli, nous t'avons fait confiance et toi, tu nous as trahis ! Que t'ont-ils promis en échange ?
- De quoi parlez-vous ? Lâchez-moi ! Je n'ai rien fait !
- Tu veux me faire croire que cette attaque quelques heures après ton arrivée ici n'est que pure coïncidence ?
Il secoua Ysak, exaspéré et blessé, avant de le jeter sur une chaise. Avant que le garçon n'ait eu le temps de réagir, la femme lui passa des menottes le privant de toute liberté.
- Je n'ai pas de temps à perdre avec toi. Je dois retourner défendre notre cité. Je ne peux pas laisser Gordred nous prendre tout ce que nous avons construit, pas cette fois.
Il saisit des vêtements de cuir qu'il enfila avec hâte avant d'attraper des artefacts. Il jeta un dernier coup d'œil vers Ysak et sortit.
- Ayur ! Attends mon amour.
La jeune femme courut derrière son mari, l'embrassa et lui souffla des mots qu'Ysak ne put distinguer.
- Garde un œil sur lui, Jiula. Je reviens vite. Je te le promets.
Jiula et Ayur... Ses prénoms semblaient si familiers à Ysak. Mais pourquoi ? Où avait-il bien pu les entendre ? Ou les lire? Réfléchis, Ysak ! Fais marcher ta cervelle ! Dans la salle des portraits à Ysaldore ? Non, impossible... Alors où ? Et soudain, il se souvint. Il se souvint de cet arbre généalogique sur l'un des murs chez Jean et Marie. Celui de la famille Galdor. La branche du côté de Marie. Jiula était sa sœur, mais...
- Ysak... Pourquoi as-tu fait ça ?
Devant les larmes de Jiula, Ysak ne sut quoi répondre. Il n'avait rien à voir avec l'attaque qu'ils subissaient, enfin, il n'en avait aucun souvenir.
- Merci, mon petit...
La voix de l'ancien Hiotis raisonna dans son esprit. Comment ?
- Ancien Hiotis ? Où êtes-vous ?
Ysak cherchait partout autour de lui sous le regard attentif et anxieux de Juila.
- Je ne suis pas très loin. Rejoins-moi à l'extérieur.
- Je ne peux pas. Je suis prisonnier.
Juila s'approcha d'Ysak, plaqua délicatement ses mains chaudes sur ses joues fraîches et en lui demandant à qui il parlait. Ysak leva les yeux vers elle et lui répondit qu'il pouvait entendre la voix de l'Ancien Hiotis dans sa tête. Il lui demandait de le rejoindre dans les rues.
- C'est impossible, souffla Juila. L'Ancien Hiotis est mort lors de la Grande Bataille. Ce ne peut pas être lui...
Ysak la dévisagea ne sachant quoi lui répondre. Il avait passé de nombreuses heures avec l'Ancien Hiotis dans le laboratoire de la grande bibliothèque. Des heures durant lesquelles il lui avait transmis son savoir sur la biologie des plantes. Se pouvait-il que Juila fasse erreur ? Que l'Ancien Hiotis ait survécu et qu'ils aient quitté Ysaldore pour rien ?
Une explosion fit partir la porte d'entrée en éclat. Une silhouette se dessina à travers la poussière et la lumière éclatante du soleil rasant. Une silhouette difforme. Juila se précipita vers la table et saisit un long bâton en bois blanc sculpté au bout duquel une magnifique améthyste brillait. Elle prononça quelques mots et un éclair en jaillit. La silhouette disparut aussitôt et un rire sonore retentit.
- Juila. Je suis si heureux de te voir.
Le démon réapparut juste devant Juila. Il était deux fois plus grand qu'elle, mais elle ne semblait pas apeurée. Elle brandit son bâton en sa direction et lança un nouveau sort qui le frappa en pleine poitrine.
- Gordred ! Comment es-tu arrivé jusqu'à nous ?
Gordred se releva en grognant. De toute évidence, le coup portait par Juila lui avait fait mal, mais pas assez pour le laisser à terre.
- Grâce à mon petit Ysak, voyons... Tu crois sincèrement que je t'aurais rendu ton fils sans m'assurer de pouvoir le suivre ?
De quoi parlait-il ? Et pourquoi ce Gordred avait la voix de l'ancien Hiotis ? Ysak était perdu et apeuré. Jamais il n'avait vu un tel monstre. Jamais il n'avait ressenti une telle noirceur. Une telle menace... Un frisson lui parcourut l'échine et, alors qu'il tentait de se libérer, il vit Juila voler à travers la pièce. Elle vint s'écraser contre un mur dans un bruit de craquement et un cri d'agonie.
Satisfait, Gordred se tourna vers Ysak et exécuta un mouvement avec sa main droite. Aussitôt, les chaînes qui maintenaient Ysak prisonnier tombèrent. Enfin libre, Ysak se précipita vers Juila. Il la prit dans ses bras et retira ses cheveux ensanglantés de son doux visage. Juila était en vie. Elle respirait, mais la plaie à l'arrière de son crâne ne laissait présager rien de bon.
- Viens à moi, Ysak. Ne gaspille pas ton temps avec ces gens insignifiants.
- Qui êtes-vous ?
- Tu connais déjà la réponse à cette question.
Gordred ôta son masque et le visage de l'Ancien Hiotis apparut. Mais il était différent. Il paraissait plus jeune. Moins las. Devant l'air curieux d'Ysak, Gordred ne put contenir un rire moqueur. Ses lèvres se déformèrent en un rictus hideux.
- Pourquoi avoir attaqué ces gens s'ils sont insignifiants ?
- Parce qu'ils détiennent quelque chose dont j'ai grandement besoin. Mais tout ceci ne te concerne pas. Viens avec moi, je vais te mener à ton grand-père. Il t'attend derrière les barrières magiques.
- Non, je ne viendrais pas avec vous !
Ysak se leva, les poings serrés, et courut vers la porte. Il devait trouver de l'aide pour sauver Juila. Il devait éloigner ce monstre pour qu'il ne lui fasse pas plus de mal.
Dans la rue, le chaos s'était installé. Les combats faisaient rage. Les passants qu'il avait croisés la veille se battaient contre des créatures terrifiantes à coups de lames et de boules magiques. Quantité de cadavres étaient éparpillés sur le sol poisseux de sang. La bataille n'était pas équitable. Les villageois n'avaient aucune chance, et pourtant, ils ne semblaient pas perdre espoir.
Ysak aperçut Ayur au loin. Il faisait face à une horde de rampants qu'il abattit sans la moindre difficulté. Il était puissant. Très puissant. Mais le serait-il suffisamment pour défendre le village et arrêter Hiotis, alias Gordred ? Deux mages noirs attaquèrent par-derrière Ayur qui réagit trop tard. Ysak le vit tomber au sol.
C'était la fin. Le piège de Gordred s'était refermé sur eux. Ils étaient finis.
Image créée par Cédric Gérard à l'aide de l'IA Midjourney.
Texte de L. S. Martins (60 minutes, sans relecture).