D’Introspection à Obsession et Dépression, depuis les berges de l’étang, le jeudi 9 janvier en soirée,

Chères compagnes de silence,

Je vous écris à la faveur d’une nuit claire sans nuages. Il fait froid, une fine pellicule de givre couvre toute chose : l’herbe, les branches, les lattes du banc, et même la surface de l’eau d’où monte une fine brume à laquelle se mêle mon propre souffle. L’ambiance est fantasmagorique. À la fois sombre et claire, fraîche et tiède, emmitouflée que je suis dans notre chemise molletonnée préférée.

Je vous écris parce qu’il faut qu’on se parle. Je sais, je sais… Mais vous me connaissez… Toujours prête à dégainer la plume, mais jamais à laisser couler l’écume.

Je vous observe toutes deux depuis si longtemps. Toi, Dépression, qui noircis tout ce que je tente de comprendre. Toi, Obsession, qui rejettes tous mes doutes en bloc pour en faire des algorithmes épuisants.

Je peux vous l’avouer aujourd’hui : je vous ai longtemps haïes, ou blâmées, il y a une distinction, parce que je pensais que vous m’empêchiez d’être moi-même. Mais récemment, je crois que j’ai eu une épiphanie… Et si, au contraire, sans vous, je n’avais jamais appris à penser comme je pense, et donc à être qui je suis ? J’en arrive même à me demander si, sans vous… j’aurais pu survivre…

Voilà… Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour une fois… je ne veux pas prendre une décision toute seule, j’aimerais qu’on échange.

Bien à vous,

Introspection

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URGENT !

De : Obsession À : Introspection & Dépression

Accoudoir gauche du banc, le 09/01 20:48,

Introspection,

Tu veux savoir ce que j’en pense ?

1. Tu parles de nuages, de brume, de souffle… Franchement, on est dans un flou artistique, je ne vois pas du tout où tu veux en venir.
2. Que tu manques de structure dans tes propos, ce n’est pas une nouveauté, que tu m’aies interrompue en plein travail, non plus ! J’ai perdu le compte des stries du deck, il va falloir que je recommence : merci !
3. Arrête de casser du sucre sur le dos de Dépression. Elle au moins, elle est prévisible, constante, et je la respecte pour ça.
4. Tu as eu une épiphanie ? Vraiment, on en est là, tu as des visions maintenant ? Tu ne voulais pas plutôt dire que tu as eu une « révélation » ? Le choix des mots a son importance, je te le rappelle.

Bref, je vais m’arrêter là, parce que la liste serait trop longue pour tenir sur la page.

En tout cas, tu m’inquiètes un peu, parce que moi aussi je te connais, donc j’ai été lire « entre » les lignes (ce qui, de toi à moi, n’est vraiment pas efficient, mais bon), et… j’ai l’impression que tu veux nous parler de changement là… c’est une blague j’espère ?

De toute façon, avant même d’échanger, il faudra qu’on établisse un protocole : Qui parle, quand, à quelle intensité, un RACI ne serait pas de trop.

À vous lire au plus vite,

Obsession.

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Hey,

Je vous ai lues.

Je voulais pas répondre. Encore moins écrire.

Excusez la syntaxe, je suis allongée sur le lit dans le noir là… je dicte sur mon téléphone…

Changer ? Mais pour quoi faire ? On n’a pas déjà essayé ?

Parce que quand je regarde dans le rétro, tout ce que je vois, honnêtement, c’est un cimetière de tentatives échouées…

De toute façon, quand ça va se péter la gueule votre histoire, vous saurez où me trouver… L’ancrage que vous refusez de reconnaître : je serais là pour amortir votre chute.

Faites ce que vous voulez, je m’en fous…

D

PS Je suis pas votre ennemie, je suis juste fatiguée.

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TRÈS URGENT !!

De : Obsession À : Dépression

Sur le bord de la chaise de bureau le 11/04 02:26,

Mais punaise Dépression t’étais où ?? Ça fait 3 mois, 2 jours, 5 heures, 38 minutes et 14 secondes qu’on attend de tes nouvelles !

T’es conne ou quoi ? J’ai cru qu’on ne te reverrait plus jamais… Tu m’as foutu une trouille là, je te dis pas !

Bon, je ne sais pas si Introversion est sur une piste, mais je crois qu’elle a raison : faut qu’on parle.

Prends soin de toi,

Obsession.

PS donne des nouvelles, un emoji par jour, n’importe quoi, OK ?

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👎

D

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D’Introspection à Obsession et Dépression, le long du ruisseau, le vendredi 11 avril en soirée,

À mes deux voix souterraines,

Je vous lis et je vous reconnais. Mieux : je vous entends. Chacune avec vos forces, vos blessures, vos peurs.

Obsession, tu veux filtrer ce que je ressens, et je te comprends : tu as été mon garde-fou. Tu m’as protégé de l’effondrement, avec tes listes, tes cadres, ta rigueur. Mais parfois, tu m’as aussi étouffée, tu sais ? Emprisonnant ma créativité sous des tonnes de raisons.

Dépression, tu es le froid qui m’a forcé à chercher le feu. Ton silence a été une école. Tu as su me rendre vulnérable… Mais trop parfois… Tu m’as rendu perméable au monde.

Moi, j’essaie juste de réconcilier tout ça pour que nous puissions commencer à vivre. Pas fuir, pas survivre : VIVRE !

La renaissance, ce n’est pas vous faire taire. C’est nous faire coexister.

En l'attente de vos réactions,

Introspection

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URGENT !

De : Obsession À : Introspection & Dépression

Devant le bureau, le 11/04 23:16,

Introspection, Dépression,

J’ai relu nos lettres plusieurs fois.

J’ai noté 36 occurrences de « Peut-être », 11 de « je crois », 6 de « fatigue ».

J’ai essayé d’en tirer un modèle. J’ai échoué.

Mais j’ai éprouvé une forme de paix dans cet échec.

Je ne renonce pas à la rigueur, mais je consens à ne plus vouloir tout comprendre seule, à vous écouter et vous faire plus confiance.

Si cette renaissance est floue, alors je serai une rigueur flexible. Une architecte de paradoxes. Une structure souple.

Mais je veux qu’on se relise, régulièrement. Pour ne pas oublier.

J’entre dans ce pacte,

Obsession.

PS Cette lettre est un résumé, je vous mets en pièce jointe le tableau complet de mon analyse.

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Hey,

Je croyais pas que vous m’écouteriez.

Je me suis toujours pensée en trop. Trop lourde, trop lente, trop sombre.

Mais dans vos lettres, je sens… une place. Non pas pour mon poids, mais pour ce que j’abrite : Ma lucidité, ma tendresse muette, mon refus des faux semblants.

Je n’ai pas envie de renaître, mais j’accepte d’être là, si on me laisse respirer sans me contraindre à sourire béatement.

Si vous portez la lumière, je peux veiller à l’ombre et donner du contraste à tout ça.

À vous suivre,

D

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D’Introspection à Obsession et Dépression, depuis la prairie face au bois, le dimanche 6 juillet au soleil levant,

Mes chères,

Je relis chacune de vos lettres comme on touche les bords d’une plaie encore béante.

Et je comprends enfin : cette renaissance se fera sans un cri, sans un pleur, mais dans la cohabitation silencieuse de nos forces et faiblesses respectives.

Il ne s’agit pas de guérir l’une de l’autre, mais de marcher ensemble.

Obsession nous tiendra debout.

Dépression nous rappellera ce qui compte.

Et moi, je relativiserai et donnerai du sens.

Nous sommes un même être. Inquiet, fragile, tenace, et désormais : unifié.

À demain, mes sœurs. Demain, qui n’est autre qu’aujourd’hui — avec un souffle nouveau,

Introspection