

Je repensais aux gens qui étaient sur le point de changer ma vie, depuis une vingtaine d'années
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Je repensais aux gens qui étaient sur le point de changer ma vie, depuis une vingtaine d'années
Charles-Henri, on s'est bien trouvés. Une chaudière sur trois dans l'immeuble où je vivais tombe en rade. La proprio s'inquiète : "qu'est-ce qu'on va faire" et moi : "rien,on va la supprimer, ça marchera mieux sur deux". Charles-Henri, qui venait de reprendre l'entreprise de chauffage de son père, physicien de son état, impressionné, voyait en moi le commercial de la boîte et un futur associé. Il m'avait choisi une voiture, une Xantia Break V6 grise, intérieur cuir, la grande classe.
Mort dans l'incendie de la librairie de bandes dessinées où il crèchait provisoirement, la maison au-dessus de son bureau, à Noël 2004 (2004 ? Mais ça fait déjà 14 ans, ça...bon sang, Charles-Henri, je ne t'oublierai jamais).
Michel, mon voisin. On s'est tombés dessus, il était agriculteur et un bricoleur de génie. Il galérait à un problème, je le lui ai résolu d'un coup de cuiller à pot. Du coup, comme j'avais de la peine à marcher, il est venu nous donner un coup de main pour bricoler un peu la toiture. On a bidouillé deux ou trois trucs ensemble. Un jour j'avais besoin d'un tracteur pour ma fendeuse. Lui aussi voulait fendre du bois et il avait reculé son tracteur avec sa fendeuse attelée contre le tas de bois pour fendre ses rondins. Je l'ai trouvé enfiché entre le relevage et la prise de force, ses habits enroulés sur la prise de force, le tracteur tournant encore, depuis six heures de temps. Il n'avait même pas eu le temps de fendre une bûche. En rejoignant sa place de travail il a glissé, la prise de force a happé un coin de ses vêtements et l'a treuillé dans le relevage.
JR, c'était le mari d'une collègue d'Adeline. Il avait occupé les plus hautes fonctions dans la banque, jusqu'à régulateur fédéral. Tout le monde était unanime, c'était un gros (presque autant que moi aujourd'hui) con. Charles-Henri m'avait offert un PC et j'avais besoin d'aide, j'étais en plein projet déposé au Conseil d'Etat neuchâtelois, je l'ai appelé. On s'est détestés tout de suite. Alors il m'a fait de beaux cadeaux. La licence d'Office 2003, une licence Mah-Jong Kyodaï, le plus beau Mah-Jong du web. Et en cas de problème, sur Excel en particulier où lui était carrément un dieu, on peut dire qu'il excellait, je pouvais l'appeler. Il était pété de thunes et voulait vraiment m'aider. Dès que l'un trouvait l'occasion de se foutre de la gueule de l'autre, on s'écrivait. Un jour je le raille...et j'apprends en réponse qu'il est mort d'une brève maladie le jour de l'attentat de Charlie Hebdo, lui dans son lit, évidemment. J'y pense souvent.
Tous ces gens avaient trois points communs, ils étaient sur le point d'influer profondément sur ma vie. Ils étaient mes amis (sauf JR, qui était mon meilleur ennemi, il me détestait aussi cordialement que moi) et les trois sont morts. Et je songe à ce qu'aurait été ma vie si l'un d'eux avait vécu et ça me rend lyrique et me donne envie de vous raconter une histoire qui se passe dans un bar.
Un mec est accoudé au comptoir, bien émeché. Derrière le comptoir, le barman, le genre de mec qui n'a pas besoin de videur, il fait le job lui-même et il aime ça. Tout-à-coup le mec un peu lancé lui fait : "je te parie deux cent balles que j'arrive à pisser debout sur le comptoir à un bout dans une chope posée à l'autre bout.
Le barman qui bien que brutal n'en a pas moins le sens des affaires, jaugeant le mec bourré, sent déjà l'odeur du bifton et lui dit : "laisse tomber, tu peux pas, t'as vu ton état ? Je m'en voudrais de te prendre ton pognon". Ce à quoi l'autre rétorque : "t'as les flopettes ? Tu tiens à ton pognon tant que ça que t'as peur de perdre ?". Alors le barman relève le défi.
Le type monte sur le comptoir, le barman met une chope au bout du bar, l'ivrogne sort son zob et pisse. Bourré il titube, il en met partout, dans la salle, sur les clients, le barman s'en prend plein la tronche, partout, sauf dans la chope qui n'en reçoit pas une goutte, elle en ressort sèche comme le désert.
Le barman, dégoulinant de pisse, éclate de rire et lui dit :"t'as perdu mec" et l'autre lui répond : "c'est vrai, t'as gagné, tiens tes deux cent balles, tu les as bien mérités. Mais je m'en fous, j'avais parié cinq cent balles que je pissais sur le barman".
Vous vous demandez pourquoi mon speech commence comme ça et se termine comme ça ? ... Vous comprendrez quand vous hésiterez en voulant commenter avec un émoticon entre le gros rire qui ferait de vous un grossier personnage face à ma détresse, ou l'émoticon qui chiale faisant de vous un pathétique abruti sans humour et que finalement vous opterez piteusement pour un simple like.
PS : les personnages cités sont authentiques, ce sont vraiment des gens qui me manquent, tout est vrai...


Daniel Muriot 6 ore fa
Tu est trop fort, Thierry ;)
Thierry Curty 6 ore fa
Merci merci merci ! 🙏 😂