

La machine qui pense - 3/3
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La machine qui pense - 3/3
Tandis que le bateau de livraison progressait sur
l’océan, le paysage marin laissait place à une ville
flottante. Pas n’importe quelle ville : LA ville.
« Multrapolis » comprit l’EMEPEM en se penchant
pour voir l’horizon. « Alors, c’est là que nos
multraphones sont utilisés… » Son visage,
auparavant fasciné par les animaux observés,
montrait désormais une profonde inquiétude.
Jusque-là, il volait de découvertes en découvertes,
toutes aussi impressionnantes les unes que les
autres. Cependant, il eut soudain un mauvais
pressentiment en apercevant MultraPolis.
L’énorme bateau, pourtant lancé à pleine
vitesse, était un peu ralenti par l’épaisse couche de
déchets plastiques, qui flottait autour du port. En les
écrasant sans peine, il accosta. Sur le quai, des
engins débarquèrent aussitôt pour commencer à
descendre les caisses de multraphones.
De nouveau caché dans sa caisse, l’EMEPEM
sentit tout-à-coup une vibration puissante, suivie
d’un bruit métallique peu rassurant. Il ne le voyait
pas mais un engin retira une caisse proche de lui.
Paniqué et pris au piège, l’EMEPEM respirait de
plus en plus vite et risquait d’étouffer. « Qu’est-ce
que je fais… qu’est-ce que je fais… je dois… sortir.
Je dois… respirer. »
Un peu plus tard, il ne restait plus qu’une seule
caisse sur le bateau. Le conducteur d’un engin s’en
approcha lentement. Il s’inquiéta en remarquant
que le couvercle était mal refermé mais finit quand
même par le soulever.
« Comment ça s’fait ?! s’écria-t-il. Pourquoi
qu’elle est vide, c’te caisse ? Pas normal, ça ! »
À plusieurs mètres de là, caché dans une ruelle,
l’EMEPEM observait la scène de loin. Encore une
fois, il avait osé prendre une initiative et s’en était
sorti de justesse, en partant au bon moment.
L’EMEPEM traversa timidement des rues
piétonnes, où des centaines de personnes
circulaient. Il fut obligé de se faufiler entre les
innombrables Multrapolitains, qui marchaient avec
énergie, sans regarder devant eux. Eux-mêmes
avaient du mal à se frayer un chemin dans cette
étouffante vague. Aller à contre-courant serait très
dangereux. Emporté par la foule, l’EMEPEM
essaya de rejoindre la première ruelle venue, sur les
côtés. C’était presque impossible, compte tenu de
la vitesse de la vague de Multrapolitains. Tout allait
trop vite ! C’était donc à ça que ressemblait
Multrapolis.
L’EMEPEM réussit enfin à atteindre une ruelle
et reprit son souffle. Par curiosité, il s’y enfonça et
découvrit une énorme poubelle, au dos d’un
restaurant. À l’intérieur, le jeune clandestin affamé
trouva des bouteilles d’eau pleines, des fruits et des
légumes intacts, des baguettes de pain… Il y avait
là un repas entier, dont l’EMEPEM se régala.
Tandis qu’il se nourrissait de tout ce qu’il
trouvait, des voix se firent entendre de plus en plus
distinctement. Caché dans l’immense poubelle, il
observait la scène : un petit garçon plus jeune que
lui tenait des multraphones dans ses mains et criait
après sa maman.
« J’en ai marre ! Les multraphones que t’as
acheté, c’est pas les derniers sortis ! J’peux pas
écouter la musique que j’aime. Moi j’veux écouter
du multrap ! »
Sur ce, l’enfant balança ses nouveaux
multraphones sur la poubelle.
« Désolée mon trésor, je t’en rachèterai
plusieurs.
- T’as intérêt… Sinon j’t’aime pus !
- Dis-moi, où tu veux aller manger, mon trésor ?
- J’veux aller au MultraFatFood et j’veux des
peluches de Burgy et Coly ! »
Puis l’enfant partit en courant, suivi de sa mère
qui murmurait : « Pauvre trésor, pauvre trésor… »
Silencieux, l’EMEPEM ne comprenait pas
tout ; il fixait les multraphones fracassés au sol.
L’écran de chaque appareil, censé résister au
piétinement d’un rhinocéros, se retrouvait en mille
morceaux.
« Alors, c’est… comme ça qu’on utilise les
multraphones que je fais ? bégaya-t-il. J’croyais
que ce qu’on faisait, ça… ça servait à quelque
chose… »
Seul et bouleversé, l’EMEPEM préféra rester
dans cette poubelle pour la nuit. Il était allongé sur
des coussins en bon état et assez confortables, mais
difficile de trouver le sommeil quand on n’a pas le
moral et avec tous ces bruits ambiants. Toute son
existence se résumait à : « Presser. Insérer.
Optimiser. Nettoyer. » Alors, en découvrant le sort
des multraphones, un profond sentiment d’inutilité
s’empara de lui. Complètement épuisé, il finit
malgré tout par s’endormir.
Le lendemain matin, une cuisinière sortait du
restaurant avec des sacs poubelles remplis à ras
bord de nourriture sans le moindre défaut. En effet,
tous les restaurants de Multrapolis avaient coutume
de jeter les aliments qui n’avaient pas servi la veille,
même s’ils étaient parfaitement intacts. C’était une
procédure qui les obligeait à racheter plus de
matières premières et ainsi à consommer plus. En
ouvrant la poubelle, la cuisinière fut terrifiée par
l’EMEPEM et poussa un cri strident, qui le fit
sursauter. « HIIIIIIIIIII !!! »
Juste devant la ruelle passait un homme bien-
portant, court sur pattes, avec une montre peu
commune au poignet. Sa coiffure étrange et ses
grands yeux clairs le rendaient en quelque sorte
unique et inoubliable. Surpris par le cri de la
femme, il avança dans la ruelle pour voir ce qu’il se
passait.
Totalement effrayée, la cuisinière s’écarta en
hurlant des insultes : « Monstre ! Brute ! Espèce de
rat ! » Tandis qu’elle disparaissait, l’homme
s’approchait de la poubelle avec curiosité. Son
regard croisa celui de l’EMEPEM.
« Comment tu t’appelles ? » demanda-t-il sans
obtenir de réponse.
Les grands yeux verts scrutaient l’homme
bizarre, dont les cheveux étaient coiffés de sorte à
former deux cornes. Celui-ci venait enfin de
comprendre pourquoi l’enfant ne pouvait pas lui
répondre.
« Ah, je vois… tu ne viens sûrement pas d’ici. »
Puis, en regardant le bras droit de l’EMEPEM
tatoué d’un matricule, de lointains souvenirs
inoubliables lui revinrent soudain à l’esprit. « Ce
jour-là… »
Ce jour-là, il était déjà un brillant ingénieur,
parmi les Elites du Monde, dans le forum de
Multros. Ce jour-là, une nouvelle façon de penser
était partagée, les Elites du Monde s’étaient
accordés, le concept d’EMEPEM était inventé et,
par-dessus tout, le Monopole de tous les Monopoles
venait de naitre : Multra Omni Industries. Ce jour-
là, absolument unique dans l’Histoire de Multerra,
avait marqué tous les esprits, au forum de Multros,
et particulièrement le sien. Lorsqu’il avait vu la
photographie du premier EMEPEM créé par
Multra, le matricule inscrit sur le bras droit lui avait
provoqué un grand frisson. Ce jour-là, c’était
évident, pour lui comme pour les Elites du Monde :
on ne pouvait plus faire marche arrière. La Machine
surpuissante et inarrêtable était ainsi lancée à pleine
vitesse, depuis ce jour-là.
« Oh non, je connais trop bien ce genre de
matricule… poursuivit l’ingénieur d’une voix
mélancolique. Tu es un EMEPEM ! Je ne sais pas
de quel pays tu t’es échappé, mais une chose est
sûre : tu as parcouru de longues distances pour
arriver jusqu’ici. »
Les yeux verts scrutaient toujours l’homme,
maintenant embarrassé. Soudain, sa montre
numérique se mit à vibrer. La mine terrifiée, lisant
les informations qui y étaient affichées, il se mit à
partir en courant. Contrairement à la cuisinière qui
avait eu peur de l’EMEPEM, l’homme ne partait
pas pour le fuir. Et ça, l’EMEPEM l’avait bien
compris. En voyant fuir la seule personne qui ne lui
voulait pas de mal, il se mit désespérément à le
suivre à la trace, en essayant de ne pas se perdre
dans l’immense jungle urbaine Multrapolis.
Dans sa course, l’ingénieur semblait très inquiet
et empruntait un trajet bien précis. En vérité,
l’ingénieur courait en direction de son repaire
secret. Sa montre, bien plus qu’un simple indicateur
de l’heure, était l’un de ses gadgets les plus
sophistiqués : elle était connectée aux caméras de
son repaire et pouvait le prévenir en cas d’intrusion.
En effet, l’ingénieur avait bien raison de s’inquiéter
car sa montre venait de lui annoncer que quelqu’un
tentait d’entrer.
« Qui est-ce ? se demandait-il, toujours en
panique. Qu’est-ce qu’il fait ? Et surtout : pourquoi
s’attaque-t-il à MON bâtiment ?! »
Caché dans Multrapolis, ou plutôt dessous, son
repaire était surtout un arsenal de pointe, avec des
armes et des équipements de très haute technologie.
Depuis que les Elites du Monde l’avaient expulsé
du forum de Multros pour des raisons politiques, il
n’était plus en sécurité nulle part dans Multrapolis.
Etablir un nouveau repaire secret et sécurisé était
donc une nécessité pour lui. En termes de sécurité,
l’ingénieur s’y connaissait très bien… mais lorsque
quelqu’un tentait d’entrer dans sa forteresse, même
imprenable, il devait à tout prix courir la défendre !
Le repaire de l’ingénieur, qui ressemblait de
l’extérieur à n’importe quel autre bâtiment, était
désormais menacé : un homme essayait de forcer la
serrure de la porte. Son matériel était dérisoire : un
petit crochet en ferraille, une épingle, un tire-
bouchon… Absolument rien de sérieux. Toutefois,
même si l’apprenti-cambrioleur n’avait pas la
moindre chance de pénétrer cet endroit
extrêmement protégé, son propriétaire venait
d’arriver avec la ferme intention de l’en empêcher.
De l’autre côté de la route, l’ingénieur observait
le cambrioleur d’un œil malveillant. Toujours
équipé de quelques-uns de ses gadgets favoris, il
sortit de sa poche une arme ressemblant à un
revolver. Sa cible n’était même pas à vingt mètres
de lui. « Ça va le faire sans problème ! » pensa-t-il
en se préparant à tirer.
De son côté, le serrurier-novice trifouillait
toujours la serrure quand, tout-à-coup, une fléchette
se planta dans sa nuque. Il s’effondra dans un cri de
douleur et, bientôt rejoint par l’ingénieur, tenta de
se relever pour fuir. La fléchette en question
possédait des substances hallucinogènes mais le
cambrioleur, qui consommait régulièrement des
drogues fortes de même effet, ne fut pas vraiment
perturbé. Surpris de l’inefficacité de son arme,
l’ingénieur tenta tout de même de le poursuivre,
dans une ruelle sombre. Le jeune voleur était trop
rapide pour lui : l’écart se creusait progressivement.
Soudain, à l’autre bout de la ruelle, l’EMEPEM
apparut discrètement et réussit à faire un croche-
pied au fuyard, qui s’écrasa violemment au sol.
L’ingénieur pu alors l’immobiliser et sortir une
seringue pour lui injecter un puissant somnifère. En
l’espace de quelques secondes, le cambrioleur
s’endormit et fut emporté par les deux autres à
l’intérieur du repaire. L’EMEPEM était très fier
d’avoir rendu service à l’ingénieur et, même s’il ne
comprenait pas quand on lui disait « Merci », il
arrivait étonnamment à reconnaitre les sourires
sincères.
Après avoir interrogé le cambrioleur dans une
salle sombre, l’ingénieur le relâcha et se trouvait
rassuré :
« Heureusement, il s’est attaqué à mon repaire
par hasard, sans être au courant de toutes les armes
à l’intérieur, expliqua-t-il à l’EMEPEM, qui ne
comprenait toujours pas. Cela signifie que cet
endroit est toujours secret et que, par conséquent, je
suis encore en sécurité. Tu n’imagines pas à quel
point je suis soulagé. Et si j’ai pu capturer ce
cambrioleur, c’est bien grâce à toi ! »
Son sourire suffisait à faire passer le message.
Depuis qu’il était entré dans ce grand bâtiment,
l’EMEPEM se sentait complètement détendu, enfin
à l’abri après toutes ces aventures épuisantes. C’est
bien ce que l’ingénieur avait compris en croisant
son regard perdu et endormi, ses grands yeux verts
à la recherche de réponses. Après réflexion,
l’homme se redressa et annonça d’une voix
solennelle :
« Ecoute-moi, je sais exactement ce que c’est de
perdre tous ses repères. À partir de ce jour, le 12
juillet 2037, tu ne seras plus seul car je vais
m’occuper de toi. Sache que j’ai de très grands
projets pour toi… »
L’EMEPEM resta silencieux mais semblait
presque le comprendre. Pour la première fois de sa
vie, il se sentait aimé et ressentait des larmes couler
de ses yeux, sensations étranges… En guise de
remerciement, il aurait voulu lui donner quelque
chose. Mais l’EMEPEM n’avait rien… à part un
seul objet, qui lui avait été indispensable pour
arriver jusqu’ici.
« Alors, c’est une… une carte passepartout ?
Elle devait appartenir à un contremaitre de l’Usine,
si je comprends bien. Et il s’appelait…
Xavier. Attends, j’ai une idée ! Désormais, tu auras
un prénom : Xavier. »
Le 12 juillet, l’ingénieur avait donc mis fin à
l’existence de cet EMEPEM. En effet, l’EMEPEM
n’existait plus, mais Xavier pouvait vivre.
Quelques années plus tard, Xavier avait
complètement changé, physiquement et mentale-
ment. Il avait appris à parler, puis à lire et écrire.
L’ingénieur, lui aussi, était devenu quelqu’un
d’autre. Il avait décidé de devenir le proviseur d’un
lycée. Toutefois ses intentions étaient difficiles à
cerner… En vérité, personne ne savait vraiment ce
qu’il se passait dans sa tête ! Elite du Monde, puis
ingénieur de renommée mondiale et maintenant
proviseur du lycée Saint-Ferdinand…
Un homme unique en son genre, dont le surnom
était « Mister Devil » et qui portait toujours sa
fameuse montre avec une tête de diable.
Mais qui connaissait vraiment cet homme ?
Quels étaient ses « grands projets » ?
Et, surtout, que comptait-il faire de Xavier ?
FIN

