

Chapitre 4.3 : Compréhension
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Chapitre 4.3 : Compréhension
— Premier étage, chambre numéro 100, la plus belle, avait dit l'hôtesse, comme si elle s'était trouvée à l'accueil d'un hôtel et non d'un hôpital.
Ronan aurait pu se passer de demander le numéro de la chambre de Julie, mais il lui plaisait d'entendre répéter par une autre ses notes d'humour. Il entra dans une chambre que, dans l'affairement du moment et l'urgence de l'écriture, il avait meublée de la même manière que la suite du premier chapitre. Valentin était là au chevet de sa femme. La neige, les pistes de ski, les randonnées pédestres, tout semblait s'être irrévocablement envolé au moment même où Julie avait perdu son équilibre. Le couple imaginaire se tourna vers lui à son arrivée. Valentin eut un léger sourire, ultime réminiscence de leur folle escapade dans les quartiers touristiques de Guingamp quelques jours plus tôt, et Ronan lui rendit son sourire, un peu mal à l'aise pourtant. En tant qu'auteur, il avait décidé seul de la place de chacun sous la dictée de ses doigts et Valentin ignorait l'écrasante responsabilité qu'il portait dans l'accident de sa femme.
Julie tourna vers lui un visage encore entaché des stigmates de sa chute, et ces traces sanglantes furent autant de marques d'opprobre pour Ronan et son orgueil démesuré.
— Je suppose que c'est à vous que je dois cette chambre, dit Julie.
Valentin ne perçut dans cette phrase qu'un remerciement de sa femme à son auteur pour tous les soins qu'il lui avait prodigués par médecins interposés. Cependant, Ronan savait bien qu'à un second degré, ces quelques syllabes prouvaient que Julie n'était pas dupe et qu'elle devait le mépriser d'avoir choisi cette piteuse solution à ses propres problèmes.
— Une chance que vous étiez là, ajouta Valentin.
Julie se fendit d’un léger rictus à ces mots qui n'avaient pas la même signification pour eux et pour son mari.
— Une chance, oui… reprit-elle.
Ronan ne voulut pas ajouter la fourberie à son palmarès en reprenant à son tour une réplique du style « une sacrée chance, oui…». Alors, il se tut. Il n'avait pas lésiné sur les moyens pour prodiguer à Julie les meilleures attentions possibles, déjà sur le trajet, dans l'ambulance : sirène, escorte, déphasage des feux tricolores. À l'hôpital, une honteuse priorité donnée à ses examens face à des malades dans un état bien plus grave.
— Combien de temps vais-je attendre ici ? demanda Julie, ce qui pouvait se traduire par « combien de temps allez-vous louvoyer ainsi ? ».
— Je viens de m'entretenir avec les médecins, répondit Ronan. Vous sortez cet après-midi.
Valentin parut satisfait. Julie eut un doute.
— Et où nous emmènerez-vous ? reprit-elle.
— J'ai pensé que vous pourriez passer votre convalescence dans une petite maison que j'ai décrite pour vous à quelques kilomètres d'ici, près de la mer…
— Ce serait formidable, ma chérie ! dit Valentin, en se tournant vers sa femme. On aura une maison rien que pour nous deux !
« Vraiment ? » se demanda Julie, sceptique.
Pour imaginer sa maison, Ronan s'était inspiré de photographies vantant le charme des vieilles demeures bretonnes et le résultat était au-dessus de ses espérances.
L'intérieur sentait encore le neuf, les différentes pièces avaient été aménagées avec goût. Pour certaines d'entre elles, Ronan s'était contenté de plagier les pages de quelques magazines spécialisés dans les travaux de la maison.
L'habitation principale comportait deux chambres, une salle à manger, un séjour, une cuisine, un bureau, une buanderie, sans oublier les toilettes. Un garage était attenant avec un petit atelier pour divers bricolages.
Valentin ouvrit une porte. Derrière, la pièce était entièrement vide, entièrement blanche.
— Je ne l'ai pas encore terminée… s'excusa Ronan, mais je vous promets que demain, à votre réveil, j'en aurai fait une salle de bain parfaitement fonctionnelle. Je vous laisse même choisir la couleur, si vous voulez.
Julie finissait de faire le tour du propriétaire puis vint se planter devant Ronan.
— Tout cela est ravissant, mais je suis curieuse de savoir pourquoi vous vous êtes donné tout ce mal.
— Oh, vous savez, c'est peu de chose…
— Je sais, continua-t-elle d'un air blasé, le sandwich jambon-beurre, la chambre d'hôpital et maintenant cette maison, tout ceci est peu de chose en réalité pour vous. Pourtant je vous connais comme si je vous avais fait, si je peux me permettre, et je sais que vous attendez quelque chose de nous.
Valentin s'était rapproché.
— Eh bien, reprit Ronan apparemment gêné, oui, c'est vrai… dans une certaine mesure.
— Nous vous écoutons alors, répondit Julie.
— C'est délicat, s'excusa-t-il d'avance. Voilà, je ne vous apprendrai rien en vous disant que depuis quelques jours Mathilde et moi sommes confrontés à un problème relationnel, que nous nous imposons mutuellement nos propres désirs et que ces désirs sont devenus divergents. Donc, j'ai pensé que…
Ronan baissa les yeux et étrangla la fin de sa phrase.
— Vous avez pensé…, relança Julie.
Ronan eut un mouvement d'impatience ou d'énervement.
— J'ignore quelle direction donner à mon propre avenir ! Mathilde souhaite que je change, mais je ne suis pas certain d'en être capable. Elle me demande de museler mon orgueil ce qui revient à m'amputer de ma seule force. Je crains de perdre des moments de bonheur en refusant la vie qu'elle me propose aujourd'hui. Pourtant, j'ai peur aussi de ne pas conserver assez d'ardeur en moi pour nourrir notre relation.
Nouveau silence.
— Et vous avez pensé…
— Je dois savoir très vite ce qui est bon pour moi, mais je n'ai pas le temps de me tromper. J'aime Mathilde, je voudrais savoir si notre avenir à tous deux passe toujours par une vie commune. Pour cela, je manque de points de repère, alors…
Encore une fin de phrase en suspens.
— Peut-être préféreriez-vous écrire plutôt que parler ? dit Julie, d'un air narquois, vous vous défendez assez bien une plume à la main.
— Je voudrais parler avec quelqu'un qui ait déjà eu à trancher un dilemme similaire. Hélas, à moins de composer artificiellement une situation en tous points analogue à la mienne…
Il y eut une dernière pause. Julie ne reprit pas. Elle devait probablement avoir compris.
— Alors, j'ai décidé de tenter une expérience un peu folle. Julie, je vais vous faire tenir le rôle de Mathilde, une Mathilde revendicatrice, dominante, et vous, Valentin, vous endosserez mon caractère, mes préoccupations, mes désirs, mes attentes et mon amour. Je vais vous confronter à des séries de situations diverses, des situations de la vie quotidienne que j'ai déjà traversées ou que je serai amené à rencontrer de nouveau si notre vie commune reprenait un nouvel élan, et j'examinerai vos réactions ; elles me serviront de baromètre, en quelque sorte. Je veux savoir si, à la longue, une vie à deux est encore possible pour moi. Ainsi, vous serez le canevas de ma relation future avec Mathilde.
— Sommes-nous donc des animaux de laboratoire ? demanda Julie, en le fusillant du regard.
— Julie… tempéra Valentin.
— Laissez, Valentin, reprit Ronan. Le moyen n'est peut-être pas très honnête, mais je n'ai pas le choix… Ce sera une nouvelle expérience, pour vous et pour moi, une expérience qui n'a jamais été tentée, je crois. Peut-être même l'utiliserais-je lors d'un de mes futurs romans. Nous disposons de peu de temps. J'ai fait croire à Mathilde que Julie resterait quelques jours en observation à l'hôpital. Tout doit être terminé pour demain soir. Ainsi, vous passerez juste votre dimanche dans un monde virtuel, c'est tout.
— Si nous sommes amenés à nous côtoyer ainsi, dit encore Valentin, et à partager nos intimités, peut-être pourrions-nous alors nous tutoyer ?

