Arrivé à Nedungolam, petit village au milieu des backwaters, à 150km au sud de Kochi. C'est là que je réside depuis maintenant une semaine afin de réaliser une cure ayurvédique de 14 jours.

Le Kerala est en effet très connu et renommé pour sa médecine ayurvédique, où elle a réussi à se maintenir bien plus qu'ailleurs en Inde, notamment lors de la tutelle britannique, et on trouve un peu partout ici des centres et des hôpitaux proposant cette approche traditionnelle de soins. Médecine traditionnelle, multi-millénaire, basée sur une conception holistique particulière de l'homme dans son environnement... voilà qui ne pouvait que susciter mon intérêt grandissant, et justifier en soi mon premier objectif de ce voyage :découvrir cette approche, en l'expérimentant. Je consacrerai un très prochain article à ce sujet.

J'avais ainsi initialement repéré un hôpital réputé, une institution renommée et recommandée par un ami indien du Kerala. Mais après plus d'un mois à me faire tourner en rond dans un processus d'inscription par étapes sans fin, multipliant formulaires et consultation médicale en ligne, sans jamais répondre aux questions que je leur posais, ils m'informent quelques jours avant mon départ pouvoir me recevoir à partir du mois de décembre, et devoir demander un visa médical pour résider chez eux... toutes les questions pour lesquelles je sollicitais une réponse anticipée dès le départ ! Cela résume je trouve assez bien les difficultés de communication et de compréhension que nous pouvons régulièrement rencontrer avec les indiens, et qui peut être assez irritant pour un occidental qui souhaite recueillir des informations globales et précises dès le départ...Bref, cela m'a obligé à revoir ma copie, et je me suis rapidement réorienté vers un centre qu'une amie d'une amie lui avait recommandé. Bien m'en a pris !

Me voilà donc à Maïthri Mandir, « la maison de l'amitié ». Association indienne de solidarité et d'échange entre la France et le Kerala, elle a été fondée par Sarva Atma en 2003 pour soutenir le développement et l'émancipation des femmes et des enfants dans son village d'origine, notamment pour les plus stigmatisés, la classe des intouchables. Créer de l'emploi pour favoriser l'indépendance financière par le travail, émancipation par des projets d'éducation à travers la création d'école, d'orphelinat ou d'une multiversité, sensibilisation au développement durable et à la protection de l'environnement.... les projets de Sarva Atma sont nombreux !

Et pour pouvoir financer tout cela, il a monté progressivement un centre de cure ayurvédique, présenté comme un ashram, qui accueille des occidentaux principalement, venant bénéficier de soins dans une démarche éco-solidaire. Ici, on reçoit donc des soins ayurvédiques de qualité, donnés par des personnes qualifiées et supervisés par un médecin ayurvédique, dans un cadre privilégié et très agréable, au milieu d'une végétation abondante, des aigles, des milans, des corbeaux et de grandes chauves souris, à quelques pas des backwaters que je vous ai présentés dans un précédent article.

Alors, qui est donc Sarva Atma ? Indien originaire du Kerala, issu d'une caste modeste, il se présente comme un swami (un enseignant) appartenant à la lignée de Aadi Sankara (un des grands maîtres spirituels de l'hindouisme, du VIII° siècle) et de Guru Narayana (un chef spirituel et grand réformateur social issu du Kerala, reconnu pour son engagement contre le système des castes, du XIX°-XX° siècle), appartenant tous deux à l'école de l'Advaita Vedanta, l'école de la Non Dualité. Lui-même a été initié par le Guru Nitya Chaitanya Yati, élève du Guru Nataraja, lui-même disciple du maître Narayana. Présentation très précise, me direz-vous ; mais il est important de savoir que toute personne prétendant délivrer des enseignements se réfère toujours à son maître qui l'a enseigné, appelé Guru « celui qui dissipe l'obscurité », et à la lignée qui l'a précédé. Cette notion de gourou est donc fondamentale ici en Inde, et toujours connotée très positivement contrairement en Occident.

Guru Narayana

Parti à 18 ans de sa maison en quête d'un maître spirituel, il s'est rendu dans plusieurs ashrams « lieu d'enseignement spirituel » dans le Kerala, avant de rejoindre l'ashram du Guru Nitya à côté de Varkala à une trentaine de kilomètres au sud de Nedungolam. Là, il y a passé un peu plus de 15 ans, de 1983 à 1998, à vivre et servir dans cet ashram tout en suivant les enseignements de son maître, eux mêmes hérités de l'enseignement professé par Guru Narayana. Il y apprend une sorte de chemin vers Soi, reconnaître l'Absolu en Soi, en dissipant les illusions du moi et de l'ego, en se nourrissant pour cela des grands textes védiques de la tradition hindouiste et notamment de la Bhagavad-Gîtâ, et d'une pratique disciplinée de yoga et de méditation pour parvenir à reconnaître l'unité du monde en Soi.

Souhaitant accomplir un des projets non réalisés de son maître, celui de fonder un ashram en Europe, il essaie d'apprendre quelques rudiments de français auprès d'occidentaux de passage, et part en France avec l'appui de l'un d'entre eux. Il se fait alors surnommer Ekarshi « celui qui voyage seul » par son maître. Là, il y exerce plusieurs activités en même temps qu'il enseigne le yoga comme discipline physique et spirituelle, et tente de monter un ashram à Decazeville dans l'Aveyron, projet toujours en cours d'élaboration.

Il revient depuis régulièrement dans son village natal où il souhaite s'engager pour améliorer les conditions de vie matérielles et spirituelles de ses compatriotes, et ayant hérité de la propriété de ses parents, il décide d'en faire un ashram et fonde ainsi Maïthri Mandir en 2003, afin de proposer des séjours de cure ayurvédique tout en délivrant localement ses enseignements yogiques et spirituels, l'ensemble permettant de financer ses projets écosolidaires. Il se partage depuis entre ses différents projets en France et ici à Nedungolam.

Maïthri Mandir est devenu avec le temps un endroit assez spacieux, réparti entre plusieurs sites dont certains sont encore en construction, proposant actuellement une trentaine de chambres, où l'on peut venir se ressourcer quelques semaines dans un cadre très apaisant. On vient y suivre la plupart du temps une cure ayurvédique, mais aussi des cours de yoga, de méditation, et si on le souhaite une initiation à la philosophie hindouiste... avec l'immense avantage qu'ils soient donnés en français par un indien qui maîtrise bien notre langue et connaît notre culture et notre façon de penser.

La journée commence ainsi à 6h30 par un temps de méditation guidée, suivi d'un cours de yoga, dispensés par Sarva Atma ou d'autres enseignants indiens ou français. S'ensuit un délicieux petit-déjeuner kéralais, avant d'entamer les différents soins ayurvédiques (que je vous présenterai dans un autre article). Ceux-ci commencent toujours par un massage complet du corps, suivi d'un soin spécifique, le tout durant 1h15 et pouvant avoir lieu soit le matin, soit l'après-midi. Egalement, Sarva donne quotidiennement un enseignement en ligne de 3 heures pour ses étudiants français, associant méditation, yoga et enseignement spirituel, que nous sommes autorisés à suivre en ligne si nous le souhaitons.

Enfin, des sorties sont proposées chaque jour pour découvrir la région, sortir en pirogue sur les backwaters, faire quelques emplettes, mieux comprendre certains aspects de la culture indienne, et notamment sa dimension spirituelle en allant découvrir l'ashram fondé par Narayana où Sarva Atma a séjourné.

La cuisine, quant à elle, est exceptionnellement bonne : on y découvre une cuisine végétarienne typiquement kéralaise, bien que non pimentée, à base de riz cuit et/ou de galettes diverses de riz ou de blé (porotha, chapati, puri, pappadam, uthapam, idlis..) qu'on accompagne de divers currys ( préparation de divers légumes cuits et assaisonnés de multiples épices), chutneys, sauces à base de yaourt (dahi) ou de noix de coco (le cocotier ici est roi et symbolise vraiment le Kerala et la région des backwaters)... c'est un délice et un régal des papilles qui participe largement du confort d'un séjour ici !

Il nous reste enfin beaucoup de temps dans la journée pour se reposer, lire, écrire, aller se promener.... Bref, prendre du temps pour soi et pour s'écouter, écouter son corps, laisser la possibilité à d'autres choses que nos préoccupations habituelles d'émerger. Il est important de savoir que selon les personnes et les soins, certaines séances de massage peuvent beaucoup fatiguer !

Un lieu de retraite qui me convient donc très bien, pour laisser derrière moi ce que j'ai besoin dans cette nouvelle période transitionnelle, et qui est je dois l'avouer nettement plus doux, tranquille et confortable que certaines retraites méditatives ou amazoniennes que j'ai pu vous narrer à d'autres moments !

NB : Le lien vers leur site : https://maithrimandir-homestays.com/