Philippe Schoepen, 61 ans et des poussières d'étoile
Philippe Schoepen, 61 ans et des poussières d'étoile
J’ai eu 61 ans en 2025, mais je ne les fais pas. C’est en tout cas ce que disent mon entourage bienveillant et les myopes. "Tu ne vieillis pas, Phil, tu mûris". Ouais, dans 20 ans, je mûrirai peut-être. Coup de gueule sur maintenant.
On connaît tous ces films américains ou français au scénario écrit sur un ticket de métro : un homme ou une femme se réveille un matin, il a 18 ans… Ou elle, 13. Avec leurs acquis et cerveau d’adulte. Il s'ensuit une série de quiproquos. A-t-on déjà pensé à l’inverse ?

Tu es vieux si ta photo de toi bébé est en noir et blanc
Imaginez : un enfant devient adulte en une nuit. Il peut d’appréhender les joies et peines d’une grande personne. L’on me dit que ce thème a déjà été abordé dans le film Big avec Tom Hanks en 1988. J’étais déjà adulte quand ce film est sorti.
D’accord, mais le gamin ne pourrait-il pas devenir plus vieux encore ? Genre mon âge, quoi. Pour ensuite en retirer quelques leçons pour son vrai à venir.
Pour, aussi, trouver des réponses à toutes ces questions qui ne font pas que du bien dans sa vie d’ado tourmenté.
Trouver quelque apaisement, et se dire que cela va aller, qu’il faut sortir, bouger, faire du sport, écrire et aimer.
Desserrer l’étreinte et profiter de sa vie d’homme qui commence à peine.
Mais voilà, j’ai soixante-et-un ans et demi, et ça coince, un peu partout, et tous les jours un peu plus.
Philippe, cela s’appelle la vie, cela s’appelle la nostalgie, la mélancolie, le temps qui passe, celui dont il faut commencer à mesurer sa valeur, selon le chanteur Christophe. Ce temps qui blesse, efface ou glace.
Le baby-boomer que je suis (à un an près, hi hi) prend des coups. Dans tous les domaines.
Le sexagénaire au physique craquant
Le domaine de la santé, pour commencer. Pas encore vieux, senior, croulant… (ces mots qui en rajoutent une couche), mais en apprentissage en matière de consommation de médicaments en tous genres. La pilule peine à passer.
Ce physique qui me lâche… ces nuits qui ne me font pas récupérer. Je deviens comme Cendrillon, interdit de sortie après minuit sous peine d’encaisser pendant des jours.
Bon OK, sur le coup, la pandémie m'a mis sur le même plan que les sorteurs dont je fis partie dans les années 90’.
Ces joggeurs-là aussi qui m’emmerdent, à parfaire leur condition alors que moi, je pourchasse le temps, ce salaud.
Puis, je passe rapidement sur ces nouvelles musiques inaudibles, la vue qui baisse, une thrombose, le sexe en berne, sur le marketing commercial qui te parle de ‘prostate’, de ‘retraite’, de ‘compléments alimentaires’ et autres monte-escaliers électriques.

Le poids des ans, le choc du bilan au boulot
Le boulot ensuite… C’est infime au début… On t’invita à une réunion RH sur les seniors quand tu as à peine passé le cap des 45 ans, tu glisses vers la sortie. alors que tu n’en es qu’à la moitié de ta carrière professionnelle.
Les efforts à accomplir pour rester au top dans ta profession, les collègues un peu plus âgés plus que toi qui quittent la société, heureux… ou forcés, l’annonce du décès d’un autre collègue, un ancien.
Ces réunions, à présent en visioconférence, où tu es le plus âgé, mec !
Bien fait pour ma gueule, tiens. En 1991, j’étais un jeune gestionnaire dans une compagnie d’assurances. Devant une collègue de 25 ans mon aînée, qui se plaignait de tout et de rien, je lui ai sorti : « Jacqueline, le monde de l’assurance de Papa, c’est terminé ! »
Eh oui, moi aussi j’ai pratiqué l’âgisme, ce « préjugé contre une personne ou un groupe en raison de l'âge ».
Sondage express
J’ai posé trois questions à quelques jeunes sexagénaires sur les réseaux sociaux.
D’abord : « Que ne sais-tu plus faire à présent que tu pouvais faire à 30 ou même 40 ans ? »
La majorité des personnes interrogées parle d’activité physique et sportive… Trop de sport tue le corps, pas assez aussi, semble-t-il. Le corps est sévère. Il retient. Mais il lâche la mémoire, la difficulté à apprendre de nouvelles choses. Comme un moteur encrassé qui demanderait une sérieuse révision.
« Te sens-tu bien dans cette société comme jeune sexagénaire ? Job, vie perso, autre… »
Chacun a son propre point de vue. L’un se reconnecte à lui-même, s’accepte bien mieux qu’auparavant puisqu’il se connaît mieux (la fameuse expérience).
Tous reconnaissent une certaine stabilité financière, bien utile pour affronter cette crise. et préparer la retraite, période durant laquelle les revenus baisseront considérablement alors que les dépenses de santé augmenteront. Ouais, je suis assez négatif dans le fond.
D’autres regrettent comme moi, le départ ad patres de leurs idoles, déplorent les choses qui leur échappent, ces nouveaux mots, ces nouvelles techniques, ce monde qui va (trop) vite, ces perspectives grises de notre monde, et pas que pour nous. On pense à nos enfants et à nos petits-enfants.
A-t-on bien fait pour eux ? Certains militants nous font passer pour des égoïstes, des profiteurs, des pollueurs. Il est facile de juger.
Venez vivre comme nous vivions dans les années 80. Qu’avons-nous fait de si horrible ? Nous étions sans réseaux sociaux pour nous plaindre, hu hu hu.

Face à la mer (photo personnelle)
La vie, la famille, les sentiments
J’arrive à un âge « compliqué », des enfants qui grandissent… dont on doit encore s’occuper, « mais plus pour très longtemps Papa, on gère hein.. », des parents qui redeviennent enfants, dépendants, mais encore verts !
Entre le marteau et l’enclume. Sans doute dur à lire, mais qui s’occupe de nous ?
Alors, je m’occupe de moi.
« Quelles sont les trois choses que tu veux ABSOLUMENT faire d'ici à 10 ans ? »
Se remettre en forme, prendre du recul, « retrouver la fraicheur mentale et émotionnelle qu'on peut avoir à 20 ans ». Cela, je valide des deux mains.
Créer quelque chose, publier des livres, réaliser ce qu’on a toujours reporté. Une petite maison à la campagne, un achat plaisir, un « je ne fous rien, je profite » aussi.
Pour ma part, je mets des choses en place, hein ! Je ne suis pas à plaindre. J’écris, je médite, je marche beaucoup.
Je pense que, malgré tout le blues évoqué ci-dessus, il me reste encore de très belles années de bleu.
De bleu sel, avec ma belle.
(pour Christine)
Contribuisci
Puoi sostenere i tuoi scrittori preferiti


Pascaln 1 ora fa
Merci Philippe pour ce texte que j'adore finalement. Tiens, finalement... ?? Bah oui, parce que je l'avoue sans rougir au début de sa lecture, il ne m'emmenait pas ce texte. Sûrement parce que j'ai commencé par m'y perdre. Mais je suis du genre jusqu'auboutiste, et voilà le fameux finalement devant lequel s'érige ce j'adore, et là je sais très bien pourquoi, en tant que sexagénaire légèrement plus jeune que toi, je me retrouve pleinement dans ton texte.
Philippe Schoepen 1 ora fa
C'est un texte personnel sans les artifices de mon métier de copywriter :-) Belle soirée.
Line Marsan 1 ora fa
Je ne sais pas quoi dire... parce que cette sincérité ça touche, ça bouleverse. C'est l'humain qui s'exprime dans ce qu'il a de plus profondément humain, la condition humaine, la précarité de l'existence, la vulnérabilité face au présent et à l'avenir.
À 61 ans et des poussières, serait-on plus "humain" qu'à 30 ? Peut-être bien...
Philippe Schoepen 1 ora fa
Merci à toi, touché en retour